Après le NON à la Constitution, pourquoi dire NON à la candidature TURQUE ? by Julien Van Straeten Monday, Jun. 27, 2005 at 11:59 AM |
Le sujet de l'annexion turque est à des lieues de faire le lit de nos conversations. C'est dommage, parce que les enjeux sont à mon sens autant considérables que le NON au Traité constitutionnel. Les conséquences de l'annexion à la Turquie témoigneraient d'un échec radical et fatal pour notre lutte, c'est bien pour cela qu'il ne faut pas laisser ce morceau pour l'extrême-droite ... Résumons la situation.
1) Non-respect des droits de l'homme
2) Problème au niveau de la non-reconnaissance du génocide arménien. Au contraire, on peut même parler d'une reconnaissance de NON-génocide. Pire que cela, le Premier ministre turc Tayyip Erdogan a ouvertement menacé les pays qui adoptent des résolutions pour la reconnaissance !
3) Nos camarades turcs sont totalement opposés à cette adhésion pour les bonnes raisons résumées ci-dessous. Le peuple turc se dit - et il en a toujours été comme ça - asiatique. Mais bizarrement pas les politiques. Que cherchent-ils ?
4) Les autorités turques sont les amies de nos ennemis, par conséquent elles sont nos ennemies.
Explications ...
Ce pays puissant en terme de densité de population qu'est la Turquie, qui aura dès son adhésion une imposition importante au sein de l'UE, n'est rien de moins qu'un cheval de Troie des USA qui ouvrirait les vannes d’une série de demandes qui permettraient de maintenir plus durement l'Europe dans un simple projet de zone économique. C'est là tout l'enjeu intéressant d'intégrer ce pays asiatique coûte que coûte. Tout cela se fait sur la pression constante des Etats-Unis, et ce, depuis le début.
On nous dit que l'adhésion de la Turquie permettrait un meilleur dialogue entre européens et le monde musulman (tout comme la péninsule ibérique avec l'Amérique latine et l'Angleterre avec l'Amérique du Nord). Mais quel "dialogue" ? Ce type d'approche américaine désagrégeante, créant une disparité dangereuse pour cette zone, perturbera de surcroît l'amorce d'un dialogue Nord-Sud qui pourrait s'établir à l'avenir entre les entités européenne et moyen-orientale futures, de même nature structurelle.
Ce "dialogue" entre Europe et le monde musulman, voici simplement ce que cela donnera:
1) Meilleure intégration de la défense européenne dans l'OTAN qui renforcera ses positions en Turquie afin d'accroître les possibilités d'interventions militaires surtout américaines en Irak et dans tout le Moyen-Orient si besoin. Le Pentagone demande déjà d'installer en Turquie 90 000 hommes et huit bases aériennes supplémentaires.
2) Renforcement économique, militaire et politique de la Turquie, donc de l'influence déséquilibrante de ce pays dans le Moyen-Orient mais aussi en Transcaucasie particulièrement pauvre, afin de mieux asseoir l'hégémonie américaine dans ces deux régions en faisant payer une partie de la note aux Européens. La Turquie bénéficie aussi largement de l'aide financière américaine.
3) Création d'un environnement sécurisé pour la production et l'acheminement pétrolier sous la houlette de Washington qui lui permettrait de manœuvrer à son avantage les pays producteurs du Moyen-Orient et de mieux profiter de la réserve mondiale d'or noir représentée par le bassin de la mer Caspienne. En effet, les Etats-Unis, devant accroître leurs importations de pétrole de 60 % d'ici 2020, sont condamnés à diversifier leurs sources d'approvisionnement. Il est enfin important de noter que les réserves du sol américain seront épuisées dans les années 2010.
4) Extension de l'influence américaine en Transcaucasie à travers entre autres la nouvelle puissance turque afin de mieux évincer la Russie et l'Iran de ressources énergétiques de la Caspienne. Depuis Clinton, le ministère américain de la Défense fourni des armes et de l'entraînement aux forces armées d'Azerbaïdjan, de Géorgie, du Kazakhstan du Kirghizistan et de l'Ouzbékistan; depuis le 11 septembre 2001, Bush a intensifié les efforts dans cette région.
Notons la dilution et l'affaiblissement de la cohérence de l'Union européenne qui, avec ses dix nouveaux membres mais surtout, lestée de la Turquie, prendra certainement le chemin d'une zone de libre échange rêvée par la Grande-Bretagne, condamnant définitivement l'Union à l'impuissance politique. N'est-ce pas un commissaire européen qui ironisait "Plus les frontières de l'Europe seront étendues mieux ce sera pour les intérêts américains. Vous imaginez vous leur réaction si on leur disait de s'élargir au Mexique ?
... De plus, le PIB/habitant en PPA de la Turquie est aujourd'hui 2,7 fois supérieur à celui de ses voisins. La manne européenne va encore très sensiblement accroître cette distorsion qui peut, à terme, mettre tout le Caucase sous tutelle économique de l'Etat turc, lui permettant ainsi de réaliser son rêve panturquiste car il sera relié de fait aux pays turcophones de l'Asie centrale.
Une dernière chose.
Si un premier pays asiatique entre dans l'Union, qu'est-ce qui empêchera à d'autres - toujours très amis avec les USA - d'y pénétrer à leur tour ?
... A commencer par Israël qui compte bien présenter sa candidature. S’ils intègrent l'UE, il va être beau notre "dialogue" avec le monde musulman ... Surtout que dès lors Israël se doterait d'une carcasse pratiquement impossible à fissurer et, plus protégé, pourrait plus saccager et jouer les maîtres du monde en toute impunité ? Le lobby sioniste est déjà indubitablement très puissant, mais s’il "se fait l'UE", cette puissance deviendrait alors pire qu'inimaginable.
Ne laissons donc pas ce terrain du NON à la Turquie aux fachos, nous pourrions nous en mordre les doigts dans quelques années.