Bolivie : Visions de La Paz assiégée by fab Wednesday, Jun. 08, 2005 at 5:53 PM |
LE DÉSAPPROVISIONNEMENT ET L'INFLATION FONT DES DEGATS.
“Aujourd'hui, tout a été écoulé”, dit à Pagina/12 une vendeuse sur le marché du quartier de Sopocahi, un quartier “bohème” situé à 20 minutes du centre de La Paz. Un parcours rapide par les étalages permet de se rendre compte que la ville a commencé à être en pénurie, spécialement de produits périssables. Ceux de fruits et de légumes continuent d'être approvisionnés, mais à des prix qui peuvent doubler par rapport à ceux de la semaine dernière, alors que les boucheries sont pratiquement vides. "Il reste seulement quelque chose de poulet et de porc beaucoup plus cher - dit la propriétaire– ; il n'a pas de viande de boeuf. ” Malgré cela, les habitants de La Paz essayent de stocker des produits au cas où la situation empire ; tous se rappellent quand, en octobre 2003, trouver un oeuf était quasiment impossible. Cependant, celui-ci est un quartier "privilégié" de La Paz ; d'autres marchés ont directement fermé leurs portes. Les 70 barrages routiers dans tout le pays empêchent le passage régulier des camions avec aliments, combustible et passagers. Quelques compagnies d'aviation ont suspendu leurs vols -il est pratiquement impossible d'arriver à l'aéroport international (situé à El Alto)- et les israéliens ont dépêché un avion pour évacuer leurs ressortissants, principalement des touristes en sacs à dos.
Le siège du gouvernement -comme le reste du pays- fait aussi face à un fort désapprovisionnement de combustible, ce qui a significativement réduit le trafic dans les rues accidentées paceñas. "Quatre pesitos, chef, à peine ai-je pu obtenir un peu d'essence à El Alto", justifie un chauffeur de taxi l'augmentation du prix de la "course" de 3 à 4 bolivianos. La cause du manque de combustible est le blocage -avec fossés et des veillées- de le dépôt de combustibles de Senkata, dans la ville de El Alto. La tentative gouvernementale, durant la guerre du gaz de 2003, d'escorter les camions-citerne jusqu'à la ville de La Paz a déchaîné un massacre qui a contribué à expulser du pouvoir Gonzalo Sanchez de Lozada. D'autres groupes de paysans occupaient la station de pompage de Sica Sica, à 110 kilomètres de La Paz, de Transredes, en freinant l'exportation de pétrole léger vers le Chili et le pompage de combustible vers La Paz. Selon le président de la Chambre d'Industries de la Bolivie, Eduardo Peinado, les pertes dans ce secteur se montent à entre 2 et 2,5 millions de dollars par jour.
Les habitants de El Alto savent que le désapprovisionnement du siège du gouvernement -dont les accès passent nécessairement par la cité indigène- est l'une de ses armes principales pour obtenir ses demandes. Lors de la dernière réunion des assemblées de quartiers, il a été répété l'objectif de "cesser de nous bloquer entre nous et de faire sentir les blocages dans les quartiers riches de La Paz". Quelques habitants de l'exclusive zone du sud de la capitale ont commencé à former des espèces de comités d'auto-défense pour "se protéger" des attaques possibles des habitants de El Alto et des indigènes. Une psychose qui se répète lors de chaque crise que vit le pays et qui contribue à approfondir la distance entre les "deux Bolivies".
La Paz,
Pablo Stefanoni
Pagina/12 (Argentine)
8 juin 2005
Traduction : Fab (santelmo@no-log.org)