Bolivie : violents affrontements by fab Thursday, May. 26, 2005 at 4:09 AM |
La capitale bolivienne a passé la journée d'hier isolée du reste du pays en raison des manifestations et des barrages de routes, auxquelles s'ajoutera aujourd'hui la fermeture de son aéroport international. Le président Carlos Mesa a répété qui continuera son mandat jusqu'en 2007 tandis que se multiplient les doutes sur cette possibilité.
La Bolivie est entrée hier dans une nouvelle et dangereuse phase de convulsion politique et sociale qu'elle traverse depuis lundi, tandis que le président Carlos Mesa a assuré qu'il terminera son "mandat 2007". plusieurs marches qui ont conflué au siège du gouvernement, demandant la nationalisation des hydrocarbures, la tenue de l'assemblée constituante et le rejet des autonomies - renforcées par l'arrivée de milliers de paysans- ont tenté de pénétrer sur la place Murillo (où se trouvent le Parlement et le palais présidentiel), ce qui a provoqué des affrontements avec la police, qui a utilisé des gaz lacrymogènes, des balles de gomme et un camion à eau pour disperser les manifestants. Cependant, une réunion de présidents d'assemblés de quartiers de la ville de El Alto, à laquelle a participé Página/12, a décidé de maintenir et de radicaliser la grève civique, qui aujourd'hui est entrée dans sa troisième journée. Quelques touristes ont dû marcher jusqu'à l'aéroport, avec leurs sacs sur une espèce de vélo-taxi, et aujourd'hui, l'aéroport international sera fermé en raison de la grève de son personnel. La Paz se trouve isolée virtuellement du reste du pays, tandis que plusieurs secteurs paysans se sont joints sont en train de se soumettre aux protestations. "De cette manière a commencé octobre (2003)" a affirmé une dirigeante de El Alto.
"Je m'acquitte de mon devoir et je le ferai jusqu'à dernier jour de mon mandat, le 6 août 2007. Je ne pense pas à renoncer", a dit le président mandataire depuis la ville du Sucre (capitale administrative), où il s'est rendu pour commémorer l'anniversaire du "premier cri libertaire", en réponse virtuelle à la croissante mobilisation sociale qui secoue pour le deuxième jour consécutif le siège du gouvernement. Et il a ajouté qu'il "préfère payer le coût qu'on regarde le gouvernement comme sans autorité, ce qui est une vision partielle et subjective, plutôt que de souffrir d'une spirale de violence". Avec le voyage à Sucre, le chef d'État a décidé de montrer qu'il pouvait continuer avec son programme, mais pour cela il a dû réaliser une opération qui ressemble à une fuite, visant à tromper le cercle des centaines de manifestants. Pour cela, il a dû recourrir aux gaz lacrymogènes avec lesquels la police a temporairement dispersé les manifestants, ce qui lui a permis de rejoindre l'hélicoptère qui l'a transporté à l'aéroport militaire de El Alto, lui permettant de se rendre à Sucre. Dans son discours, le président a insisté sur un plan économique assez étranger aux préoccupations du pays, centrées sur les hydrocarbures et les autonomies régionales.
Les neuf districts de El Alto ont approuvé dans l'après-midi d'hier des motions dans le sens de "faire sentir la grève à La Paz, y compris en provoquant un désapprovisionnement à partir du blocage des routes. "Entre nous, nous sommes en train de nous bloquer tandis que dans la zone sud (où vivent les secteurs de La Paz privilégiés), ils sont heureux ; nous devons aussi leur faire sentir la grève", a réclamé un dirigeant du troisième district. L'assemblée a voté une marche pour aujourd'hui, qui descendra à La Paz pour "prendre des points stratégiques", dans une alliance avec les "frères paysans et miniers", la fermeture de la mairie alteña et d'autres édifices publics, veilles nocturnes et barricades pour paralyser complètement El Alto, et un ultimatum à Evo Morales "pour qu'il définisse" s'il est pour ou contre la nationalisation. Dans un climat échauffé, les alteños ont refusé une lettre du ministre du Travail, Audalia Zurita, qui convoquait au dialogue. "Avec cette lettre, nous nous nettoyons le derrière", a dit le dirigeant du district 6 au milieu des applaudissements enthousiastes du public.
Peu auparavant, plusieurs marches populaires ont conflué au centre paceño, en engendrant des escarmouches autour de la Place Murillo–transformée en espace en dispute, fortement protégée–, avec comme résultat plusieurs blessés et l'arrestation du conseiller de El Alto, Roberto de la Cruz, libéré ensuite. La police a reporté que les manifestants ont lancé des pierres à au moins cinq véhicules de transport public et de particuliers et ont commis d'autres excès dans le centre de La Paz. Quant au ministre du Gouvernement, Saúl Lara, il s'est limité à demander aux manifestants à "conserver la sagesse", tandis que Morales prévenait à l'Exécutif de "cesser de parier sur la fatigue du peuple". "Attention à ce que la chose ne se retourne pas", a-t-il menacé. Dans ce cas, peut-être l'hélicoptère qui hier a éloigné le président de la colère des manifestants ne soit une anticipation de celui qui, à l'image d'autres présidents latino-américains, ne l'aide à s'éloigner définitivement d'un pouvoirlo qui chaque jour lui échappe. Aujourd'hui, reconflueront mineurs, paysans, professeurs et habitants de El Alto, entre autres secteurs, qui réclament la "récupération totale des hydrocarbures” avec des méthodes chaque fois plus radicales et continueront la pression sur La Paz. Ils sont venus pour rester.
Pablo Stefanoni
Pagina/12, 25 août 2005