En France, Diffamation et chasse aux sorcières by Nathalie Sunday, Jun. 26, 2005 at 2:17 AM |
Après Daniel Mermet, Pascal Boniface et avant Edgar Morin, Alain Ménargues - vice directeur de Radio France Internationale - a été la cible d'attaques destinées à décrédibiliser son livre, « Le mur de Sharon ». Accusé d’« antisémitisme », Alain Ménargues a été demi de ses fonctions. Le soupçon d’antisémitisme - avec toutes les manipulations qui peuvent s’ensuivre - pèse lourdement sur la tête des personnages publics qui critiquent Israël. On ne peut que se réjouir que les Amis du Monde diplomatique, l'Acrimed ou l'association Solidarité France Palestine lui permettent de s'exprimer. Loin des stigmatisations et des invectives, ces associations rendent ainsi possible un débat public où les divers opinions peuvent s'exprimer, permettant à chacun de se faire une opinion éclairée. N'est-ce pas là le fondement du fonctionnement démocratique ? C'est dans cet esprit que se place l'entretien qu'Alain Ménargues a accordé à Silvia Cattori.
Silvia Cattori : N’avez-vous pas brisé sciemment un tabou en affirmant qu’Israël est un Etat raciste ?
Alain Ménargues : Les textes sont là. Je n’ai rien inventé. L’Etat juif d’Israël est considéré comme juridiquement raciste par les Nations Unies.
S.C. Vous l’avez chèrement payé. Etes-vous atteint ?
A.M. Je suis résolu à me battre contre tous ceux qui accusent injustement des gens honnêtes. Vous savez je m’occupe de longue date de l’information sur le Moyen Orient. Je sais très bien, pour l’avoir observé de près, comment Israël exerce son contrôle sur l’information. Depuis les années 1970, il existe un service de renseignements militaire. Il y a un département qui s’occupe exclusivement de la presse. Tout journaliste qui va en Israël est muni d’une carte de presse délivrée par un service de presse qui dépend de l’armée. C’est donc bien l’armée israélienne qui est chargée, entre autres, de façonner l’image d’Israël dans le monde. Toutes les ambassades israéliennes ont un service de communication, des diplomates qui sont chargés de veiller à ce que la bonne image d’Israël soit sauvegardée. Dans l’affaire qui me concerne, les ambassades d’Israël à Paris et à Bruxelles sont intervenues. Elles ont fait pression sur des journalistes par le biais de ce que l’on appelle les agents d’influence ; pour faire dire que je suis antisémite, donc pour me décrédibiliser et dissuader les journalistes de donner un écho à mes propos.
S.C. Cela vous a-t-il été rapporté de bonne source ?
A.M. Oui je peux en apporter la preuve. Il y a des journalistes qui peuvent le confirmer.
S.C. Comment un Etat peut-il intervenir aussi ouvertement ?
A.M. C’est ce qui s’appelle, en communication, de la manipulation. Dans mon cas cela s’est fait sur un axe bien précis. Je représente un cas d’école. Avec mon dernier livre [1] je touche à un point sensible. D’autant que l’image d’Israël se détériore de plus en plus. Il y a un rapport du Ministère des Affaires étrangères, daté d’août dernier, qui analyse l’image d’Israël. Ce rapport révèle qu’Israël a bel et bien perdu la bataille médiatique mondiale. Qu’Israël risque d’être classé, sous peu, au même rang que l’Afrique du Sud de l’apartheid. Mon livre tombe à pic.
S.C. Pourquoi ce déchaînement contre vous alors que tant de choses ont déjà été écrites dans des médias spécialisés ou sur les sites Internet ?
A.M. Je n’ai pas la réputation de quelqu’un qui transige sur l’exigence d’informer correctement. En ce qui concerne la politique israélienne je suis assez rigoureux dans ce que j’écris. Je parle du droit de l’enfant, de la femme et des abus qu’ils subissent en ce qui concerne Israël comme pour d’autres pays. Israël n’est pas un pays à part. J’en appelle donc simplement à l’application des résolutions de l’ONU, qu’Israël ignore. Par conséquent, m’éliminer, me chasser du poste de responsabilité qui était le mien, un poste médiatique, c’est pour mes détracteurs faire d’une pierre deux coups. Je prépare un document à ce sujet.
S.C. Donc vous ne baissez pas les bras ?
A.M. Je vais me battre. Je ne vais pas me laisser faire.
