arch/ive/ief (2000 - 2005)

Buenos Aires, capitale des coupures de rues
by fab Friday, May. 13, 2005 at 8:28 AM

Conflits urbains : installés par les chômeurs, les coupures de rues comme moyen de revendication se multiplient.

Employés publics qui demandent des augmentations de salaires, élèves qui réclament des rénovations de leurs bâtiments, habitants auto-convoqués pour le changement de lignes de bus. Chaque jour, la ville de Buenos Aires étrenne une nouvelle revendication et met ses nerfs à l'épreuve. Selon les chiffres de la justice muncipale, dans les derniers mois ont été enregistrés jusqu'à dix coupure de circulation par jour par des protestations de rues.

La modalité des coupures de routes a échappé, avec la crise, des mains des organisations de chômeurs pour exprimer chaque nouvelle protestation. Aujourd'hui les "nouveaux piqueteros" réclament depuis un supplément pour ancienneté jusqu'à un ravalement de murs.

Hier, au moins trois protestations ont causé un chaos dans la circulation. Dans la soirée, des entrepreneurs et des employés ont coupé l'Avenue de Mai pour demander la réouverture des boites de nuit ; le matin, des élèves d'un lycée ont bloqué une grande avenue centrale pour protester contre l'état de leur établissement ; et à la mi-journée, des employés publiques ont bloqué le Pont Pueyrredon.

L'année dernière, cet accès, qui sépare la capitale de la banlieue et par lequel passe 80 000 véhicules par jour a souffert de plus de 30 grands barrages. "Le temps a passé et personne n'a proposé de solution" s'est plaint Juan Ojeda, du Centre des Commercants de Avellaneda (zone du pont). "Nous coupons le pont en dernière instance —s'est défendu Pablo Solana, du MTD Aníbal Verón—. Cela fait cinq mois que le gouvernement ne nous recoit pas". Seulement le Mouvement de Chômeurs a coupé le pont 15 fois cette année.

Depuis deux mois, à ceux des piqueteros, se sont ajoutés plusieurs conflits syndicaux. "C'est l'unique moyen de rendre visible notre revendication" a argumenté Susana Ferreyra, secrétaire générale de ATE Avellaneda. Cela fait un moment ce que les coupures ont cessé d'être le patrimoine des accès à la Capitale. Et la mauvaise humeur s'est propagée.

"Nous perdons entre 70 et 80 trajets par heure de barrage", a assuré le président de l'Association des Radiotaxis, Carlos Eggink. Selon ses calculs, un barrage surprise peut élever le prix d'un voyage jusqu'à 10 pesos. Pour éviter des retards, les compagnies arment, chaque jour, une espèce de carte des interruptions de traffic. Les cartographes sont les chauffeurs eux-mêmes : chaque fois qu'ils voient une manifestation, ils avisent la centrale.

A l'intérieur des limites de la Capitale, les coupures sont réglementées par le Code Contraventionnel. Son article 78 établit que les manifestants doivent prévenir d'une coupure de route la police, le procureur ou le Secrétariat de Sécurité avec une Secretaría de Seguridad avec une "anticipation raisonnable", mais il n'établit pas combien de temps à l'avance ni le nombre de manifestants. "Il ne spécifie pas comment il doit se dérouler. En raison d'une norme d'application dictée par le Ministère public Général, nous demandons que seulement la moitié de la voie soit coupée", a signalé le procureur contravencional Martin Lapadú.

"Nous nous sommes opposés à la rédaction de l'article parce que pour réaliser une manifestation, il ne faut pas aviser mais demander une autorisation. La protestation sociale s'est échappée des mains du Gouvernement de Buenos Aires et il y a une inaction préoccupantes des procureurs" a laché le député municipal macriste Jorge Enríquez (droite).

Selon la justice de Buenos Aires, la majorité des organisations avec un exercice huilé de la protestation s'acquittent de la condition d'aviser. Cela n'est pas le cas pour les protestations spontanées. Dans le cas des mineurs, c'est encore plus compliqué. Les moins de 18 ans ne peuvent pas être objets de contravention. Par loi, la Police doit prévenir le Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence et si les mineurs refusent de ne couper que la moitié de la rue, elle doit saisir un juge de mineurs.

Au Sous-secrétariat de la Circulation, le responsable, Fernando Verdaguer affirme que la perte de contrôle est telle que souvent ils n'arrivent pas à mettre en place des déviations en raison du nombre de barrages surprise. "Il nous est difficile de faire des mesures de flux de circulation parce qu'il faut prendre en compte les jours normaux et quasiment aucun ne l'est".

Le chef du gouvernemnet de la ville de Buenos Aires, Aníbal Ibarra, a assuré a Clarín, ne pas avoir les outils pour contrôler les coupures. "La seule chose que nous pouvons faire est de coordonner avec la police pour qu'elles soient les moins problématiques possible. Avant, pour avoir de la notoriété, il fallait réunir 10 000 personnes. Aujourd'hui, 30 personnes te coupent la rue", s'est-il plaint. Face à son lycée, Natalia, une élève, a résumé ce changement culturel : "Nous avons appelé la télévision pour qu'elle vienne et ils nous ont dit qu'ils venaient si nous coupions la rue".

Clarin, 13/05/05