arch/ive/ief (2000 - 2005)

Anti-psychiatrie en Argentine
by fab Monday, Apr. 25, 2005 at 11:16 AM

"Aujourd'hui nous présentons une hallucination collective, sortir en vrai. Sortir avec une revue... Nous voulons avec celle ci dénoncer la dureté de la vie dans un hôpital psychiatrique avec force de vérité, pour penser ensemble, pouvoir nous comprendre. Parce que la vérité fait mal seulement pour celui qui ne la comprend pas. Il s'agit de rompre les murs... ” (Editorial de la revue “de Frente, jusqu'à ce que les murs tombent”)

"Aujourd'hui nous présentons une hallucination collective, sortir en vrai. Sortir avec une revue... Nous voulons avec celle ci dénoncer la dureté de la vie dans un hôpital psychiatrique avec force de vérité, pour penser ensemble, pouvoir nous comprendre. Parce que la vérité fait mal seulement pour celui qui ne la comprend pas. Il s'agit de rompre les murs... ” (Editorial de la revue “de Frente, jusqu'à ce que les murs tombent”)

"Jusqu'à ce que les murs tombent" n'est pas n'importe quelle phrase, elle peut être resignifiée une et mille fois. Les murs qui devraient tomber sont tellement nombreux que j'ai perdu le compte. Imaginons un instant des lieux avec des murs, les hôpitaux psychiatriques, les prisons, les instituts de mineurs. Quand la société a-t-elle commencé à construire des murs pour occulter ce qu'elle ne veut pas voir ?

Géographie de l'enfermement

En 1527, à Venise, il a été dictée une première ordenance qui créait les hôspices provisoires pour isoler les pauvres et les empêcher d'utiliser l'espace public, c'est à dire les rues et les places. Là-bas, on isolait les paysans pauvres qui fuyaient la faim et les maladies et arrivaient dans les villes. Ensuite, dans plusieurs pays d'Europe, il a été mis en place des systèmes d'assistance sous des formes répressives. (source APE- Agence d'informations Pelota de Trapo)
Derrière ces murs sont rendues invisibles, occultées, des milliers d'histoires. Parce que chaque personne, chacun et chacune d'entre nous avons une histoire, notre propre histoire. Les internés au Borda, l’hôpital psychiatrique de Buenos Aires, sont mille. 60% du budget de l'hôpital est utilisé en médicaments. La situation du Borda laisse à désirer, toits croulants, couloirs obscurs.
A quoi pensons-nous quand nous pensons au Borda ? Ce lieu tant craint. Y a-t-il quelque choser de plus craint que la folie ? De combien d'imagination a-t-on besoin pour imaginer ce qu'il se passe derrière ces murs, avec ces mille personnes et ses mille histoires différentes ? Electrochocs, camisoles de force, de liens, de seringues crachant des médicaments endormants, coups, violations, humiliations, marginalité, exclusion, réclusion, murs... interminables murs pour ne pas les voir, ne pas nous voir. Ce sont seulement des mots isolés, seulement des images d'un film ou celles de la réalité ? Nous savons très peu des neuro-psychiatriques et encore moins du désaliénisme (desmanicomialización) (1), mot difficile s'il en est, même si le plus difficile du mot est de le réaliser.

Hôpital libéré

En 1968, le directeur de l'Hôpital de Goriza en Italie, Franco Basaglia (2), a produit un livre collectif appelé "L'institution niée. Rapport d'un hôpital psychiatrique" Ce médecin psychiatre essayait de faire ne sorte que les gens accepte leur propre folie sans crainte et qu'elle soit considérée comme une "propriété sociale commune". Basaglia et d'autre collaborateurs produisaient un projet anti-institutionnel. “Les uniques alternatives possibles sont ou bien d'enfermer dans un cadre institutionnel -avec l'inévitable involution d'un mouvement dynamique qui ainsi se fixe et se cristallise- ou bien d'essayer d'agrandir nos actions à la discrimination et à l'exclusion que la société a imposé aux malades mentaux. Comment remonter d'exclu à l'exclusif ? Comment agir à l'intérieur d'une institution sur ce qui la détermine et la soutient ? "

En 1980, le parlement italien a voté la "Loi 180" qui empêchait l'internation sans l'autorisation personnelle et prévoyait la progressive disparition des hôpitaux psychiatriques.
Le désaliénisme est beaucoup de choses à la fois, mais basiquement c'est la transformation de la relation entre le professionnel et le patient. C'est rendre aux individu(e)s leur dignité. C'est ne pas prioriser l’internation violente mais le traitement ambulatoire avec des internations courtes seulement en cas de crises. En Italie et dans la province argentine du Rio Negro, le désaliénisme est un fair. En 1998, les hôpitaux psychiatriques ont été fermés.
” Premièrement il faut accepter qu'il puisse y avoir une solution différente à celle des asiles d'aliénés ; beaucoup de gens croient encore que c'est l'unique réponse. C'est logique, la crainte de ce qu'avec la fermeture de l'asile d'aliénés des gens restent sans travail, mais notre expérience indique que les ressources humaines ont quasiment triplées depuis le début de la transformation à Río Negro". (Hugo Cohen, responsable du désaliénisme au Río Negro)

Soleil noir

“Le pire pour nous est d’être dans le lit. Ils te donnent des médicaments qui te maintiennent inerte”. C’est de cette manière simple qu’un interne du Borda et membre du Front d’Artistes expliquait ce que c’est que d’être interné dans un asile. “Peut-être que le désaliénisme est une utopie, quelque chose pour laquelle nous luttons sans savoir si cela va se concrétiser”.
Le Front d’Artistes du Borda existe depuis 20 ans et est né pour faire tomber les murs. Il a créé neuf ateliers : désaliénisme, marionnettes, mime, théatre, art plasitique, photographie, musique, littérature, journalisme et communication. Le Front est un espace de liberté, de lutte et de résistance. Dans le Front d’Artistes du Borda, on respire un autre air, plus libre. Les idées vont et viennet, se partagent.
L’atelier de journalisme et celui de photographie ont leur revue. Leur espace de communication pour partager. “Pour sortir en sérieux. Il s’agit de faire tomber les murs.”
Jusqu’à ce que les murs tombent !

1- Sur le désaliénisme, voir : http://psychiatriinfirmiere.free.fr/infirmiere/formation/psychiatrie/adulte/therapie/desalienisme.htm (NdT).
2- Franco Basaglia est un des protagonistes de l'excellent film sur l'histoire récente italienne "Nos Meilleures Années". Sur sa personne, voir : http://psychiatriinfirmiere.free.fr/definition/basaglia/basaglia-theorie.htm (NdT)

Zula, ((indymedia Buenos Aires))
zula(arobaz)riseup.net
http://argentina.indymedia.org/news/2004/12/247554.php (photos du Borda et du Front d’Artistes du Borda).
Traduction : Fab (santelmo@no-log.org)