S.C. Vous battre pour vous faire réintégrer à RFI ?
A.M. Non, retourner à RFI c’est impossible. Je veux me battre pour que l’on me rende justice.
S.C. Vous avez un projet concret ?
A.M. Oui nous sommes en train de mettre sur pied une fondation regroupant 100 journalistes au minimum, qui auront pour tâche de dénoncer tous ceux qui, parce qu’ils critiquent la politique illégale d’Israël, sont accusés d’antisémitisme, de racisme, de révisionnisme, de négationnisme.
S.C. Des journalistes qui sont à l’intérieur des rédactions en France ?
A.M. Oui, des journalistes qui ont une renommée professionnelle en France aussi bien que dans d’autres pays. Le but est que, chaque fois qu’une personne est soupçonnée d’antisémitisme et décriée comme telle par les médias, son cas soit soumis à examen par notre fondation. S’il s’avère que cette personne est accusée à tort, nous allons intervenir pour exiger que l’on rétablisse la vérité des faits. Une manière de dire que nous n’acceptons plus la manipulation.
S.C. Pensez-vous intervenir uniquement quand on accuse une personne d’antisémitisme ou dans tous les cas de racisme ?
A.M. Je pars de l’idée qu’il y a, en France, un racisme anti-arabe et un racisme anti-juif latents. Le nier serait malhonnête. A partir de là, il peut y avoir des dérives de l’une ou l’autre partie. Toutefois, dans la majorité des cas ces accusations sont infondées. On utilise le terme d’antisémitisme, comme dans mon cas, pour briser des volontés, des carrières ou pour écarter les « gêneurs ». Donc le comité que nous mettons sur pied aura pour tâche de dénoncer les manipulations. Dès qu’une affaire éclate elle sera immédiatement prise en compte par notre « comité des cent ».
S.C. Quand serez-vous opérationnels ?
A.M. Bientôt. J’espère d’ici décembre 2004.
S.C. Pensez-vous vraiment que les médias vont donner un écho conséquent à votre action ?
A.M. Oui. Je le crois. Je crois en l’honnêteté des gens. Cela fait 30 ans que j’exerce ce métier. Personne parmi mes collègues n’aurait jamais pu penser, avant que ces attaques contre moi ne se déchaînent, que je puisse un jour être traité de raciste ou d’antisémite. Ces qualificatifs n’ont rien à voir avec ma carrière et mon souci d’informer. J’ai des amis qui, comme moi, ont travaillé sur le terrain comme correspondants de guerre et sont toujours sur le terrain. Tous ces professionnels qui me connaissent, savent que je dis vrai. Ils ne peuvent que me soutenir.
S.C. Vous ne vous attendiez pas à de telles attaques ?
A.M. Dans mon livre « Le mur de Sharon », page 11, je pressentais ce qui allait m’arriver. Mais pas dans ces proportions. Curieusement, mon livre n’a pas été attaqué. C’est ce que j’ai déclaré dans une conférence qui a été mis en cause.
S.C. Le fait que vous ayez touché à des questions religieuses vous a-t-il également desservi ?
A.M. Je travaille en effet sur l’influence des religions dans le monde. En Irak on peut parler des différentes tendances religieuses. Bush fait entrer le religieux dans toutes ses déclarations. Mais dès que vous dites qu’Israël est ce qu’il est, un Etat théocratique, il y a une levée de boucliers. J’ai parlé en effet du « Lévitique », de l’impur et du pur, qui sépare et qui a un lien avec le mur. Pour moi c’est un élément constitutif. Il a suffit que j’évoque cela sur une radio pour que les choses dégénèrent en un vrai pugilat. Si, au départ, les théoriciens de l’Etat sioniste étaient laïcs, et les religieux avaient condamné le concept même de sionisme, le religieux a pris désormais un poids extrêmement important. Surtout depuis 1987. Toutes les lois passent par le religieux. Il s’agit au surplus d’une religion qui se considère comme supérieure aux autres. Moi je me sens libre de parler de toutes les religions. Les gens de confession juive parlent eux mêmes de « peuple élu ». Pourquoi n’aurais-je pas, moi, le droit d’évoquer cette notion de « peuple élu » ?
S.C. En persistant à vous exprimer de la sorte ne risquez-vous pas d’aggraver votre cas ?
