arch/ive/ief (2000 - 2005)

Décoder le traité constitutionnel européen
by Patrick Gillard Tuesday, May. 17, 2005 at 2:36 PM

Malgré tous les titres dont il pourrait se prévaloir (1), Raoul Marc Jennar a ouvert ce 10 mai à Bruxelles sa 113e conférence sur le sujet en se présentant comme l’humble - mais combien utile - “décodeur” du traité établissant une Constitution pour l’Union européenne.

Détourné momentanément de son “Tour de France”, qui le mobilise quelques soirs par semaine depuis plusieurs mois, par l’invitation de l’asbl Bruxelles Laïque, notre compatriote répondait devant une salle comble aux questions de citoyens désireux, malgré l’absence de consultation populaire en Belgique, d’informations complémentaires sur les 448 articles du texte qui coupe la France en deux.

Appuyant son exposé sur la lecture commentée d’articles du projet de traité constitutionnel, il a, non sans humour, notamment abordé les questions suivantes.

Quels sont le statut et la portée de ce texte appelé «Constitution»?

Quelle que soit la nature de ce texte - traité ou Constitution -, s’il est adopté, prévient Raoul Marc Jennar, celui-ci aura force de Constitution. L’article I-6 ne laisse planer aucun doute : «La Constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union, ..., priment le droit des États membres.» Nous voilà donc prévenus !

La Constitution est-elle neutre idéologiquement?

Non ! Parce qu’elle est justement le résultat rédactionnel des rapports de forces idéologiques dominants tant au sein du présidium, composé de Valéry Giscard d’Estaing, Jean-Luc Dehaene et Giuliano Amato, et de la Convention que parmi les responsables et parlementaires européens. L’Union européenne développera, déclare son article I-3,3 : «une économie sociale de marché hautement compétitive» - c’est la seule fois dans le traité où l’épithète “social” est accolé à “économie” - mais «conformément au respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre», souligne Jennar sur base de l’article III-177, lequel réoriente idéologiquement le précédent auquel il est explicitement associé.

Le principe de souveraineté du peuple est-il respecté par la Constitution européenne?

Quoi qu’en disent d’aucuns, avertit Jennar, les pouvoirs du Parlement européen tels qu’ils sont définis dans le traité resteront, malgré quelques timides avancées, toujours rachitiques. «Un acte législatif de l’Union», précise de fait l’article I-26, «ne peut être adopté que sur proposition de la Commission.» Et la démocratie participative que certains partisans du “Oui” brandissent sans cesse comme preuve de progrès démocratique ne doit pas nous leurrer. Raoul Marc Jennar décortique l’article I-47 consacré à cette sorte de droit de pétition européen qui édicte avec clarté que les propositions citoyennes seront uniquement prises en compte si elle se font «aux fins de l’application de la Constitution».

La Constitution représente-t-elle un «pas en avant» social?

Alors que le citoyen européen pourrait s’attendre à trouver, dans la partie du traité réservée aux droits fondamentaux, l’affirmation du “droit au travail”, telle qu’elle est par exemple explicitement stipulée dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la formulation vague et étonnante de l’article II-75 qui parle seulement du «droit de travailler» est loin, insiste Jennar, de représenter une quelconque amélioration sociale. Le choix des mots, surtout dans un document qui, comme le traité, est l’aboutissement rédactionnel de longues discussions, n’est jamais le fruit du hasard et le citoyen est d’autant plus surpris et effrayé d’y lire que «l’Union et les États membres» ne sont que «conscients des droits sociaux fondamentaux» de leurs travailleurs : “savoir” n’est pas “consacrer”, ni même “accepter”!

La Constitution permet-elle l’existence de services publics?

Un des problèmes majeurs créé par le texte du traité, c’est l’absence de toute mention explicite de service public. Cette lacune a d’ailleurs déclenché un vif débat entre les partisans du “Oui” et du “Non” en France : les premiers prétendant que l’expression «services d’intérêt économique général» (article II-96) recouvre en fait la notion de service public. Raoul Marc Jennar met fin à ce prétendu débat en reprenant le passage qui suit du “Livre blanc” spécifique aux services de l’Union européenne : «Il convient de souligner que les termes "service d'intérêt général" et "service d'intérêt économique général" ne doivent pas être confondus avec l'expression "service public", qui est moins précise.» (2) Et à l’intention de ceux qui douteraient encore de l’orientation néolibérale flagrante du traité, notre décodeur pointe enfin l’article III-148 selon lequel «les États membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire».


La règle de l’unanimité, à laquelle chaque État membre a souscrit pour des raisons qui lui sont propres, risque de scléroser le fonctionnement de l’Union, donnant ainsi raison à Giscard d’Estaing lorsqu’il a pronostiqué pour la “Constitution” dont il est le père une durée de vie d’au moins cinquante ans. C’est la raison pour laquelle Raoul Marc Jennar termine son magistral exposé par le rappel de la sagesse oubliée. Savez-vous, interroge-t-il, que les auteurs de la Déclaration des droits de l’homme de 1793 ont rédigé leur 28e article comme suit : «Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.» ? Une leçon de démocratie qui aurait pu inspirer nos “élites” !

Patrick Gillard,
Bruxelles, 17 mai 2005

(1) Docteur en science politique, animateur de l’Unité de recherche, de formation et d’information sur la globalisation (Urfig), chercheur pour Oxfam Solidarité, Raoul Marc Jennar est aussi l’auteur d’un récent livre (Europe, la trahison des élites, Fayard, 2004) couronné par le prix des Amis du Monde diplomatique 2004.

(2) Livre blanc sur les services d’intérêt général, Bruxelles, 12/05/2004, COM (2004) 374 final.

economie sociale de marché?
by ant Tuesday, May. 17, 2005 at 4:47 PM

économie sociale de marché...

Ce terme "economie social de marché" recouvre en fait une théorie ultra-libérale.

Si je me souviens bien, c'est un théorie devellopée par un allemand(je me souviens plus du nom).

En gros ca veut dire que c le marché qui fait le social!