arch/ive/ief (2000 - 2005)

Congo / Des incidents perturbent la fête nationale
by raf Wednesday, Jul. 06, 2005 at 9:41 PM

La fête nationale du 30 juin a été perturbée à Kinshasa par des manifestations de protestation contre le gouvernement. Mais celles-ci n’ont pas eu l’ampleur espérée par l’opposant Etienne Tshisekedi. Tshisekedi avait annoncé la fin du régime actuel pour le 30 juin. Les services de police sont fermement intervenus contre les manifestants. La plupart des habitants de Kinshasa sont restés chez eux pour fêter le 45e anniversaire de l’indépendance.

Raf Custers, en direct de Kinshasa

La veille de la fête nationale, le président Joseph Kabila s’est adressé à la nation. Il a dit qu’il est déterminé à mettre fin à quinze ans de Transition et qu’il va organiser des élections. La Transition vers un système multipartite a été lancée en avril 1990 par l’ancien président et dictateur congolais Mobutu. Mais elle a été interrompue quand Mobutu a été chassé du pouvoir en 1997 par Laurent-Désiré Kabila, le père de l’actuel président, et par une guerre d’agression contre le Congo qui a duré de 1998 à 2003.

Cette année, la fête nationale marquait le 45e anniversaire de l’Indépendance du 30 juin 1960. Pourtant, contrairement à l’habitude, les autorités de Kinshasa n’ont organisé ni défilé militaire, ni cérémonies officielles. Des manifestations sportives et des offices religieux ont cependant eu lieu dans les communes de la capitale.

Le 30 juin a pourtant commencé vers minuit par un feu d’artifice, tiré simultanément de quatre coins de la ville. Le gouverneur du Grand-Kinshasa l’avait annoncé, mais beaucoup de Kinois n’avaient pas entendu le message, et les coups de pétard ont provoqué un peu de panique ici et là. Tôt le matin, à part des agents de police et des vigiles, il n’y avait pas un chat au centre ville. Le 30 juin est un jour férié officiel. Personne ne devait aller travailler, il n’y avait donc pas de taxibus, et le train qui relie la Gare Centrale à Ndjili (aéroport) ne roulait pas non plus.

Incidents

Les difficultés ont commencé vers 9 heures. Des militants des partis d’opposition UDPS, d’Etienne Tshisekedi, et PALU, d’Antoine Gizenga, avaient l’intention de se rendre au Palais du Peuple, où siège le Parlement. Puisqu’aucune grande manifestation n’était autorisée, ils marchaient en petits groupes. La police est immédiatement entrée en action.

Nous avons vu comment les manifestants ont été dispersés dès neuf heures et demie, dans le quartier du Stade des Martyrs, à quelques pas du Parlement. Des unités de l’UPI (Unité Police Intégrée) et de la PIR (Police d’Intervention Rapide) ont repoussé les manifestants vers les quartiers populaires de la commune de Kasavubu ou vers le terrain vague à côté du stade. Des agents ont tiré des grenades lacrymogènes et ont également tiré en l’air. Après 11 heures, la situation était sous contrôle. Des hélicoptères et des blindés de la MONUC (forces de paix de l’ONU) ont observé les événements sans intervenir.

Partout ailleurs dans la banlieue Est de Kinshasa, le calme était revenu. Nous avons pu le constater nous-mêmes aux Poids Lourds, au carrefour routier de Limete et sur le grand boulevard qui mène à l’aéroport, à hauteur de la «difficile» commune de Masina. Au début de l’après-midi, de nouveaux incidents se sont produits à plusieurs endroits de la ville.

Pendant les incidents, il y aurait eu 2 morts et quelques dizaines de blessés à Kinshasa, et des centaines de gens ont été arrêtés. L’UDPS a rapidement parlé d’une dizaine de morts.

Insatisfaction

Etienne Tshisekedi avait appelé aux marches de protestation parce que la période de Transition de deux ans se terminait le 30 juin. Cette période a commencé avec l’installation, en juillet 2003, du gouvernement de transition de Joseph Kabila et de ses quatre vice-présidents. Cette équipe devait, en collaboration avec le Parlement de transition, réaliser un programme chargé: l’unification dans l’armée des partis belligérants, la réorganisation des administrations territoriales, la rédaction d’un projet de Constitution et l’organisation d’élections. Au début de cette année, il est apparu qu’il était impossible de tenir les élections dans les délais convenus. Tshisekedi a alors lancé une agitation politique virulente. Début avril, il a annoncé la fin de la Transition pour le 30 juin. Ces dernières semaines, Tshisekedi a essayé d’exploiter la grande insatisfaction qui règne parmi la population. Ses militants de l’UDPS ont joué un rôle très actif pour répandre le mot d’ordre des marches de protestation du 30 juin. Pour ces militants, Tshisekedi aurait dû redevenir Premier Ministre, la fonction qu’il a occupée puis perdue sous le régime du dictateur Mobutu.

L’agitation a éveillé une certaine “psychose” à Kinshasa, une nervosité générale à propos de ce qui pourrait se passer le 30 juin. Cette nervosité a sans aucun doute impressionné la classe politique. Ainsi, en peu de temps, des pas sérieux ont été franchis en direction des élections générales, les premières depuis l’indépendance du Congo. Le Parlement a entre-temps prolongé la Transition de six mois (et il peut encore le faire une deuxième fois, fin décembre). Les habitants de Kinshasa ont pesé le pour et le contre et décidé de ne pas suivre le mot d’ordre de Tshisekedi. C’est pourquoi l’ampleur des incidents du 30 juin est restée relativement limitée.