arch/ive/ief (2000 - 2005)

Equateur : Du "colonel progressiste" au "que se vayan todos"
by fab Friday, Apr. 22, 2005 at 10:57 AM

Quand Lucio Gutierrez a assumé la présidence, il apromut d'en finir avec la corruption, une constante dans le passé équateurien. Une Cour Suprême signalée comme partisane et le fantasme de l'ex président Abdala Bucaram ont fait parti du lattis politique des dernières heures de Gutierrez dans le fauteuil présidentiel.

Deux ans et trois mois après avoir accédé à la présidence de l'Equateur, Lucio Gutierrez a suivi les pas des derniers présidents de son pays en étant écarté par le Parlement (1). Malgré le fait d'avoir conté avec une majorité législative, les parlementaires ont manoeuvré hier en lui tournant le dos, en soupesant la force des dernières manifestations en apparence spontanées que les équatoriens ont comparé aux "cacerolazos" de décembre 2001 en Argentine. La classe moyenne, surtout, est sortie dans les rues de Quito avec la pancarte : “Que se vayan todos” (qu'ils s'en aillent tous), dirigée aux partis politiques qui se battent pour le contrôle de la Cour Suprême de Justice et à la face du président -pour corruption-. Le déclencheur de la convulsion qu'a vécu le pays depuis la semaine dernière a été la décision de Gutiérrez de destituer le maximum tribunal, destitution ensuite ratifiée par le Parlement. Paradoxalement, ce tribunal avait été modifié en décembre par le Parlement en accord avec le pouvoir exécutif.
Gutierrez a gagné les élections le 24 novembre 2002 et a prit possession de la présidence équatorienne le 15 janvier 2003. Gutierrez, à l'époque admirateur du vénézuélien Hugo Chavez, m'avait dit peu de temps avant d'assumer le pouvoir qu'il propulsera "un dialogue national autour de quatre objectifs : en finir avec la corruption, dé-partiser les cours de justice et choisir des représentants par collèges électoraux ; créer une quatrième fonction publique de contrôle des comptes ; réformer le Code Pénal pour instaurer la peine de prison à perpétuité pour les fonctionnaires corrompus et introduire des principes éthiques dans les charges publiques et enfin réduire la pauvreté et destiner de plus forts budgets à la santé et à l'éducation". Aujourd'hui, ces mots évoquent des promesses de début de romance.
L'étincelle du conflit qui a obligé à destituer l'ex-colonel Gutierrez a été la réorganisation de la Cour Suprême de Justice, dont la dissolution ordonnée le 15 avril par le président a été laissée sans effet par le Parlement deux jours plus tard, sans que les protestations ne cessent (initialement dans la capitale, ensuite à Guayaquil, Cuenca, Latacunga et autres villes). Les manifestations l'ont accusé de s'allier avec l'ex président Abdala Bucaram, cet excentrique ébloui par le ménémisme et la convertibilité de l'Argentine qui demandait à consulter Domingo Cavallo (ministre de l'Economie de Memen). Bucaram venait de rentrer en Equateur après huit ans d'exil au Panama alors que sont ouvert contre lui deux procès pour malversation de fonds. Le nouveau président de la Cour Suprême, le 8 décembre, a annulé les procès pour corruption présumée contre Bucaram, contre l'autre ex président Gustavo Noboa (aussi revenu de son exil) et l'ex-vice président Alvaro Dahik. Rappelons-nous que la formule Jamil Mahuad et Gustavo Noboa avait accéder au pouvoir le 10 août 1998. Un an plus tard, la popularité de Mahuad s'était effondrée à cause de ses politiques d'ajustages économiques et de la pire crise bancaire de l'histoire du petit pays andin (1999-2000), et il avait fini par être renversé le 21 janvier 2000 par la révolte indigèno-militaire à la tête de laquelle se trouvait le colonel de l'époque Lucio Gutierrez (2).
Les crises politiques qu'a affronté Gutierrez ont commencé six mois après sa prise de fonction présidentielle, en destituant plusieurs de ses ministres appartenant au parti indigène Pachacutik qui se sont opposés à la signature d'un accord avec le FMI que ratifiait la dollarisation. Le gouvernement a justifié ensuite : “Depuis la crise, la pauvreté urbaine est passée de 70 à 50%”. Pachacutik, Société Chrétienne et Socialdémocratie se sont placés dans l'opposition avec 42 députés. A partir de ce moment, le président a dû faire face au blocage au Parlement, où son parti, Société Patriotique, ne comptait que sept députés sur un total de 100 et a dû tisser des alliances avec les partis traditionnels, pour voter ses projets de privatisation des industries pétrolières et électriques et de réformes institutionnelles et de la sécurité sociale. Malgré tout, le mandataire a pu échapper à un jugement politique, auquel les conservateurs, la gauche et les indigènes ont essayé de le soumettre en novembre 2004, grâce à son alliance avec deux formations traditionnelles, le Parti Roldosista Equatorien (PRE), leaderé par Bucaram, et le Parti Rénovateur Institutionnel Action Nationale (Prian), du magnat de la banane Alvaro Noboa (qui a perdu les dernières élections). Gutierrez était accusé d'utilisation indue d'argent public, de subornation et de délits contre la sûreté de l'État. Cette nouvelle alliance a permis que le Congrès substituât en décembre 2004 27 juges des 31 de la Cour Suprême de Justice ce qui a provoqué un fort mécontent social et politique. Les 8 de ce mois, une majorité parlementaire proche de Gutierrez a modifié la composition de la Cour Suprême. Avec la fin des inculpations de Bucaram et de Noboa, le nouveau tribunal n'a pas maquillé sa politisation. Gutierrez est parti. Le Parlement, pas encore. Le stigmate de la corruption est très ferme.
1- Abdala Bucaram en 1997, Jamil Mahuad en 2000.
2- En fait cette révolte a été menée par les indigènes et leur Conaie (Confédération des Nationalités Indigènes d'Equateur). Des colonels de l'armée (parmi lesquels Gutierrez) s'étaient alors solidarisés avec eux, Gutierrez avait alors participé à une alliance au pouvoir, avec Vargas de la Conaie et le chef d'Etat major de l'Armée qui finalement intronisa le vice président au poste de président. (NdT).

Mercedes López San Miguel
Pagina12 (Argentine), 22 avril 2005
Traduction : Fab (santelmo@no-log.org)