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Bolivie : Nouveau président, récit de la journée
by fab Friday, Jun. 10, 2005 at 9:25 PM

Le nouveau président de la Bolivie est Eduardo Rodríguez. Il devra convoquer des élections dans les six prochains mois. Il a été désigné après une violente journée qui a fait un mort et après les renoncement des président du Sénat et des Députés.

Un mineur mort, une journée épuisante de versions et de tensions, et d'accusations croisées avec des marches dans tout le pays, a été hier le miroir de la convulsion en Bolivie, un pays qui -quand la majorité désespérait- a finalement fini par trouver une sortie transitoire au chaos. Après les annonces de renoncement des successeurs constitutionnels au président Carlos Mesa —un geste largement réclamé par des grandes majorités—, finalement a assumé au poste de président par intérim le président de la Cour Suprême de Justice, Eduardo Rodríguez Veltzé. Ce qui devrait continuer par la convocation à des élections générales anticipées.

"Je veux accomplir un mandat bref avec l'aide du Congrès", a dit aujourd'hui le nouveau président après avoir assumé la charge devant le Parlement, réuni à Sucre. Rodríguez, un avocat sorti de l'Université de Harvard, est obligé, par une disposition constitutionnelle, à convoquer aux élections dans les 6 mois.

Hier fut une journée terrible, avec des images contradictoires qui présageaient une spirale de violence et de chaos de portée incertaine. Finalement, quand la Bolivie semblait aller dormir avec le cauchemar du premier mort de "nouvelle guerre du gaz", la journée a prit fin en ayant, outre cette image du premier mort, celle d'un nouveau président. Rien ne semblait l'annoncer.

Le sénateur Vaca Díez est finalement tombé dans son propre piège. Après avoir décidé de sessioner à Sucre, parce que La Paz ne donnait pas assez de garanties, il a converti la capitale historique bolivienne dans un scénario de multiples protestations et en une prison virtuelle pour les 157 législateurs qui devaient traiter la démission du président Carlos Mesa et la succession présidentielle.

Les milliers de personnes qui se sont approchées de la Maison de la Liberté convoqués pour éviter que Vaca Díez soit désigné président, se sont convertis en enthousiastes surveillants de prison, après avoir empêché les députés et les sénateurs de se déplacer librement et de mettre en marche la séance.

Depuis le matin, la télévison locale montraient les visages de plusieurs parlementaires et personne ne pouvait deviner en eux l'orgueil de la fonction publique mais bien un sentiment de honte, si non de panique. Après avoir à plusieurs reprises remis son ouverture, la séance parlementaire a été suspendue au moment où arrivait la nouvelle de la mort de Carlos Coro Mayta, de 52 ans, le président d'une coopérative minière de Potosí et victime d'une blessure par balle lors d'un fait aussi confus que la situation générale.

En plus de la mort de Coro, il y a eu quatre blessés à Yotala, à quelques kilomètres de Sucre. Les militaires qui ont assisté la police dans cette zone assurent qu'ils n'ont pas utilisé d'armes à feu, de telle manière qu'ils ne se responsabilisent pas de cette mort. Les syndicalistes mineurs assuent que la mort a eu lieu après une provocation des forces de sécurité quand les manifestants étaient à l'intérieur d'un autobus qui se dirigeait à Sucre.

Sous la pression de la ferveur populaire, dans une séquence que les médias ont amplifiée jusqu'à l'exagération, les législateurs ont dû abandonner la Maison de la Liberté et à durant des heures, personne ne savait où était Vaca Diez. Le président du Congrès avait dû se cacher dans le 2è Régiment d'Infanterie où, comme s'en souviennent quelques uns, s'était réfugié parfois l'ex-dictateur Luis García Meza, actuellemenbt condamné et prisonnier pour narcotrafic dans une prison de La Paz.

Alors que tout semblait indiquer une nouvelle nuit d'incertitude, et tandis que pas un coin du pays n'était sans grèves de la faim en protestation pour le désir de Vaca Díez d'arriver au Palais Quemado (palais présidentiel), le président du Sénat a parlé au pays et, en même temps, au président démissionaire Carlos Mesa. Vaca a accusé Mesa et Evo Morales, dul MAS, d'être "les véritables coupables de la situation que vit aujourd'hui le pays" et de faire partis d'une sorte de société qui participe d'"un projet politique non démocratique".

Dans son discours de renoncement à la possibilité d'assumer la présidence, dans une colère accompagnée de frustration, Vaca Díez a essayé de rendre les gentillesses à Mesa, qui le mardi l'avait intimé à faire un pas de côté -il avait faite la même demande au président des Députés- pour permettre que le président de la Cour Suprême prenne en charge le gouvernement, dans l'objectif de convoquer immédiatement de nouvelles élections générales.

Vaca a dénoncé que le gouvernement ait habilité l'entrée de manifestants à Sucre avec le seul but de nuire au Congrès et a responsabilisé de la mort du mineur le président Mesa et Evo Morales, à qui il a demandé qu'ils fassent tout le nécessaire pour rendre la tranquillité générale au pays qui, selon lui, ils ont aidé à rompre. Vaca Díez a dénoncé de plus que les gens qui étaient arrivés à Sucre avaient recu de l'argent pour le faire.

Le président des Députés, Mario Cossío, a parlé quelques minutes après Vaca et a continué le même chemin de dénonciation. Cossío a accusé Mesa d'attiser les régionalistes et a dit qu'il renoncait pour ne pas se transformer en "fossoyeur de l'unité nationale".

Durant toute la journée, et de tous les départements, ont surgi des voix et des gestes de refus à la possibilité que Vaca Diez prenne la présidence de la république. Le matin, le Haut Commandement de l'Armée a donné une conférence de presse dans laquelle ils ont annoncé qu'ils respecteraient la parole du parlement mais où ils suggéraient d' "écouter la voix du peuple".

Comme si plus de grèves faisaient défaut, hier les travailleurs des aéroports ont commencé une grève en exigeant la nationalisation des hydrocarbures et aussi la re-nationalisation des trois aéroports actuellement sous concessions. L'extension de la mesure affecte 37 aéroports et pistes d'attérissage.

Grèves de la faim de plusieurs mairies, manifestations populaires dans les rues et expression de plusieurs mouvements sociaux, ainsi que plusieurs déclarations du MAS de Evo Morales, qui a commencé la journée en dénoncant un plan de l'ambassade des Etats-Unis d'imposer Vaca Díez comme suiveur des politiques néolibérales de l'ex-président Gonzalo Sánchez de Lozada. Le leader du socialisme a aussi dénoncé la supposée existence d'un complot des Forces Armées et de Vaca lui-même pour l'assassiner, lui, et d'autres dirigeants.

Tout indique que se dessine une trève dans le délicat panorama politique de l'altiplano. Un petit groupe a soufflé de l'air qui peut-être permettra à une population qui souffre de faim et de conflits de respirer un peu. Les revendications de nationalisation des hydracarbures, de convocation à une Assemblée Constituante et de référendum sur les autonomies sont, néanmoins, toujours d'actualité.

Hinde Pomeraniec
Clarin (argentine), 10 juin 2005
Traduction : Fab (santelmo@no-log.org)