A.M. Ce que vous me suggérez est de me taire, de ne pas me battre. Il y a des gens qui manipulent l’information en France. Le quotidien « Libération » m’a assassiné. Et je devrais me taire ? J’ai commencé ma vie professionnelle au Vietnam. J’ai traversé bien des difficultés. J’ai l’habitude de relativiser. Mon affaire n’est rien par rapport à ce qui se passe ailleurs et notamment en Palestine. Je ne suis pas un homme de pouvoir. Dans une interview à un quotidien Belge « Le soir », j’ai dit que ma liberté d’expression ne valait pas quelques galons sur l’épaule. Je suis un homme libre et j’entends le rester. Ni les honneurs, ni l’argent, ni la fonction, ne m’empêcheront de dire ce que je veux. Quand j’ai signé mon contrat avec RFI, il y avait une clause de réserve que j’ai fait supprimer. Que je sois tenu à être discret sur les affaires internes c’est normal, mais, pour le reste, on ne peut pas exiger d’un journaliste qu’il se taise.
S.C. Vous a-t-on blessé en vous interdisant de travailler ?
A.M. Blessé n’est pas le mot. Je suis fortement irrité de voir qu’en France, il y a une liberté fondamentale qui est en train de disparaître. Et cela est un fait qui ne peut que m’amener à réagir, à lutter. Dans mon pays, qui est la France, je n’arrive pas à concevoir qu’il y ait un terrorisme intellectuel qui contraigne les gens à se taire sous peine d’être complètement broyés. Je suis outré de constater cela. Donc blessé à titre personnel, non. Je savais que cette pression existait. Mais depuis que cela m’est arrivé à moi, j’en mesure toute l’importance.
S.C. Vous référez-vous à ces campagnes destinées à blanchir Israël et à noircir les Arabes musulmans qui déferlent, surtout depuis le 11 septembre ?
A.M. Oui. Je crois que cela procède de la manipulation pure au sens de la communication. Israël a pu évoluer, depuis plus d’un demi siècle, sur une image de victime. Or cette image de victime a commencé à fortement s’effriter. Surtout depuis 1982, après les massacres de Sabra et Chatila. Depuis ce moment là, les responsables de la propagande israélienne ont été obligés de financer des campagnes pour ne pas perdre ce statut de victime. Pour y arriver, ils ont utilisé toutes les techniques de communication possibles et imaginables. Exemple : alors qu’en France et aux Etats-Unis en tête, on interdit aux chaînes télévisées de montrer les cadavres, les cercueils et les enterrements de soldats en cas de conflit, les TV israéliennes, quand il y a un attentat dans leur pays, font l’inverse. Chaque fois qu’il y a un attentat en Israël, leur service d’information diffuse en boucle des images de corps déchiquetés, pour choquer et mobiliser l’opinion. C’est la technique de la manipulation par l’image. Les Palestiniens font la même chose. Je ne fais pas de distingo. Mais, dans le cas d’Israël, ces images de bus explosés, abondamment diffusées, sont distribuées gratuitement à toutes les chaînes du monde. Donc, alors que chez nous on montre les cadavres de manière très floue, justement pour amoindrir le choc, en Israël, on vous commente ce choc psychologique.
S.C. Comment procèdent-ils dans les faits ?
A.M. Il y a dans leur mode de communication quelque chose d’extraordinaire. Israël compte, dans chaque ambassade, des chargés de communication qui interviennent systématiquement, à l’aide des agents d’influence. Cela s’est avéré dans mon cas. L’ambassade israélienne intervient auprès des journalistes pour signaler qu’un tel est antisémite, qu’il faut le faire taire. Ici, en France, l’avocat Goldnagel, [2] est un de ces agents d’influence qui agissent pour le compte d’Israël. Cet avocat m’a reproché d’avoir parlé du « Lévitique » sur Radio Courtoisie. Or le « Lévitique » est le quatrième livre de la Torah où il est question de la séparation du pur et de l’impur. Tora qui fait partie de la Bible. Mais qu’est-ce qui m’empêcherait de parler de la Torah ?
S.C. Mais aller à radio Courtoisie, marquée politiquement, n’était-ce pas prêter encore plus le flanc à la critique ?
