arch/ive/ief (2000 - 2005)

Brésil : La terre promise
by fab Thursday, May. 19, 2005 at 11:09 PM

Le Mouvement des Sans Terre du Brésil (MST) a écouté le conseil du président Luiz Inácio Lula da Silva et l'a prit au mot.

Soutenu par la Commission Pastorale de la Terre et autres entités, il a organisé une marche de Goiania à Brasilia en faveur d'une réforme agraire. La longue marche a commencé le 2 mai. Y ont participé près de 12 mille personnes provenantes de 23 états. Le MST ne vise pas la Terre Promise, comme les Juifs dans l'Ancien Testament. Il veut seulement la portion de terre promise par le gouvernement de Lula.
En 2002, le gouvernement fédéral a approuvé le deuxième Plan National de Réforme Agraire. Il a garantit que, jusqu'à la fin de son mandat, en 2006, il installerait 400 000 familles sans terre. Et plus de 130 000 auraient recu des financements pour l'acquisition de domaines ruraux.
Au début de l'année dernière, Lula a assuré que d'ici décembre seraient installées 115 000 familles. Selon l'Institut National de Colonisation et de Réforme Agraire, en 2004 ont été installées près de 80 000. En deux ans de gouvernement, 117 000. Le MST répond. Il dit que la majorité des familles ont été logées dans des projets créés dans le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso ou seulement leur situation a été régularisée. Ainsi, dans deux ans, l'actuel gouvernement aurait installé 64 000 familles. Le plus grave est que le gouvernement fédéral ne montre pas de volonté politique de rendre effective la réforme agraire. Des 3,4 milliards de reals prévus pour le Ministère de Dévelloppement Agraire (MDA) dans le budget de cette année, le Ministère des Finances en a retiré 2 milliards pour alimenter la montagne d'argent - près de 60 milliards - de l'excédent primaire (des ciseaux de jardinier dans les coûts et les investissements, pour payer les intérêts de la dette externe).

Il y a eu des protestations, y compris du ministre Rosseto, ce qui a forcé depuis le ministre Palocci à libérer 400 millions de reals de la quantité retenue. Si la réforme agraire était, de fait, priorité du gouvernement Lula, les 1,6 milliards restants doivent être restitués rapidement au MDA.
La marche de 223 kilomètres a culminé à Brasília le 17 mai.. Le MST revendique ce que le gouvernement de Lula a promis : installer 400 000 familles d'ici 2006. Le président a souligné qu'il ne suffit pas de donner une terre. Il est nécessaire qu'il y ait aussi des conditions agro-techniques de semence, une récolte, un transport et une commercialisation du produit excédant à la consommation familiale. C'est ce que désirent les Sans Terre, au travers d'un programme d'agro-industries et de crédit spécial pour les installations.

Toutes les statistiques montrent que l'activité rurale est celle qui emploie le plus au Brésil. Cependant, nous vivons avec un taux alarmant de chômage. Faire la réforme agraire - revendication de 150 ans - signifie arrêter l'exode vers les villes, réduire le nombre de favelas, diminuer l'inégalité social et, en conséquence, la violence urbaine.
Dans ce pays de 800 millions d'hectares cultivables, la terre ne manque pas. Il est prouvé que plus de 60 % des aliments qui arrivent sur la table de la famille brésilienne proviennent de l'agriculture familiale. Le gouvernement fédéral a étendu les bénéfices du Programme National d'Agriculture Familiale (Pronaf) à tout le pays, en cassant le monopole de la région du sud. Cependant, cela n'est pas suffisant. La bureaucratie rend toujours difficile l'accès au financement. L'un des plus grands obstacles pour la réforme agraire est le Congrès National, un nid de ruralistas défenseurs de la grande propriété rurale. Il suffit de dire que, jusqu'à aujourd'hui, il n'a pas approuvé la proposition du Planalto (Présidence) d'expropriation sommaire de fermes dans lesquelles existe une forme d'esclavage. C'est l'un des facteurs qui favorisent l'impunité des meurtriers de ceux qui luttent pour la réforme agraire.
Quel est le projet Brésil du gouvernement de Lula ? Dans le domaine économique, il n'y a pas de place pour le doute : équilibre fiscal, contenir l'inflation, attirer le capital étranger, réduire les dettes internes et externes, augmenter les exportations et réduire les importations, augmenter les réserves et la capacité d'investissement. Le but est positif, la méthode discutable, puisqu'elle enfle les intérêts, réduit le crédit, stimule la spéculation et asphyxie la production. Une difficile équation : promouvoir le dévelloppement social au moyen d'une politique économique néolibérale qui favorise le capital et condamne le travail.
La réforme agraire est, théoriquement, la "priorité des priorités" du gouvernement de Lula. Avec le combat contre la faim. C'est-à-dire, l'un et l'autre sont interconnectés. Mais comme le président a admis que le dragon inflationniste ne peut pas être contenu seulement avec le fouet des intérêts elevés, qui fait mal dans l'échine de la nation, il est temps que le gouvernement priorise le Plan National de Réforme Agraire et, au moins, remplisse les objectifs d'installations annoncés lors des deux premières années de sa gestion.
Un gouvernement qui a eu assez de courage pour homologuer la réserve indigène de Raposa Serra do Sol, à Roraima, ne mérite pas d'arriver aux élections de 2006 avec une image de grand propriétaire, alors que des milliers de familles campent au bord des routes parce qu'elles savent qu'en dehors de la terre elles n'ont pas de salut. Elles ne peuvent déjà pas, comme la famille Silva, monter sur un camion et émigrer avec l'espoir d'obtenir un travail dans l'eldorado de Sao Paolo. Il ne leur reste que la lutte pour la terre qu'elles ont perdue.

* Figure connue de la Théologie de la Libération, auteur de plus de 40 livres. Assesseur sur les thèmes sociaux du président Luiz Inácio Lula da Silva jusqu'en novembre 2004.

Pagina/12, 19 mai 2005 (de La Jornada de México).
Traduction : Fab (santelmo@no-log.org)

Auteur de l'article
by fab Thursday, May. 19, 2005 at 11:15 PM

L'auteur de cet article est Frei Betto