arch/ive/ief (2000 - 2005)

Equateur : Un mandat avorté dans le sang
by fab Friday, Apr. 22, 2005 at 9:32 AM

Après des journées d'affrontements et une répression qui hier as'est soldé par quatre morts et des centaines de blessés, le Parlement d'Equateur a destitué de ses fonctions le président équatorien, Lucio Gutiérrez. Le successeur, son vice Alfredo Palacio, a recu le soutien militaire.

Encore une fois. Au milieu d'un climat de convulsion sociale, le président de l'Equateur, Lucio Gutiérrez, a été destitué par le parlement -se transformant en le troisième président de son pays qui chute depuis 1997- pour "abandon du poste". Le vice-président Alfredo Palacio a juré comme nouveau président, avec l'indispensable et explicite soutien des Forces Armées. Peu après, Gutiérrez a abandonné le Palais de Gouvernement dans un hélicoptère vers l'aéroport où des manifestants ont bloqué le départ de l'avion dans lequel il se trouvait, il a alors du être transféré à une garnison militaire où il a été arrêté quelques heures pour avoir ordonné la répression des manifestations qui demandaient sa destitution : il y a eu quatre morts et des centaines de blessés. Ensuite, l'information selon laquelle il se trouvait dans l'ambassade du Brésil à Quito et qu'il lui avait été concédé l'asile diplomatique a circulé.
Après une semaine continue de protestations, la journée d'hier a été intense, marquée par une grande mobilisation populaire (de 30 000 à 50 000 personnes) avec des manifestations mais aussi des pillages. Au Parlement, 60 députés sur 62 ont voté la destitution de Gutierrez. Avant le vote, l'opposution avait abandonné le Parlement, en se constituant en "parlement parrallèle" dont la première mesure a été de révoquer le président du parlement, Omar Quintana, principal allié de l'ex président et a destitué Gutiérrez pour “abandon de charge”. Le ministre du Gouvernement, Oscar Ayerbe, a signalé que le gouvernement ne reconnaissait pas la décision du Parlement de destituer Gutiérrez. Cependant, cette épreuve de force n'a duré que quelques minutes, vingt minutes après la décision parlementaire, les Forces Armées ont annoncé qu'elles retiraient leur soutien à Gutiérrez, position qui lui donna le coup de grâce. Moins d'une heure après la destitution, la vice-présidente du Parlement, Cinthya Viteri, a pris le serment au vice-président Alfredo Palacio, un cardiologue de 66 ans, comme nouveau président d'Equateur. Il a alors déclaré : “La dictature est terminée”, en référence au gouvernement de Gutiérrez avec lequel il avait pris ses distances. “Aujourd'hui la prépotence et la peur ont pris fin. Aujourd'hui se refonde la République dans laquelle la dignité et l'espoir fleurissent”, a affirmé Palacio.
Les faits postérieurs allaient démontrer que tout ne va pas être rose. Gutiérrez et Palacio étaient distancés depuis le commencement du mandat, jusqu'au point où Palacio a demandé à plusieurs reprises la démission de Gutierrez, ce qui finalement est arrivé hier. Le matin, le maintenant ex-président s'était réuni avec l'ambassadrice des Etats Unis à Quito, Kristy Kelly. Avant d'abandonner le pouvoir, Gutiérrez avait sollicité à l'ex président Abdalá Bucaram qu'il abandonne le pays pour calmer la population, qui a réagit indignée quand ont été annulées les accusations de corruption qui pesaient contre lui.
Quelques minutes après que Palacio ait prêté serment, Gutiérrez a abandonné le siège du gouvenement dans un hélicoptère avec destination l'aéroport international de Quito, depuis lequel il pensait abandonner la ville ou le pays. Mais les manifestants ont bloqué la sortie de l'avion dans lequel il se trouvait, raison pour laquelle il du retourner dans l'hélicoptère pour être transférer à la base militaire de La Balbina, dans les environs de Quito, où il a été placé en détention pour le "flagrant délit d'avoir ordonné à la police et aux militaires de réprimer les manifestants". La Croix Rouge a induqué que quatre personnes étaient mortes, parmi lesquelles un journaliste chilien et qu'il y eu 130 personnes asphyxiées par le gaz lacrymogène utilisé par la force publique pour disperser les manifestants et 44 blessés. Quelques heures plus tard, on a su que Gutiérrez se trouvait dans l'ambassade du Brésil à Quito et que le gouvernement brésilien lui avait concédé l'asile diplomatique. Durant l'après midi circulaient des versions qu'il avait demandé l'asile au Panama, ce qui fut démenti par des membres de l'anbassade de ce pays. Le ministre des Affaires Etrangères du Vénézuéla, Alí Rodríguez, de son côté, a signalé que son pays "n'avait pas d'inconvénients" à donner l'asile à Gutiérrez.

Après des heures de calme et de réjouissances pour la destitution, l'agitation sociale a continué à Quito, maintenant dirigée aussi contre les députés auteurs de la destitution. Des groupes de manifestants se sont rendu à l'auditorium du siège du "Parlement parrallèle" où étaient réunis les députés, pour demander que eux aussi s'en aillent et ont montré leur opposition à la désignation comme président de Palacio, qui a été virtuellement assiégé par les manifestants échauffés qui lui réclamaient de dissoudre le Parlement. “Je ne suis pas un politique, je ne suis pas un politique" , criait Palacio à ceux qui causaient des destructions et jetaient des pierres. "La prépotence est terminée, la dictature est terminée, avec vous je veux gouverner", criait-il aux manifestants qui se refusaient à l'écouter. L'après midi des centaines de manifestants étaient entrés au Parlement , après la destitution, et ont frappé plusieurs députés et exigé que tous les députés renoncent, en menacant de les soumettre à un "procès populaire".
Après avoir été retenu pendant cinq heures par les manifestants qui lui demandaient la dissolution du parlement et la convocation d'élections, Palacio s'est rendu au ministère de la Défense flanqué des chefs des Forces Armées. Dans un communiqué, les Forces militaires d'Equateur ont exprimé qu'elles respectaient la succession présidentielle. "Une fois que les demandent populaires ont été résolues dans les domaines correspondants et à l'intérieur du cadre constitutionnel en vigueur, les Forces Armées, respectant la succession, font un appel au calme et à la paix dans le pays”, ont-elles indiqué. Palacio a donné une conférence de presse dans laquelle il a prononcé des phrases grandiloquentes et a affirmé : "je suis l'unique espoir dy peuple, non parce que je sois prédestiné, mais parce qu'ainsi le dit la Constitution". Il a prêté serment que jamais plus le président interviendra dans les autres pouvoirs et que "je suis venu servir et non me servir". Il a promit de gouverner avec le peuple et non avec les partis politiques, de plus, il a évoqué la possibilité de proposer une Assemblée Constituante "à l'intérieur du cadre constitutionnel et de la légalité".

Pagina12 (Argentine), 22 avril 2005
Traduction : Fab (santelmo@no-log.org)