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Bolivie : Pdt du Parlement promulgue la Loi Hydrocarbures
by fab Thursday, May. 19, 2005 at 12:29 AM

Dans une décison très largement critiquée, autant à droite qu'à gauche, le président bolivien Carlos Mesa, sans engager sa signature, a laissé le Parlement promulguer la Loi des Hydrocarbures, qui augmente les obligations des compagnies étrangères.

Trois heures après que Carlos Mesa ait passé la "patate chaude" au Congrès, son président, Hormando Vaca Díez, a promulgué hier la controversée Loi des Hydrocarbures. "Gouverner ce n'est pas éluder des responsabilités", a dit le sénateur, au milieu de forts interrogations politiques et sociales face à l'attitude de Mesa, qui a pris dix jours pour finir par déléguer la responsabilité de la promulgation de la loi au Parlement. Hier soir, le président bolivien est réapparu sur les écrans de télévision, en tantant de récupérer l'initiative avec l'annonce de son Plan Economico-social. Et il a justifié son attitude en disant : "Je ne pouvais pas signer cette loi, comme je l'ai déjà expliqué la semaine dernière, parce que ma conscience ne me le permettait pas ; mais la stabilité et la paix du pays dépendaient de cette promulgation. Pour cette raison, j'ai décidé de ne pas la promulguer ni de mettre mon veto et de la rendre au Parlement".
L'article 78 de la Constitution indique que les lois non promulguées ou qui ne souffrent pas du véto du président dans un délai de dix jours depuis sa réception, seront promulguées par le président du Congrès. Dans un message de sept minutes, le ministre du Gouvernement, José Galindo, a justifié l' "indécision" présidentielle en rappelant que Mesa avait signalé, à pluieurs opportunités, qu'il ne promulguerait pas une loi avec laquelle il n'est pas d'accord. "Ce n'est pas la loi du gouvernement", a-t-il fait remarquer, mais il a été prit "cette décision en raison pour l'unité du pays et par respect de la décision du Congrès".
La loi fixe des "regalías" (valeur du gaz en sortie de puits) de 18 % et un impôt de 32 % sur les profits des compagnies. Depuis lundi, une série de mesures de pression avec épicentre dans la ville de El Alto ont réclamé la nationalisation des hydrocarbures, consigne qui s'étendait en raison du manque de définitions présidentielles. Les entrepreneurs privés ont critiqué avec dureté la nouvelle norme pétrolière qu'ils considèrent un "retour à l'étatisme". "Y a-t-il un gouvernement en Bolivie ?", s'est demandé avec ironie un porte-parole, tandis que certains de ses collèges se sont exprimés en estimant que "Mesa a fait un pas sur le côté". "La loi condamne la Bolivie au sous-développement permanent et s'oppose à l'investissement étranger", a souligné Robert Mustafa, président de la confédération des entrepreneurs privés. A gauche les positions diffèrent, il y a le MAS qui cherche à modifier la loi, "pas à l'annuler" et ceux qui revendiquent la nationalisation sans indemnisation.
"Nous voulons modifier quelques aspects de la loi", a affirmé le député du MAS Jorge Alvarado. Les observations - qui figureront dans un projet de modification d'effet douteux - se concentrent sur la fixation du prix ; sur les "cadenas" pour que l'impôt de 32 % , complémentaire des "regalias" de 18 %, ne soit pas déductible d'autres prélèvements ; sur l'industrialisation du gaz ; sur le droit des peuples indigènes à être consultés quand se dévelloppent des projets sur leurs territoires et sur la remise en cause des Certificats Dévolution des Impôts.
Cependant, le MAS s'est démarqué de ceux qui demandent la fermeture du Parlement et le renoncement de Mesa et il a transformé sa marche depuis Caracollo en "une marche pour modifier la loi et pour la convocation de l'Assemblée Constituante". Le député Gustavo Torrico a soutenu que des secteurs et des dirigeants sociaux extrêmement radicaux visent l'affaiblissement et à la fin du gouvernement. Le leader de la Centrale Ouvrière Bolivienne (COB), Jaime Solares, a appelé Evo Morales à "respecter le pacte d'unité signé, lequel vise la nationalisation".
Hier soir, Mesa est, de manière surprenante, réaparru sur les écrans. "Aujourd'hui le pays a donné un pas important, nous terminons une étape", a-t-il dit dans une claire tentative de récupérer la main perdue pendant la journée au profit du président du Sénat. Dans le discours - d'une heure - il s'est engagé à "assumer les conséquences de la loi des hydrocarbures” et a annoncé un plan ambitieux de dévelloppement dénommé "la Bolivie productive et solidaire". "Je pense que le TLC (Traité de Libre Echange) avec les Etats Uns est fondamental", il a mentionné des propositions pour construire infrastructures et pour réduire la pauvreté "en récupérant l'État l'acteur, solidaire et inclusif".
Si bien hier continuaient les barrages de routes dans quelques points de l'Altiplano, ce qui a obligé à suspendre les départs de bus de longue distance depuis La Paz, et ont été annoncée plusieurs marches, plusieurs analystes se risquaient à anticiper que la promulgation de la loi pouvait contribuer à désactiver les "radicaux" et freiner l'expansion de la demande de nationalisation.


Entretien avec Alvaro García Linera, sociologue et analyste politique bolivien.

– Qu'est ce qui a motivé la décision de Mesa ?
– Ce fut une mesure de survie. En réalité, cela aurait été bénéfique pour Mesa d'assumer le leadership de promulguer une loi que beaucoup attendaient, mais il a remis la victoire au Parlement. Ainsi, le président a de nouveau renoncé à intervenir dans l'agenda politique du pays et a accepté de ne pas décider. Mesa dépend maintenant de ce que vont faire des acteurs qu'il ne contrôle pas et qu'il ne dirige encore moins. Ces jurs . Ont a nouveau circulées ces derniers jours des versions selon lesquelles il aurait évaluer son éloignement du pouvoir.

– Dans quelle position se retrouve maintenant Mesa ?
– En Bolivie, il y a trois pôles de stabilité ou d'instabilité : le Parlement, les secteurs civico-entreprenariaux de Santa Cruz et les mouvements sociaux. Mesa sait que pour le moment Santa Cruz ne va pas bouger (au delà de la convocation au référendum sur l'autonomie du mois d'août), il a alors cherché à neutraliser le Parlement -et aussi partiellement le Mouvement au Socialisme (MAS)– en acceptant la promulgation de la loi. Et avec cela il a affaiblit les "radicaux" et a tenté de survivre, ce qui est le plus auquel peut aspirer l'actuel président. Le coût est d'ouvrir un front externe avec les compagnies pétrolières.

– Quel est le rôle du MAS dans cette crise ?
– Le MAS est aussi dans une transition: D'un côté il exprime une satisfaction modérée, spécialement ses parlementaires. Il y a une certaine paternité du MAS dans la nouvelle loi. Mais en même temps il y a un procesus de radicalisation d'une partie de ses bases vers la nationalisation. Il faut voir comment vont évoluer ces tensions internes.

– Et les secteurs à la gauche du MAS ?
– Cela va dépendre des Assemblées de Quartiers de El Alto (qui hier définissaient leurs prochains pas) et des paysans de la région de La Paz (jusqu'à maintenant pas très mobilisés). Bien que la nationalisation est une consigne où se cristallise le mal-être des secteurs populaires, elle ne s'est pas transformée en un besoin de mobilisation. Au moins pour le moment.


Article précédent :
Bolivie : Mesa sous pression
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Pablo Stefanoni
Pagina12, 18 mai 2005
Traduction : Fab (santelmo@no-log.org)