arch/ive/ief (2000 - 2005)

Bolivie : El Alto se démobilise
by fab Monday, Jun. 13, 2005 at 4:14 AM

Les barrages de routes ont été levés et dans la ville de El Alto, la "normalité" a commencé à reprendre ses droits hier, malgré les positions radicales des dirigeants de quartiers qui durant l'après-midi se sont trouvés forcés de déclarer une pause au niveau des mesures de pression en demande de la nationalisation des hydrocarbures.

"Nous avons l'espoir parce que le nouveau président est un juriste et il sait que les contrats pétroliers sont illégaux", a déclaré dans l'après-midi d'hier le vice-président de la Fédération des Assemblées de quartiers (Fejuve) de El Alto, Eliodoro Iquiapaza. "C'est une levée graduelle, nous ne pouvons pas résister aux demandes d'approvisionnement du peuple", a justifié, le leader de la Centrale Ouvrière Bolivienne (COB), Jaime Solares. Aujourd'hui, dans la matinée, la Fejuve et la centrale ouvrière alteñas se réuniront avec le nouveau président dans les installations de Radio San Gabriel, en pleine dans la cité alteña.

Le pays a respiré hier avec soulagement, tandis que la lutte pour obtenir l'une des bouteilles de gaz libérées depuis le dépôt de Senkata a marqué le rythme de la journée et les plaintes des quartiers où la distribution n'était pas encore arrivée ont virtuellement accaparé les émissions de radio et déplacé les discussions des jours précédents sur la "Grande politique". Tout au long de la matinée, la sortie des camions-citerne a constitué une sorte de spectacle et un symbole du retour à la normalité. Dans quelques coins de rue, de longues queues d'habitants, attendant les camions distributeurs -qui ont parcouru les quartiers contrôlés par des forces policières pour éviter la spéculation-, pouvaient être vues et des files d'autos aux stations essence. "J'avais juste assez de diesel pour me rendre à la station", a résumé un chauffeur de taxi qui cette semaine a du arrêter de travailler à cause du manque de combustible.

Après trois semaines, la grève civique de El Alto en demande de la nationalisation et de l'assemblée constituante n'a pas survécu au scénario politique ouvert avec l'assomption d'Eduardo Rodríguez Veltzé -avec l'engagement de convoquer à des élections anticipées- et à l'épuisement des propres habitants. Les assemblées de quartier n'ont pas attendu la résolution de la fédération et ont été levés, l'un après l'autre, les barrages, y compris celui de Senkata. "Il valait mieux une retraite digne que de tomber où nous sommes tombés", a synthétisé un dirigeant du 3è District, Romero Pampa. L'assemblée de ce quartier alteño, à laquelle assisté Página/12, a été prise par des voix autocritiques envers la forme dans laquelle les mesures de pression ont été entreprises en faveur de la nationalisation des hydrocarbures. "Nous nous laissons guider par des positions hormonales, nous parlons de guerre civile. Où la guerre civile est-elle maintenant ? ..., nous parlons aussi de fermer le Parlement, est-ce que nous voulons une dictature ?", a dit un autre dirigeant. La levée des blocages et la cessation des mobilisations dans tout le pays -conséquence d'une trêve de dix jours octroyée par les mouvements sociaux à la nouvelle administration- a laissé les alteños dans une sorte de désolation. "Nous restons seuls", ont-ils admis. "Nous ne pouvons pas continuer à nous laisser guider par le radicalisme émotionnel. Nous devons nous préparer et nous regrouper pour les élections, et là nous pouvons nous battre pour la nationalisation", a ajouté un autre participant. La remise en cause des dirigeants -y compris le président de la Fejuve, Abel Mamani, qui était présent lors de la réunion- est arrivé à un point où les dirigeants ont demandé aux journalistes d' "attendre dehors" les conclusions de l'assemblée.
Après avoir terminé la rencontre, Mamani a dit à Página/12 que "ces analyses sont toujours faites, les critiques sont faites en famille et nous continuons tous ensemble”. est arrivé à un point où les dirigeants ont demandé aux journalistes d' "attendre dehors" les conclusions de l'assemblée. Il a ajouté qu'ils étaient en attente d'une proposition du gouvernement pour aujourd'hui et qu'ils maintenaient la demande de nationalisation, tout en reconnaissant que l'actuel gouvernement -dont l'unique fonction est de garantir la transition vers les élections, qui doivent avoir lieu dans les six mois- n'est pas le meilleur interlocuteur pour les demandes -de carctère structurel- des organisations alteñas.

Le paradoxe est que le président a déjà manifesté que c'est le Parlement -siège de la rancune populaire et étranger à l'actuelle corrélation de forces politiques dans le pays- qui devra résoudre les problèmes qui divisent le pays, l'assemblée constituante, la nationalisation des hydrocarbures et le référendum sur les autonomies-. Et, au cas ou il n'est pas possible de trouver un accord politique pour des élections générales et non seulement pour la présidence, il devra aussi choisir le futur président de la République si aucun candidat obtient 50 pour cent des votes (1). A la lumière des faits de la dernière semaine, il semble difficile que les parlementaires fassent un pas de côté et facilitent une re-légitimation du controversé système politique bolivien. Cela sera peut-être la proche bataille de la "guerre de positions" des mouvements sociaux.

1- En Bolivie, il n'y a pas de deuxième tour pour l'élection présidentiel, si aucun candidat n'obtient au moins 50 % des votes, c'est le parlement qui est chargé de désigner le nouveau président de la République. Les partis traditionnels boliviens s'arrangent donc entre eux pour qu'un de leurs candidats obtienne le poste, sous la supervisation de l' "Ambassade" (des Etats-Unis). La Constitution prévoit que Rodiguez doit convoquer des élections présidentielles dans les 6 mois, mais pas des élections législatives (seul l'actuel parlement peut le faire), on se retrouve dans le cas de figure où si Evo Morales (le futur probable candidat des mouvements sociaux) gagne le premier tour avec moins de 50 % (même avec 49 %), il ne soit pas désigné nouveau président. Cela signifierait que "tout serait à recommencer". (NdT).

Pablo Stefanoni,
Pagina/12, 12 juin 2005.
Traduction : Fab (santelmo@no-log.org)