Equateur : les Etats Unis ont-ils joué un rôle ? by fab Sunday, Apr. 24, 2005 at 1:24 AM |
"Quels seraient les raisons pour lesquelles Washington ne soutiendrait plus un de ses alliés ? (...) Dans l'imagination conservatrice de l'administration Bush, l'Amérique Latine, la "cour postérieure" des États-Unis, est en train de virer à gauche au-delà du tolérable, parce que son daltonisme extrême lui fait voir rouge quand il n'y a que du rose ou du gris."
DANGERS
Les révoltes institutionnelles en Amérique latine se paient, avant tout, avec du sang citoyen. C'est ce qui est de nouveau arrivé en Équateur, où le renversement du colonel Lucio Gutiérrez a été précédé par une répression policière qui a fait quatre morts et 181 blessés. Les manifestants étaient des familles entières, y compris des persones âgées et des enfants, qui se sont rassemblés au lieu dit "Croix du Pape", emplacement symbolique où Jena Paul II a manifesté que "En Equateur personne ne pourra dormir tranquille tant qu'il y a un enfant affamé”. Il ne faut pas perdre de vue ce contexte d'injustice malgré que les dernières circonstances qui ont précipité le désordre actuel, à partir de décembre dernier, sont centrées exclusivement dans une pagaille politique-institutionnelle.
L'autre interrogation qui flotte dans l'air : le président équatorien est-il seulement tombé par le mécontentement populaire ou Washington avait-il aussi descendu le pouce ? Gutiérrez a bénéficié de sinuosités heureuses qui ont fini par le placer à la présidence de son pays, avec l'appui de leaders du mouvement social de paysans indigènes. Six mois après son ascension au pouvoir, il a commencé à trahir et a commencé à appliquer une politique, que jusque là il avait répudiée, avec les plans connus d'ajustements structurels recommandés par le FMI, avec tout ce que cela signifie. De même que Menem en Argentine dans la première moitié des années 90, les résultats de la macroéconomie indiquent une croissance significative, raison pour laquelle des commentateurs de Washington se démenaient hier pour faire remarquer que la crise n'avait pas de racines économiques - sociales.
Aucun n'a éclairci comment est distribuée cette plus grande richesse, ni les revenus pétrolièrs, mais une donnée sert d'alerte : le mouvement paysan et les classes moyennes urbaines ont été les forces actives des protestations antigouvernementales, maintenant et auparavant. Sera-t-il possible qu'ils soient descendu dans la rue par rejet des manipulations politiques alors qu'ils recoivent des bénéfices économiques de ce même gouvernement dont ils demandent la démission ? Il est plus logique de penser, à chaud, que Gutierrez a mit fin à la patience sociale.
Quelques couches de la société ont senti que l'abus était insupportable quand Gutierrez a manoeuvré pour que soient levées les accusations judiciaires contre l'ex président Abdala Bucaram, séparé de son poste pour incompétence mentale et inculpé pour corruption. Pour se donner une idée de ce que cela signifie, ce serait comme si Kirchner manoeuvrait pour qu'une Cour Suprême fidèle annule tous les procès pour enrichissement illicite qui touchent Menem et divers de ses fidèles. La tolérance envers l'impunité n'est plus de mise en Amérique latine, bien que la protestation n'obtienne pas toujours que les coupables terminent leurs jours en prison. Les raisons locales pour le mécontentement doivent être plus variées que celles mentionnées ci-dessus et, avec sécurité, elles ont leur racines depuis longtemps, même plus loin que Gutierrez, ainsi qu'en décembre 2001 en Argentine a implosée un absès qui venait de plus loin que l'Alliance (coalition au gouvernement de 99 à 2001) Quels seraient les raisons pour lesquelles Washington ne soutiendrait plus un de ses alliés, malgré une certaine diatribe "chaviste" de l'équatorien, plus rhétorique que suivi d'actes ?
Dans l'imagination conservatrice de l'administration Bush, l'Amérique Latine, la "cour postérieure" des États-Unis, est en train de virer à gauche au-delà du tolérable, parce que son daltonisme extrême lui fait voir rouge quand il n'y a que du rose ou du gris.
Les spéculations de l'espionnage nord-américain ne sont pas difficiles à reproduire. Face aux signes de populisme, lumière jaune, mais face à la faiblesse du gouvernement face à la force du mouvement social, alarme rouge. L'Equateur est resté dans la zone colorée, après quatre mois de rassemblements publics qui ne faiblissaient pas, qui, au contraire, augmentaient. Un possible bénéfice collatéral : l'Equateur venait de voter à l'élection du président de l'Organisation des Etats Américains (OEA) pour le candidat chilien, ex ministre de Ricardo Lagos, qui n'est pas celui des Etats Unis, il y eut cinq votes mais à chaque fois les deux candidats ont été à égalité. Ne serait-il pas possible de modifier cet équilibre au milieu du panorama institutionel équatorien ?
Jusqu'à maintenant, le vice-président élu a remplacé le président expulsé avec un carton rouge, mais il n'y a pas de Pouvoir Judiciaire et le Législatif se déplace suivant le courant. Les Forces Armées n'avaient pas réussi à réarmer avec rapidité le sommet de ses commandements et le propre mouvement populaire devra trouver un sens à ses manifestations ou il se réduira jusqu'à être absorbé par la terre, comme les rivières souterraines qui sortent parfois mais ne restent pas trop en surface. Tout est précaire, tout est incertain dans cette petite histoire de la grande histoire latinoaméricaine, la mère des doutes et des dangers.
J. M. Pasquini Durán
Pagina12 (Argentine), 21 avril 2005
http://www.pagina12web.com.ar/diario/contratapa/13-50042-2005-04-21.html
Traduction : Fab (santelmo@no-log.org)