A.M. Il s’agit d’une radio catholique située à l’extrême droite. Or, quand M. Goldnagel m’a accusé, il a omis de dire qu’il s’est lui même exprimé quatre fois sur radio Courtoisie. Il ne s’est pas gêné de faire des associations du genre « Ménargues parle du « Lévitique » sur une radio d’extrême droite, donc il est d’extrême droite ». Tout cela, qui procède de l’amalgame, a pour but précis d’entretenir la confusion. Les choses se sont produites de la même façon en Belgique, quand je suis allé faire la promotion de mon livre. L’ambassade d’Israël a téléphoné à un journaliste pour lui dire de ne pas m’interviewer car j’étais « antisémite ». Or, de quoi m’accuse-t-on ? Quand je parle du sionisme je me réfère au sionisme en tant que théorie politique coloniale. Une politique qui veut créer un Etat juif pour les Juifs dans une zone déjà habitée. Dire cela n’est pas une contre vérité. C’est malheureusement la vérité. Le sionisme est né à Bâle dans un contexte d’expansion coloniale. Le monde a changé de vision par rapport au colonialisme. Quand Sharon dit que « la guerre d’indépendance de 1948 n’est pas terminée et que chaque mètre de gagné est un gain pour Israël » c’est une attitude coloniale. Mais quand des gens dénoncent ce genre d’affirmation ils sont vilipendés. Pour moi, Israël est un pays comme un autre. Je ne vois pas pourquoi on lui réserverait un traitement spécial. Il faut dire ce qui s’y passe. Je le répète. Sur les ondes de cette radio associative, qui a une connotation de droite très marquée, s’expriment toutes sortes de gens. Monsieur Philippe de Saint Robert, qui m’a interrogé pour radio Courtoisie, est un gaulliste de gauche.
S.C. Donc ceux qui se sont déchaînés contre vous, après votre passage à radio Courtoisie, ont participé à une manipulation ?
A.M. Absolument. Manipulation surtout dirigée par un homme comme M.Goldnagel, qui avait été lui-même interviewé maintes fois sur cette radio. Tout le monde peut voir aujourd’hui comment on fait des amalgames pour détruire un homme. M.Goldnagel a fait un amalgame en mettant dans la même dépêche mon nom, le Lévitique, Gollnish, qui est le numéro deux du Front national, la Shoa. Tout cela avec l’intention claire de me diffamer et de semer la confusion. Chez les citoyens de confession juive il y a deux mondes. Ceux qui se sentent d’abord français de religion juive. Et ceux qui se sentent d’abord juifs, israéliens et ensuite français. Ce sont deux mondes totalement différents. Il faut déterminer lequel a un esprit nationaliste exacerbé et lequel considère sa religion comme une simple religion. Il y a toute une ambiguïté du message et du langage là autour.
S.C. Pourquoi n’y a-t-il pas plus de journalistes qui disent les choses telles qu’elles sont ?
A.M. Parce que, pour certains, il faut assurer les fins de mois. Il y a beaucoup de journalistes qui partagent la même compréhension des choses que moi. Mais ils ne sont pas libres. Les patrons de presse ont peur de perdre des abonnés, les recettes de la publicité.
S.C. Dans votre mise à pied, l’attitude de la Société des journalistes n’a-t-elle pas pesé en votre défaveur ?
A.M. Radio France internationale c’est 400 journalistes à Paris, et 300 correspondants dispersés dans le monde. Cette société de journalistes comprend 15 personnes, dont seulement 3 sont actives. Voici ce qui s’est passé. J’avais lancé une réforme de fond qui mettait les plus méritants en avant. Cela avait dérangé les habitudes. Il y avait déjà un malaise.
S.C. Donc, certains en ont profité pour prendre leur revanche ?
A.M.Dès que j’ai été accusé d’antisémitisme le mécontentement latent s’est exprimé.
S.C. Pourquoi si peu de journalistes sortent-ils du lot ?
