Congo : Climat de terreur à Kinshasa? by Danny Claes Friday, Jul. 01, 2005 at 4:20 PM |
Chaque nuit on tue les gens. Ce n'est pas pour des sommes énormes. On tue par exemple un receveur d'un taxi-bus qui rentre la nuit avec tout au plus 1000FC en poche. Un soldat qui revient d'un deuil (veille avec la famille et les amis dans la maison d'un défunt ou de sa famille). Un surveillant de parcelle (cour intérieure), où lui et d'autres chauffeurs garent leur taxi-bus pour la nuit. Cet homme était très apprécié dans son quartier. Tout le monde parle du ‘KATAKATA’ qui, il y a 14 jours, a abandonné un cadavre découpé et qui a signé avec KATAKATA (du verbe kokata = couper)
Autour de l'énorme cimetière de Kitambo, on a assassiné pratiquement quelqu'un chaque nuit. Hier, on a pu attraper un des auteurs, appelé 'faux soldat' par le témoin. Cet homme en civil a déclaré, devant les gens qui s'étaient attroupés, qu'ils sont 280, dispersés sur le cimetière de Kitambo, IPN (où se trouve une grande école supérieure de pédagogie) et Binza Delvaux, où d'autres personnes ont été assassinées. L'homme disait que leur tâche était de tuer.
Apparemment, on installe un climat de terreur. Ca dure depuis un moment et ça fait partie d'une campagne orchestrée. En mai, c'était surtout le moulin à racontars autour de Tramotina, les machettes dont on prétend "qu'on n'en trouve plus nul part, parce qu'on aurait raflé tout pour les distribuer le 30 juin”. En réalité un appel caché pour préparer des pillages. On essaye de créer un climat de peur et de “tout est possible le 30 juin”.
Au niveau politique c'est surtout l'UDPS, le parti de Tshisekedi, qui joue
cette carte. Des militants diffusent – anonymement – des appels
de “Ville Morte”. Ce qui veut dire: bloquer tout transport afin
que personne ne puisse aller travailler. De vraies lettres de menaces circulent:
“attention, celui qui ira travailler mourra”.
La dernière tentative de Ville Morte, annoncée pour le 17 mai,
a été un échec total. Au lieu d'une journée de Ville
Morte, on a nettoyé les boulevards avec des travailleurs et des jeunes
et il y a eu une manifestation en mémoire de l'entrée de Kabila
(père) à Kinshasa le 17 mai 1997.
Beaucoup de gens trouvent que Tshisekedi est un irresponsable et un lâche. ”Sera-t-il devant pour manifester? Ce seront nos fils qui ramasseront les balles.” “Réparera-t-il les dégâts s'il y a des destructions?”
L'armée est manifestement présente ces derniers jours. C'est
même impressionnant. Des milliers de soldats patrouillent dans les quartiers,
surtout à Masina III, près de l'aéroport. Ils restent toute
une nuit et puis ils continuent leur chemin. Les réactions de la population
sont mitigées. Sécurité, OK. Mais des soldats mal ou pas
payés sont parfois aussi dangereux.
Dans plusieurs quartiers de Masina, Bumbu et ailleurs il y a (surtout) des jeunes
qui ont formé des “comités d’autodéfense”
et qui patrouillent eux-mêmes la nuit. La Sécurité, c'est
toi-même qui l'assure. Parfois il y a un coup de fil des autorités
pour demander “comment ça va”.
Chez ces jeunes la tête de turc est surtout le vice-premier Ruberwa, représentant du RCD (alliés du Rwanda) et “responsable” pour la sécurité. Cet homme est suspecté de collaborer au climat d'insécurité. Probablement parce que, en cas d'élections, il n'a pas ou peu de chances pour être élu.
Entre-temps l'inscription des électeurs continue. L'opération
est bien suivie par la presse. Il y a de bons sketches marrants à la
télévision et à la radio, pour motiver les gens à
s'inscrire. Il y a aussi de grands calicots oranges avec cet appel. Mais il
y a aussi les obscures et omniprésentes Eglises du Réveil américaines
par exemple, qui organisent, jusque tard dans la nuit, des prières par
haut-parleurs et qui empêchent les gens de dormir. Ils font de la propagande
contre l'encre indélébile qu'on utilise lors de l'inscription
parce que 'diabolique'. Cet encre est utilisée pour l'empreinte digitale
sur la carte électorale, qui serait en même temps une carte d'identité
provisoire. Dans un journal on pouvait lire que Tshisekedi aussi appelle à
ne pas s'inscrire. Il veut soi-disant des élections “maintenant,
le 30 juin”, mais n'accepte pas que les électeurs s'inscrivent
…