arch/ive/ief (2000 - 2005)

Le déshonneur des sociologues ?
by Jamal comme X Tuesday, Nov. 08, 2005 at 3:36 PM

Une mépris social, plus ou moins distingué, qui ne veut pas dire son nom....


Le discours selon lequel "ils ne savent pas ce qu'ils font" : de la fureur nihiliste et autodestructrice, on le sait, on le lit, est le discours de la doxa ambiante (et tout particulièrement médiatique). Un topos des temps présent donc. Une sociologie digne de ce nom ne peut en aucun cas lui emboîter le pas, adouber ce type de discours, elle doit se faire contre ce "sens commun" là. "Les acteurs sociaux ne sont pas des idiots culturels" doit être le principe directeur de toute sociologie sérieuse. Ne prend-on pas au sérieux un ministre, à la responsabilité de plus en plus douteuse, qui a écrit dernièrement : « Notre stratégie est la bonne » ? Si l'on comprend pourquoi dans le champ médiatique et politique l'on agit de la sorte, l'inverse serait jouer contre son camp, monopole de la représentation et de la délégation oblige, on doit pouvoir se demander pourquoi dans le champ scientifique (sciences sociales), avec des nuances bien sur, on reproduit ce discours-là? Cette interrogation-là, c'est aussi cela l'épistémologie ! A l'assertion marxienne, "ils ne pouvaient se représenter, il fallait qu'on les représente", les principaux intéressés ont répondu par une "praxis" bancale et tâtonnante, il est vrai, car il ne s'agit pas de tomber dans le piège symétrique du populisme « jeuniste »... Mais une praxis qu'il leur est propre et que bien d'autres acteurs sociaux n'arrivent pas à bricoler à leur tour. A-t-on entendu parler de grandes émeutes de SDF par exemple ?

Là réside le « miracle social » dont parlais Bourdieu: agir avec une certaine efficacité alors que les facteurs dispositionnels (mésestime et haine de soi par exemple) et les représentations sociales par ces effets de ventriloquie (y compris des sciences sociales) vous poussent à la démobilisation et l'acceptation du rapport de force tel qu'il se présente aujourd'hui. Voici des jeunes qui cumulent handicaps et stigmates (sociales, ethniques, économiques, culturels, territoriales... ; le seul capital dont ils sont ils pourraient se prévaloir étant leur capital jeunesse), qui en font les dominés des dominés ("caillera" est le terme par lequel ces jeunes se désignent eux-mêmes!). Et qui parviennent, par delà la résignation et le fatum social auxquels tout les déterminent, à trouver l'énergie (du désespoir certes), un certain sens de la tactique, une lucidité étonnante. Choses que personne ne soupçonnait d'eux , ce qui en dit long sur le portrait stéréotypé des jeunes de banlieue comme figure des nouveaux barbares, classe dangereuse d'aujourd'hui. Voyez la diatribe, sur l'organisation qui ne pourrait être qu'"extérieur" à eux...

L'autodestruction la plus achevée est le suicide (la consommation de drogue en est une déclinaison mais pensons aussi aux maladies psychiatriques) et la résignation, cette mort sociale, qui fait le bonheur des dominants.

Bourdieu observait qu'"on pouvait brûler des voitures quand on a des objectifs". Qui peut dire avec certitude que cette jeunesse française n'en a pas?