arch/ive/ief (2000 - 2005)

Quelle place pour les citoyens belges dans le débat autour de la Constitution européenne?
by Morgane Delaisse Wednesday, Apr. 20, 2005 at 2:54 PM

En France, l'organisation du référendum fait beaucoup de bruit et le “non” monte progressivement. Mais chez nous, la pression des syndicats et altermondialistes sera t-elle suffisante?

Le débat en France sur la Constitution Européenne est, depuis quelques semaines, omniprésent sur la scène médiatique. Depuis le mois de mars, une dizaine de sondages prédisent la victoire du “non” (entre 51 et 55%) au référendum du 29 mai. Le jeudi 14 avril dernier, au cours d'un débat télévisé, Jacques Chirac n'a pas convaincu les jeunes, ni les moins jeunes, sur la nécessité de ratifier le texte de Valery Giscard d'Estaing. La question à se poser est de savoir si les français sont au courant du contenu du Traité ou si ses résultats ne sont que l'expression de la mauvaise humeur des français. Les partisans du “oui” se sont lancés dans une véritable campagne électorale pour qu'une majorité positive l'emporte. Mais il faudra bien plus qu'un slogan bien tourné et des idées fortes. En effet, il est d'abord essentiel que le gouvernement français, regagne la confiance de son peuple: la courbe du chômage et l'insécurité pourraient faire la différence. De plus, on voit mal où se situe la limite de la démocratie avec des arguments tels que: “ si le non l'emportait, se serait catastrophique pour l'avenir..., la France deviendrait le mouton noir de l'Europe...”.

Les mouvements revendicant la victoire du non (syndicats, Attac...) ne sont pas, pour la plupart, contre l'Europe mais refusent de participer à la construction d'une Union dont le modèle est uniquement l'économie. Le problème vient du fait que les citoyens sont totalement en dehors des décisions. La Constitution a été conçue sans consultation de la société civile, ce qui peut générer incompréhensions, colères et finalement extrême droite et xénophobie. Écarter les citoyens, c'est oublier les nombreux acquis sociaux qui font de l'Europe ce qu'elle est aujourd'hui. Le texte constitutionnel du 18 juin 2004, lui, est plutôt basé sur des principes de libéralisation et privatisation des services publics, généralisation de la concurrence à tous les domaines, économie de marché... bref une vision ultra libérale de l'Europe. Plus que cela, le texte ne parle pas des droits fondamentaux tels que la santé, le logement, un salaire suffisant, le chômage, les pensions... donc le démantèlement pur et simple du modèle social européen. “Le marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée est mis sur le même plan que des objectifs sociaux. Mais par expérience on sait que ces principes sont peu compatibles” a déclaré la FGTB dans un communiqué de presse. Actuellement, les militants CGSP de tout le pays ont rejeté l'actuel projet de traité constitutionnel européen.

Il faut instaurer un vrai débat
En Belgique malheureusement, le débat reste absent: le monde politique dit qu'il faut y être favorable mais n'explique pas le contenu du Traité européen. De plus, il n'y aura pas de référendum. Les syndicats doivent donc exercer une réelle pression sur nos dirigeants pour qu'ils refusent ce texte. Mais la situation semble difficile car tous les partis populaires qu'ils soient de droite ou de gauche ont accepté cette Constitution. Les mouvements syndicaux belges insistent auprès du Gouvernement pour que la population soit clairement informée et demandent l'organisation d'un vaste débat public autour du futur Traité constitutionnel. Ils ne peuvent cautionner un texte qui “compromet les chances de faire rimer Europe avec progrès social” et défendront leur position au sein de la CES (Confédération européenne des syndicats).

Les altermondialistes ont donc un rôle majeur à jouer pour la sensibilisation du public belge à ce propos. Attac Wallonie-Bruxelles et Attac Vlaanderen ont lancé, au début de l'année, la plate-forme “Non à la Constitution européenne” et toute une campagne contre le texte du Traité constitutionnel. A ce jour, plus de 800 personnes et 80 associations ont signé la pétition en ligne. Mais leur objectif est d'élargir la plate-forme: transmettre leur analyse des effets de la Constitution au-delà du public habituel et augmenter le niveau de conscience. Ils proposent également aux citoyens d'interpeller les représentants politiques de leur région et les cibler en fonction de leur participation à divers débats autour de la question européenne. A la question “le peuple belge a t-il le pouvoir de refuser la Constitution?” Jean Flinker, d'Attac Bruxelles répond, “il faudrait un mouvement de masse extrêmement fort pour que la Parlement belge ne ratifie pas ce Traité. Mais il est actuellement assez difficile d'exercer une réelle pression sur les autorités politiques tant le débat est cloisonné aussi bien au niveau des médias qu'au niveau parlementaire.” La branche bruxelloise du mouvement est occupée à travailler sur un livre “Les mythes de la Constitution européenne” pour sensibiliser un public encore indifférent parce que trop peu informé. Sous réserve, il devrait voir le jour en septembre 2005.

Le vrai danger actuel est la confusion des débats. Comme le souligne Marie-José Mondzain, philosophe, “la question: pour quelle Europe votons-nous? est donc devenue: pour qui votons nous? Ou encore voulez-vous ou non l’Europe? Quand ce n’est pas: voudriez-vous être exclus de l’Europe? Pour ne pas parler du: que pensez-vous de l'adhésion de la Turquie au sein de l'UE? Autant de fausses questions posées pour occulter la bonne.” Le désordre s'accroît entre les différentes problématiques de l'Europe et la population est très facilement ammenée à faire des amalgames: Bolkestein, la Stratégie de Lisbonne, l'AGCS...

Il est donc primordial de faire entrer le vrai débat sur le traité constitutionnel au sein des discussions politiques, citoyennes et dans les médias. Un vrai débat, selon Mondzain, c'est: “une circulation critique de la parole afin de trouver ensemble une solution valide pour la communauté. Et, ici, les faits sont les textes du traité auxquels il faut se rapporter et qu'il faut analyser."