arch/ive/ief (2000 - 2005)

Bolivie : retour à la "normale",président cherche à négocier
by fab Saturday, Jun. 11, 2005 at 9:29 PM

La prise de fonction du nouveau président Eduardo Rodríguez, qui s'est engagé à convoquer à des élections anticipées, n'a été une victoire totale pour personne mais laisse chez les mouvements sociaux un goût de "devoir accompli", qui maintenant reprendront des forces au moyen d'une trève.

L'investiture du président de la Cour Suprême de Justice, Eduardo Rodríguez Veltzé, au poste de président de la république bolivienne a contribué partiellement à apaiser la convulsion sociale que vit le pays et a produit une certaine sensation de "devoir accompli" chez les mouvements sociaux. Bien que la nationalisation des hydrocarbures -la principale revendication des secteurs mobilisés-, n'a pas été obtenue, le renoncement de Hormando Vaca Díez et Mario Cossío, grâce à l'encerclement de la ville de Sucre, est lu comme un coup dur aux partis traditionnels, aux élites de Santa Cruz et de Tarija (les chefs parlementaires représentent ces régions) et à l'ambassade des Etats-Unis.

Plusieurs secteurs mobilisés ont donné une trêve au nouveau président, alors que les Assemblées de Quartiers de El Alto ont décidé de maintenir la grève civique illimitée en demande de la nationalisation des hydrocarbures. Le nouveau président a confirmé le Haut Commandement Militaire et armait hier son cabinet pour commencer à négocier les deux dossiers qui maintiennent divisés le pays : l'autonomie revendiquée par Santa Cruz et la nationalisation (qui inclut la Constituante) revendiquée par l'occidente du pays.


"Nous n'avons presque rien obtenu mais nous avons réussi à faire renoncer deux fachos comme Vaca Díez et Cossío", a synthétisé le dirigeant de la centrale paysanne et sénateur suppléant du MAS Roman Loayza. Les routes de Santa Cruz de la Sierra et de Cochabamba ont déjà été débloquées, y compris la route entre ces deux villes, jusqu'à hier coupée par des piquetes des six fédérations cocaleras du Chapare. Et les mineurs coopérativistes ont quitté La Paz avec un enterrement symbolique de Carlos Coro -mort par une balle tirée par des policiers ou des militaires qui nient avoir pressé la gachette- et, comme ils l'ont fait lors de la guerre du gaz d'octobre 2003, ils ont promis de "revenir" si dans 10 jours le nouveau président ne s'acquitte pas de l'"agenda d'octobre". Ils ont fait remarquer, en plus, qu'ils n'oublieront pas leur compagnon mort. Le même délai a également été donné par les paysans -qui sont aussi retournés à leurs communautés- au juriste-président pour satisfaire leurs demandes. "Il doit nationaliser de fait les hydrocarbures, s'engager à convoquer la Constituante et, bien sûr, appeler aux élections", a déclaré, sur un ton d'avertissement, le député Evo Morales.

Bien que les Assemblées de Quartiers et la centrale ouvrière alteñas ont ratifié la continuité de la grève civique illimitée, nombreux sont ceux qui doutent que cette mesure extrême -avec des coûts élevés dans une ville peuplée de commerces et d'ateliers industriels- puisse se maintenir avec la même radicalité des trois dernières semaines. "Les risques sont l'isolement du mouvement ou un repli en débandade", prévient l'analyste politique Alvaro García Linera. Dans quelques quartiers, les blocages perdraient en intensité en raison de la fatigue des habitants, le quartier de Senkata -où se trouve le dépôt gazier d'YPFB et où vivent de nombreux ex-mineurs- résiste comme le dernier réduit des "radicaux" (1).

Une des faiblesses du mouvement semble avoir été l'incapacité d'établir un système d'approvisionnement pour les propres alteños mobilisés et les altercations se sont aggravées entre les maîtresses de maison qui réclamaient des bouteilles de gaz et des activistes syndicaux. "Il n'y a pas d'armée qui résiste sans nourriture", a résumé un dirigeant de quartier face à une consultation de Página/12. Selon des sources consultées, la ratification de la grève auarait été une décison de dirigeants, sans une large consultations des bases, où augmenteraient les voix qui proposent une trève. Les organisations alteñas se trouvent dans une sorte de "piège de la radicalité" –pour se rendre légitime comme dirigeant il faut "crier plus fort"– qui empêche les expressions plus "modérées" (3).

