Congo/Cri d'alarme by B. C. Thursday, Apr. 21, 2005 at 2:26 PM |
Archidiocese de Bukavu, Congo CENTRE OLAME Cri d'alarme - cris de detresse 23 fevrier 2005
La situation se degrade de facon inquietante du cote de Walungu et de Kaniola. En ce mois de fevrier, nous avons accueilli au centre Olame 33 femmes et jeunes filles venant de Walungu et de Kaniola. Les personnes victimes de viol viennent avec les responsables des paroisses. Elles ne peuvent pas depasser 10 personnes par mois et par paroisse. Pour Walungu et Kaniola, elles peuvent venir a 2 reprises etant donne le nombre important de personnes signalees. Kaniola n'est venu qu'une fois, etant donne les combats qui ont eu lieu dans la region debut fevrier 05.
Depuis 2 mois environ, les femmes et jeunes filles venant de Walungu arrivant au Centre Olame presentent des signes de detresse intense. Les faits relates remontent a un mois environ et elles sont encore tres prises par ce qui leur est arrive. Durant le mois de fevrier 2005, sur 18 personnes recues de Walungu, il y avait 10 femmes mariees entre 25 et 50 ans, une enfant de 10 ans, 2 adolescentes de 14 ans, une de 15 ans, une de 16 ans, ainsi qu'une jeune fille de 19 et 2 de 20 ans. Sur les 10 femmes, 5 ont eu leur mari tue. Elles parlent en ayant les larmes qui leur coulent des yeux. .. . Elles ne voient pas comment sera leur avenir. Leurs maris �tant tues, elles n'arrivent plus a subvenir aux besoins de la famille. En effet, leurs champs sont ravages par les hommes de la foret, mais maintenant aussi par les militaires FARDC. Une femme me disait qu'elle recoltait les pommes de terre de son champs, des militaires sont arrives, lui ont ravi sa recolte et en plus deux l'ont violee C'etait le 20 janvier 05, aa Walungu-Izege, a 13 h. de l'apres-midi.
Du 7 au 11 janvier 05, 13 personnes ont ete emmenees dans la foret par des hommes armes, d'Izege. D y avait 7 enfants, 5 femmes et un homme. La jeune fille de 14 ans qui en revient m'a dit que l'homme qui etait son oncle a ete tue sous ses yeux, parce que la rancon n'arrivait pas. Ils lui
donnele couteau plein de sang a laver, afin de continuer leur besogne, disaient-ils Cette adolescente de 14 ans a
ete violee par 4 hommes chaque jour de le
detention. A Walungu, la MONUC et les FARDC s'y trouvent. Ils etaient au courant que ce groupe de 13 personnes etait entre les mains des hommes armes de la foret, car il y a eu 4 personnes envoyees pour chercher a tour de role
la rancon. Personne n'a bouge pour aller les delivrer. Nous le savons, car une maman de ce groupe est venue en urgence chercher la somme de la rancon au Centre Olame. Nous avons envoye un agent du Centre Olame pour l'accompagner et voir la situation sur place. Les militaires FARDC etaient au courant... .
De Mwirama - Kaniola, 11 personnes ont ete emmenees la nuit du 18 au 19 janvier 05 par 5 hommes arm�s. Ce n'est pas loin de Walungu ou se trouvent la MONUC et les FARDC. La aussi, une femme a ete envoyee chercher une rancon de 100 $. Sa famille se trouvait a 2 heures de marche de Mwirama,
d'apres ce que les femmes venant de ce groupe, m'ont dit, cad 2 femmes de 25 et 27 ans et une jeune fille de 17 ans. Les hommes armes n'etaient qu'au nombre de 11 personnes ! Ce n'est que le samedi 22 janvier qu'elles ont pu retourner chez elles.
Le 17 fevrier, ces 3 personnes arrivent au Centre Olame. Elles font donc partie du groupe
de 11 personnes prises chez elles a Mwirama entre le 18 et le 22 janvier. Voici le recit d'une de ces mamans, appelons-la Maman Faida : "Dans la nuit du 18 au 19 janvier, mardi soir, 5 hommes armes de fusils ont fait irruption dans les maisons de notre famille. J'ai 25 ans et suis enceinte de 6 mois. Mon mari etait parti la veille en Urega. Il n'etait donc pas la. Je dormais avec mon enfant de 18 mois dans ma case. Mon autre enfant se trouvait chez une tante. J'ai entendu du bruit tout autour de la maison et a ma porte. Je me suis levee, me suis habillee et ai mis mon enfant sur mon dos. J'ai rencontre un homme a la porte de ma chambre. Dans le salon, il y en avait d'autres affaires a ramasser tout ce qu'il y avait a prendre. L'homme qui etait dans ma chambre m'a dit de mettre les habits dans un drap. J'ai tout mis. II m'a demande de mettre aussi les souliers qui etaient la. Je l'ai fait. Puis il a mis ce colis sur ma tete et m'a dit de sortir. En sortant de la maison, j'ai vu mon beau-pere, ma belle-mere, nies belles-soeurs avec deux bebes de 1 an avec elles. En tout, il y avait les 3 enfants, mon beau-pere, ma belle-mere, une jeune fille de 14 ans et 5 femmes. Les hommes en habits civils armes etaient a 5. Ils nous ont obliges de prendre la route de la foret. Arrives a la premiere colline, ils se sont reposes. J'ai enleve mon enfant de 18 mois de mon dos. Au moment de repartir, il restait en arriere. J'ai supplie ces hommes de le prendre avec moi, que je preferais mourir que de laisser l'enfant seul ainsi. Ils me frappaient et m'enjoignaient d'avancer... Je resistais et recevais des coups de fusil. Ils m'ont dit de me taire, sinon ils allaient me tuer. Je leur ai dit de me tuer avec mon enfant, plutot que de le laisser seul dans la nuit. Finalement, Ils ont demande a ma belle-mere d'aller le chercher. Nous avons continue la route. A un moment donne, ils nous ont fait nous arreter et ils ont commence a violer les femmes. J'ai ete violee par les 5 hommes. D'autres femmes ont ete violees par 1 ou 2 hommes. La jeune fille de 17 ans l'a ete par 3 hommes. Seule la belle-mere agee n'a pas ete violee.
