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Congo / Une semaine cruciale pour le processus de transition politique
by Raf Custers Friday, Jun. 24, 2005 at 6:06 PM

De Raf Custers à Kinshasa – Vendredi 17 juin, le parlement congolais a approuvé la proposition de prolonger de six mois la période dite de transition. Cette période se termine normalement le 30 juin, mais le gouvernement n’est pas encore très loin dans l’organisation des élections générales. Les inscriptions des électeurs ont débuté lundi 20 juin. L’appareillage informatique de distribution des cartes d’électeurs n’est arrivé à Kinshasa que ce vendredi 17.

Tout le monde est rayonnant sur le tarmac de Njili, l’aéroport de Kinshasa. Trois jours plus tôt à peine avant que ne doive débuter l’enregistrement des électeurs dans la capitale, les kits contenant les appareils indispensables sont enfin là. Peu après 8 heures, un énorme transporteur Antonov 124 se pose, précédant de quelques heures un cargo DC-10. Ensemble, ils amènent au Congo quelque 2.600 logiciels emballés dans des cantines en alu et 2.500 génératrices doivent encore venir de Shanghai afin d’alimenter tout cet appareillage électronique. L’avion était attendu à Kinshasa le samedi 18.

L’Antonov aurait déjà dû être là mercredi 15. Mais, lors d’une escale en Libye, on aurait constaté une défaillance technique. Le contretemps en a rendu pas mal très nerveux et certainement tous ceux qui sont impliqués dans les préparatifs des élections congolaises. Car le début de l’opération électorale était prévu pour le lundi 20 juin, date à laquelle il était prévu de remettre les premières cartes d’électeurs, fabriquées sur-le-champ à l’aide des kits électroniques. «Si, lundi, on ne voit pas à la TV quelques-unes de ces cartes», a déclaré un diplomate, «cela va apporter de l’eau au moulin de ceux qui font de l’agitation depuis plusieurs mois déjà et qui prétendent qu’en fait, les hommes politiques ne veulent pas des élections.»

Le nez de l’Antonov se relève. Dans le ventre du géant se trouvent des centaines de kits disposés sur palettes. Chacun se compose d’une imprimante, d’un scanner, d’une caméra informatique et d’un ordinateur portable. Les portables sont fournis par Dell, une firme irlandaise. «Pourquoi Dell? Parce que nous travaillons très souvent avec eux», répond Alain Wirtz, le patron de la firme Zetes Pass qui a conditionné le chargement des kits à l’aéroport d’Ostende. Wirtz se laisse photographier à contrecœur: il était à bord du cargo géant et estime qu’après l’escale non prévue de deux jours à Tripoli, il a plutôt l’air négligé.

Les hommes politiques congolais qui contestent tout le processus électoral s’en sont également pris au choix de Zetes Pass, estimant que les concurrents sud-africains ou français de la firme pouvaient fournir du meilleur matériel. Mais l’expert belge Jean-Michel Dumont assure que l’adjudication s’est déroulée dans les règles et que les prototypes des divers concurrents ont été testés dans les moindres détails. « Pour ce montant, 43 millions de dollars, il vaut mieux ne pas acheter de chat dans un sac », explique Dumont. Il a été prêté à la Commission européenne par les Affaires étrangères et ensuite envoyé à Kinshasa afin d’assister la Commission électorale indépendante, l’organe de l’Etat qui doit organiser les élections. Dumont ajoute: «Le contrat prévoit toutefois de très lourdes amendes si les kits doivent être livrés plus tard que prévu. Cela a effrayé les entreprises ou les a fait renoncer durant la procédure de sélection.»

Les élections au Congo coûteront quelque 430 millions de dollars, dont environ 48 millions pour les dispositifs de sécurité et 103 millions pour la logistique. Ce dernier montant n’a pas encore été approuvé. Car la logistique, le transport des kits au quatre coins du Congo, a été confié à la MONUC, la mission de paix des Nations unies au Congo. Mais pour pouvoir mener à bien cette tâche, il convient d’étendre le mandat de la MONUC. Cela ne pourrait se faire qu’en septembre-octobre. Cela peut accroître le budget et porter les effectifs des Casques bleus de l’ONU à 16.700 hommes. «Les Etats-Unis sont contre l’envoi de casques bleus supplémentaires au Congo», ajoute encore Dumont, «mais le Congo n’est pas d’accord avec les effectifs qu’on a accordés à de petits pays comme le Sierra Leone, par exemple, qui ne représentent qu’une infime fraction du territoire congolais.»

Dirk De Wilde se trouvait également à bord de l’Antonov. Il a collaboré à l’organisation d’élections dans toute une série de pays d’Afrique et c’est la raison pour laquelle Zetes Pass, le fournisseur des kits, a loué ses services en qualité d’expert. «Il y a toujours quelque chose qui foire», dit De Wilde, «et lorsqu’on a un chargement de cette valeur, il faut toujours l’accompagner.»

Ensuite, deux membres de l’équipage de l’Antonov viennent déposer triomphalement un kit aux pieds des hauts dignitaires congolais. La mine épanouie, l’abbé Malu Malu, président de la Commision électorale indépendante, les ouvre avec force gestes démonstratifs devant les caméras de la chaîne de télévision publique RTNC, qui retransmet la cérémonie en direct.

«Nous vivons en effet une semaine exceptionnelle», déclare Apollinaire Malu Malu. Mardi, le parlement a voté la Loi référendaire qui officialise le référendum sur la nouvelle constitution. Aujourd’hui, les kits prévus pour l’enregistrement des électeurs sont bien arrivés et, un peu plus tard dans la journée, les deux chambres du parlement réunies en session plénière ont discuté ladite Requête de Malu Malu. Fin avril, l’abbé avait demandé une première fois au parlement de prolonger de six mois la période de transition qui devait durer deux ans (jusqu’au 30 juin). Conformément à son planning, les élections provinciales, parlementaires et présidentielles devraient donc avoir lieu en décembre. Vendredi, le parlement approuvait effectivement cette prolongation.

(traduction JM Flémal)