arch/ive/ief (2000 - 2005)

Bolivie : dialogue entre mouvements sociaux et le nouveau président
by fab Monday, Jun. 13, 2005 at 9:29 PM

Eduardo Rodríguez et les groupes sociaux alteños ont ouvert le canal du dialogue. Le mandataire a dit que sa première mission est d'appeler aux élections générales qui inclut le Parlement (en plus du président et du vice). Pour cela, un accord avec le Congrès est nécessaire.

"Nous devons appeler à des élections présidentielles et législatives le plus tôt possible", a dit hier le nouveau président de la République, le juriste Eduardo Rodríguez Veltzé, après être sorti de la réunion avec les organisations sociales de la ville de El Alto. De la sorte, le mandataire qui a prit ses fonctions jeudi derneir, au milieu d'un profonde crise politique et sociale, a répondu à une des revendications alteños : que le processus électoral ne se limite pas à l'élection d'un nouvel Exécutif mais que les parlementaires se soumettent également aux urnes. Un sorte d'auto-immolation, en considérant le rejet populaire de ceux qui sont en théorie leurs représentants. Cependant, la Constitution bolivienne prévoit seulement une élection pour le président et le vice -pour compléter l'ordre- ce qui demande un accord politique dont l'actuel Congrès doit faire partie. Le mandataire a fait remarquer que le reste de l'agenda alteño –nationalisation des hydrocarbures, convocation immédiate à l'Assemblée Constituante et accélération du procès de responsabilités contre Gonzalo Sanchez de Lozada pour les 80 morts de 2003– devra être pris en charge par le système démocratique –le Congrès et la Justice– "dûment relégitimé".

"Ma première action comme président a été de me préoccuper pour les conflits dans la ville de El Alto", a ouvert le jeu Rodríguez Veltzé face à un public composé par une centaine de dirigeants alteños et assis près d'Abel Mamani –président de la Fejuve–, Edgar Patana –de la centrale ouvrière–, Braulio Rocha –des Gremiales, appelation des commercants informels–, et Gualberto Choque –de la fédération des paysans de La Paz–. Ensuite, les dirigeants syndicaux et sociaux prirent la parole, au milieu des cris de "Jallalla (vive) la feuille de coca" et de la traditionnelle question-réponse : "Que voulons-nous ?... la nationalisation !". "Nous ne nous rebellons pas pour détruire ce pays, nous nous rébellons pour nous débarraser de cette peste qui le gouverne et qui sont ceux qui l'ont réellement détruit", a dit Choque lors de son intervention, en faisant remarquer que "nous ne sommes pas irraisonnables comme veulent nous faire passer quelques médias". Dans un mélange de confiance et d'avertissement, les alteños ont dit au président "nous croyons que vous n'allez pas vous tromper" (comme Carlos Mesa) et ont affirmé la trêve déclarée comme preuve de la prédisposition au dialogue de cette "ville combative qui a expulsé le sanguinaire Sanchez de Lozada" et qui couramment se percoit elle-même comme “défenseur de la nation”.

L'auditorium Radio San Gabriel, choisi comme siège du dialogue, ne manque pas de symbolisme : là 300 dirigeants paysans –y compris Felipe Quispe– ont initié en septembre 2003 une grève de faim qui finirait par la "guerre du gaz" et l'expulsion de Sanchez de Lozada un mois après. La demande que le propre président se déplace jusqu'à El Alto –comme manière de démontrer son pouvoir territorial– a répété la scène d'octobre 2003, quand le tout juste désigné président Carlos Mesa s'est dirigé à cette cité de majorité indigène comme premier acte de gouvernement. Là, il a prononcé des mots aujourd'hui rappelés par tous comme une prophétie : "Si je ne m'acquitte pas de mes promesses, vous peuvent me jeter à coups de pied".

Cependant, le renouvellement total du système politique n'est pas une décision qui correspond seulement au chef de l'Etat. "Il doit y avoir une situation de fait, le Parlement doit s'auto-dissoudre pour que le nouveau soit choisi", a dit à Página/12 le constitutionaliste Jorge Lazarte. L'accord politique est indispensable parce que l'article 93 de la Constitution Politique de l'État établit qu'au cas où assume le président de la Cour Suprême de Justice –avant les trois ans de mandat de son prédécesseur– “il sera procédé à une nouvelle élection de président et de vice, seulement pour compléter la dite période” (si il s'était passé plus de trois ans, Rodriguez pourrait compléter lui-même le mandat). Mais elle ne dit rien au sujet du Congrès, qui à partir de l'installation d'une nouvelle session demain affrontera diverses pressions pour que ses membres s'ajoutent au "renoncement historique” de Mesa, Vaca Diez et Cossio ou affrontent de nouvelles vagues de colère populaire.

La réunion d'hier a ouvert de nouveaux canaux de dialogue qui continuera aujourd'hui au moyen de commissiuons créées à cette fin. Bien que les résultats d'hier aient été étroits –en relation avec l' “agenda d'octobre”–, les engagements présidentielles ont permis aux dirigeants de trouver une sortie "digne" à une grève de trosi semaines et qui commencait à se détériorer. Paradoxalement, l'empressement de Hormando Vaca Diez à occuper la chaise présidentielle a agi comme "facteur de facilitation" d'une sortie à la crise. Le danger que les mouvements ont perçu dans son accès au pouvoir les a fait reléguer –temporairement–un agenda sans points intermédiaires que négocier, comme la nationalisation des hydrocarbures, et concentrer leurs efforts à empêcher l'investiture du sénateur de Santa Cruz.

Ainsi on a évité le paradoxe que la deuxième guerre du gaz rende le pouvoir à ceux qui ont été expulsés dans la première, on a obtenu un triomphe partiel qui justifie l'énorme effort déployé dans les mobilisations, et –avec ce petit "trophée" entre les mains–, le pays est retourné à une normalité dont la continuité dépendra de la volonté de la classe politique de porter en avant un processus de rénovation qui inclut les nouveaux acteurs sociaux. Lesquels ont occupé de manière turbulente la scène politique et –à ce qu'il semble– ne pensent pas se retirer.

Pablo Stefanoni,
Pagina/12, 13 juin 2005.
Traduction : Fab (santelmo@no-log.org)