Une sortie possible de conflit qui est déjà à l'étude chez le nouvel Exécutif est la venue du nouveau président à la cité alteña et chercher une sortie "digne" sur la base de promesses (2). Le dirigeant de la COR, Edgar Patana, a donné toutes les garanties pour le dialogue (le propre Carlos Mesa s'était rendu dans cette ville -à chaque fois plus consciente de son pouvoir- comme premier acte de gouvernement, après sa prise de fonction en 2003). Cependant, dans la ville de La Paz on pouvait voir un peu plus de mouvement d'automobiles et une certaine sensation de soulagement.

Laissant entendre qu'il laissera sans effet le décret suprême de Carlos Mesa qui unissait les dossiers anatagoniques -à travers l'appel simultané à des élections pour la Constituante et au référendum sur les autonomies –, le nouveau président a dit qu'il correspondait au Congrès de sanctionner les normes légales qui encadrent la réalisation de l'Assemblée Constituante et le référendum sur les autonomies et a fait remarquer que un de ses devoirs sera de convoquer à des élections anticipées. De cette manière, les problèmes demeurent intacts, les "deux agendas" continue à diviser le pays, mais les "cinq jours qui ont agitèrent la Bolivie" semblent s'être terminés -provisoriamente- avec une certaine sensation de triomphe populaire, quelque chose au goût amer pour les élites de Santa Cruz et la promesse de tous de revenir, plus tôt que tard, au champ de bataille.


1- Ce fut à cet endroit qu'eu lieu l'unique barrage de route lors du référendum sur les hydrocarbures en juillet 2004. (NdT).

2- Après la parution de cet article, un accord a été conclu (voir ci-dessous) (NdT).

3- Très bonne critique de cette coupure entre dirigeants et bases dans le texte en espagnol "Bolivie : chronique de la révolution qui ne vient pas",
http://clajadep.lahaine.org/articulo.php?p=4395&more=1&c=1
(NdT).



Pablo Stefanoni,
Pagina/12 (Argentine), 11 juin 2005.
Traduction : Fab (santelmo@no-log.org).


LE PRESIDENT INVITE LES DIRIGEANTS DE EL ALTO A UNE REUNION
POUR QU'ILS DECRETENT UNE TREVE

Le nouveau président Eduardo Rodríguez a invité les dirigeants sociaux de El Alto à une réunion pour écouter leurs demandes. Les dirigeants de El Alto ont dit qu'ils se présenteront au rendez-vous et ensuite ils ont flexibilisé le blocage de Senkata en laissant passer des camions chargés de carburants.
(...)
L'invitation a été réalisée durant la nuit de vendredi aux dirigeants de El Alto, Abel Mamani, Président de la Fejuve (Assemblées de Quartiers), Edgar Patana, Secrétaire général de la COR, et Braulio Rocha, Secrétaire général des Syndicats.
"Comme premier acte de mon gouvernement, à peine arrivé à la ville de La Paz, je me dirige vers vous pour vous invoquer d'accorder une trêve dans les mesures de pression, en faveur des enfants, des femmes, et l'ensemble des citadins de la ville de El Alto et de la ville de La Paz qui subissent les conséquences de cette mesure radicale ", dit la lettre envoyée par le président.
(...)
El Alto a disposé une grève civique en exigeant la nationalisation des hydrocarbures, mais devant l'inefficacité de Carlos Mesa, qualifiée de lâcheté par les dirigeants de El Alto, a aussi demandé la démission de Mesa, une demande qui a été appuyée par le reste des organisations du pays, y compris le MAS d'Evo Morales, qui s'est joint à contrecoeur aux demandes de nationalisation.

Après la démission de Mesa et son remplacement par Rodriguez, Morales et le MAS ont levé les barrages de routes, bien que ceux-ci se maintiennent à El Alto, dans plusieurs de l'Altiplano nord, à Oruro et à Potosí.

La réunión avec le président peut permettre une trève pour normaliser les activités paralysées depuis trois semaines.

Bolpress, 11 juin 2005,
http://bolpress.com
Traduction : Fab (santelmo@no-log.org)