A.M. Cela tient à ce qui, dans les médias, correspond au « politiquement correct », et qui est, à dire vrai, l’expression d’une intolérance totale. La France est tombée dans l’intolérance intellectuelle. Ce qui est extraordinaire est que, quand on regarde la TV, les gens qui incarnent le « politiquement correct » sont des gens incultes. Ma grand-mère disait « La culture c’est comme la confiture. Plus on l’étale moins il y en a ». Il est loin le temps où on avait des débats, où les gens s’affrontaient avec des arguments ! Aujourd’hui on ne s’affronte pas. Il n’y a plus de débat de qualité. C’est une pluie continue d’anathèmes ce à quoi l’on assiste sur toutes les chaînes télévisées et dans les médias en général. Le « politiquement correct » ne réfléchit pas, ne lit pas, n’a pas de références. Regardez ce qui est arrivé à Dieudonné qui est un artiste. A-t-il été trop ou pas assez provocateur ? Mais la provocation ne fait-elle pas partie de l’échange d’arguments ? Est-ce qu’il ne faut pas provoquer pour faire réagir ? Le rôle des médias n’est pas celui de condamner. Quand Tariq Ramadan développe une idée, pourquoi l’accabler ? Si l’on n’est pas d’accord avec lui on engage un débat. Mais pas un lynchage. Et si on l’écoutait ? Ce serait plus constructif que de le noircir et de le rejeter.
S.C. Vous évoquez des figures sur lesquelles les accusations d’antisémitisme pleuvent en continu. N’est-ce pas ce qui vous attend ?
A.M. Dès que l’on critique Israël on est accusé d’antisémitisme. A force d’accuser tout le monde on finit par banaliser le terme d’antisémitisme. Ces excès finiront par se retourner contre l’Etat d’Israël et, malheureusement, contre les citoyens de confession juive qui acceptent tous ces abus. Suite à ce que j’ai subi, j’ai reçu des milliers de mails qui me disaient leur sympathie et aussi leur exaspération. L’intolérance des uns risque de faire le lit d’une flambée de haine sur d’autres. Tout cela doit nous faire réfléchir.
S.C. Cette intolérance est-elle entretenue et l’antisémitisme exagéré d’après vous ?
A.M. Je ne crois pas à la spontanéité des réactions. Il y a, à l’évidence, une manipulation. Regardez ce qui s’est passé en France ces derniers mois. Il y a eu des actes attribués à l’antisémitisme qui se sont avérés être des actes organisés par des personnes de confession juive. Il y a un fond d’antisémitisme qui s’inscrit dans la tradition chrétienne. Un fond qui est minime. Or, il est certain qu’à force de mobiliser à tort et à travers toute la société sur le thème de l’antisémitisme on ne peut qu’exaspérer les gens. Nous avons vu ces derniers mois des ministres se déplacer et s’émouvoir au moins quatre fois sur des actes provoqués, contre eux-mêmes, par des citoyens de confession juive qui se disaient victimes. Il y a eu le cas d’un rabbin qui s’est poignardé, d’une synagogue incendiée parce qu’un juif ivre y a mis le feu. Et tout le monde s’est agité sans vérifier la véracité des faits.
S.C. Comment en finir avec ces manipulations ?
A.M. Par la raison et la tolérance. Tout un chacun devrait mieux vérifier, mieux faire la part du vrai et du faux et ne condamner que si il y a lieu de le faire. Mais pas comme cela se fait actuellement où toute la société est mobilisée a priori, autour de l’antisémitisme. On est sur une pente très dangereuse. Les gens accusent trop vite et les journalistes ne font pas leur travail de vérification et d’explication. Cela comporte des dangers.
S.C. Donc vous attribuez la responsabilité, d’une part à ceux qui agitent le spectre de l’antisémitisme, et d’autre part à l’ignorance ?
A.M. Oui. Et à l’a-culture des journalistes et des faiseurs d’opinion. Je crois qu’il y a volonté de manipulation. Quand Bernard Henri Levy se permet de ferrailler avec des mots pour démontrer qu’être antisioniste cela veut dire être antisémite, c’est un non sens. C’est faux. Est-ce que les anti-gaullistes étaient anti-français ? Les anti-communistes étaient anti-slaves ? Cela agite et confond inutilement.
S.C. Le rapport Ruffin qui enfonce davantage le clou de l’antisémitisme vous a-t-il surpris ?
A.M. Le rapport Ruffin est un scandale. On ne pourra plus avoir le droit de critiquer un seul pays, donc on ne pourra plus penser. Une chose devrait nous interpeller ici. Le seul pays qui a comme géniteur légal le Conseil de sécurité des Nations Unies c’est Israël. Les Nations Unies ont voté quantité de résolutions qui n’ont jamais été appliquées. Pourquoi ? Est-ce que cela est tolérable dans un monde qui a besoin de justice et d’équilibre ? Il y a là un grand problème.
S.C. Plus je vous écoute plus je vous sens déterminé à réagir. Donc on n’est pas parvenu à vous briser ?