Nous avons continue d'avancer dans la foret. Arrives sur une autre colline, la caravane est arrivee a un endroit ou 6 autres hommes etaient la. J'ai entendu qu'ils parlaient
a 4 le kitembo, 2 autres parlaient le mashi et le reste le kinyarwanda. Tous avaient des fusils et des couteaux. J'ai ete viol�e par deux autres hommes qui etaient la. Puis un homme m'a choisie pour etre sa femme. Il etait leur commandant et s'appelait Shetani. Lui m'a prise le deuxieme jour durant 3 heures de temps. II a enjoint le beau-pere de venir tenir une de mes jambes et ma belle-mere l'autre jambe. Le beau-pere a refuse. Ils ont commence a le battre tellement que je lui ai dit de tenir ma jambe, car ils allaient le tuer. Je l'ai supplie. Finalement, il l'a fait. J'en ai encore tellement honte.
A un moment, ces hommes ont envoye une femme au village chercher 100 $. Si elle ne revenait pas avant vendredi soir 16 h. ils tueraient tout le monde. Elle est partie. Puis un homme m'a appelee encore pour partir un peu plus loin avec lui. Je ne voulais pas, mais j'ai recu des coups. Nous sommes arrives a un endroit ou il y avait les cadavres d'un homme et de 2 femmes en decomposition. Cela sentait tres fort. II m'a dit de rester aupres de ces cadavres, que c'est ainsi que nous finirions si la rancon n'arrivait pas. . . . Puis, il est alle plus loin et m'a appelee. II m'a violee encore. "
Faida parle d'un moment ou ils ont roti 12 poules volees chez eux. Ils ont mange eux seuls. Durant les 4 jours, ils n'ont pas eu a manger. L'enfant de 18 mois pleurait de faim. Un homme lui a donne un morceau de viande qu'il essayait de manger, mais il etait dur et n 'y arrivait pas. II pleurait. L'homme lui a donne un autre morceau de viande plus tendre et il a tout mang�e.
"Un soir, je grelottais. J'etais toute nue. Ils avaient fait un feu. Un homme m'a dit de venir pres du feu. II avait plu et j'etais mouillee. Je me suis sechee aupres du feu. Un homme a dit a ma belle-mere de m'apporter un pagne pour me couvrir. Le commandant me prenait a tout moment. Je n'en pouvais plus. J'avais beau
lui dire que j'etais enceinte et que cela depassait ce que je pouvais supporter. II me frappait et me prenait...
Je me sentais etre a bout de force et je me suis laissee choir. Le temps approchait de l'ultimatum. Ils preparaient les couteaux pour nous executer le moment venu... et ils nous avertissaient que nous allions tous mourir. Enfin, la femme envoyee est arrivee a 15. 30 h. avec les 100 $. Ils nous ont dit que nous etions libres et que nous pouvions nous en aller. "
Faida dit qu'elle a rassemble toutes ses forces et nue comme elle etait, elle a pris son enfant et s'est precipitee sur le chemin du retour. Arrivee chez elle, elle s'est jetee sur son lit et s'est evanouie. Elle s'est retrouvee a l'hopital de Walungu sans savoir comment elle y est arrivee. Elle avait un serum a son bras. En s'eveillant, elle a demande qu'on l'a delie car elle se croyait toujours entre les mains de ces hommes qui l'avaient liee. Le docteur lui aurait dit qu'il est medecin et qu'il veille sur sa sante.
Elle a un carnet de sante datee du dimanche 23 fevrier 05. Elle va loger maintenant a Walungu meme, chez un membre de famille, avec ses deux enfants.
Ce temoignage se passe de commentaires. Nous voyons que ces enlevements durent plusieurs jours et que durant ce temps, les personnes ne
recoivent pas a manger, qu'elles sont battues et violees (exception faite pour la belle-mere). Les personnes vivent l'angoisse d'etre tuees. Dans
les deux enlevements, il y a eu des morts, l'oncle et dans l'autre, elles ont vu 3 personnes mortes en decomposition. Il y a aussi l'humiliation dans les paroles. Souvent, on leur dit qu'elles sont des betes (nyama), etc. L'humiliation aussi de poser des gestes contraires a la coutume et a la morale, comme le beau-pere qui doit tenir la jambe de sa belle-fille durant qu'on laviole.
Il ne faut pas oublier aussi que beaucoup de familles cherchent refuge ailleurs, viennent sur Bukavu et abandonnent leurs maisons. Une femme m'a dit : " Depuis que les FARDC et la MONUC sont arrives, les gens de la foret sont plus violents et viennent sans arret. En plus, les FARDC font de meme. Ce n'est plus seulement la nuit que nous souffrons, mais le jour avec eux maintenant. Ce qui est inquietant, c'est de voir que nous ne pouvons pas cultiver en paix et que nos recoltes sont prises par tous ces hommes armes. Ne vont-ils pas nous manger finalement ?"
La situation est tres grave ! Ce rapport voudrait alerter le plus grand nombre possible de personnes pouvant prendre des decisions. Ce cri sera-t-il entendu ?
Bukavu, le 23 fevrier 2005 / B. C.