A.M. Ola là-là. Non. J’estime que ce qui m’est arrivé est un accident de parcours. On ne m’a pas brisé. On ne va pas me faire taire. Je vais continuer de m’exprimer pour dire, avec les moyens que j’ai, ce que je vois tout simplement. Si je fais des fautes je suis prêt à accepter toutes les condamnations. Mais mes propos n’ont jamais été démentis. On m’a condamné parce que j’ai parlé.
S.C. Le vide ne s’est-il pas fait autour de vous ?
A.M. Non, non. Tout au contraire. Il y a énormément de gens qui m’ont rejoint pour me demander de continuer.
S.C. Avez-vous du ressentiment à l’égard de ceux qui vous ont attaqué ?
A.M. Non aucun. Les médias c’est collectif. J’en voudrais éventuellement aux rédacteurs en chef qui laissent diffuser des textes sans en vérifier les termes. Pas aux journalistes. Eux, ils font leur métier comme ils peuvent. S’ils sont manipulés, à eux de savoir quelles sont les limites. Les vrais responsables ce sont les rédacteurs en chef.
S.C. Ce qui vous est arrivé ne vous a-t-il pas rendu pessimiste ?
A.M. Pas du tout. Il va y avoir inévitablement une évolution des choses. Certes, tout est mis en œuvre par Israël pour empêcher les gens de savoir ce qui se passe. C’est ce que font les ambassades israéliennes et leurs agents de communication ou d’influence : empêcher la base de savoir et de réagir auprès de leurs dirigeants. On ne peut pas mentir tout le temps. Israël a perdu la bataille médiatique. Israël ne peut plus se faire passer pour la victime. Israël est l’agresseur. Les gens ne vont pas tarder à comprendre qui sont les meurtriers. Malgré tous les moyens engagés pour étouffer la vérité, les récits des témoins finiront par sortir. Je suis convaincu que les hommes politiques, en Europe, finiront par être poussés par leur base. Ils seront obligés de prendre des décisions le jour où les gens se mettront réellement à bouger. En démocratie, tant que les gens ne bougent pas le pouvoir ne bouge pas.
S.C. Comment est-il est possible d’exercer un tel pouvoir sur les rédactions et sur une aussi longue durée ?
A.M. En faisant ce qu’ils ont fait jusqu’ici : des campagnes médiatiques basées sur le mensonge. Ils y mettent les moyens et ils ont l’argent pour le faire.
S.C. Avez-vous un exemple ?
A.M. Il y a une personne qui rédige une dépêche qui accuse un tel d’ « antisémitisme ». Cette dépêche est reprise par des journalistes qui ne vérifient pas d’où cette information vient. C’est aussi simple que cela. Il y a bien évidemment des sujets qui reçoivent un écho particulier.
S.C. Mais ces dépêches, fruit d’une manipulation, d’où partent-elles ?
A.M. Il y a une organisation non gouvernementale qui s’appelle « Avocat sans frontières ». Créée par M.Goldnagel cette ONG est une sorte de leurre, car il existe déjà en France une autre ONG appelée « Avocats sans frontières de France ». Quand M.Goldnagel envoie une dépêche au nom d’« Avocats sans frontières » le journaliste ne va pas vérifier qui il y a derrière cette ONG. Donc l’appellation donnée par M.Goldnagel prête à confusion. M.Goldnagel a attaqué tout le monde d’antisémitisme. Daniel Mermet, Pascal Boniface, et tant d’autres. Tous les médias ont abondamment parlé des accusations qu’il avait proférées, mais quand M.Goldnagel a perdu les procès qu’il a engagés contre eux, les médias n’en ont pas fait état. Voilà comment les choses se passent.
S.C. Voyez-vous une évolution possible dans la manière d’informer ?
A.M. Si tout le monde disait ce qu’il sait, le vrai, nous n’en serions pas là. Si tous les journalistes faisaient vraiment leur travail honnêtement, nous pourrions arrêter le flot de mensonges qui déferle sur tout ce qui touche au monde arabe. Ce qui est rassurant c’est que les lecteurs et auditeurs sont plus intelligents et cultivés que ceux qui les informent. Je découvre cela avec bonheur dans des rencontres et des mails que je reçois.
[1] Le mur de Sharon. Presse de la Renaissance, Paris, 2004.
[2] L’association « Avocats sans frontières » que M. Goldnagel dirige en France, s’en prend à ceux qui le critiquent