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Sur les prisonniers politiques argentins
by fab Sunday, Apr. 10, 2005 at 7:23 AM

Depuis 9 mois sont détenus des innocents pour avoir protestés contre le nouveau code pénal de la ville de Buenos Aires (qui leur interdit de travailler), lors d'incidents provoqués par des policiers en civil. Depuis 7 mois sont détenus des chômeurs pour avoir demandé du travail. Tous risquent plus de 10 ans de prison pour des accusations inventées de toute pièces. Il est évident qu'il s'agit pour le pouvoir d'intimider et de dissuader les pauvres de ce pays.

AGENDA ARGENTIN DE L'ETHIQUE
par Osvaldo Bayer


J'ai toujours rendu visite aux prisonnier(e)s politiques. (...) Il y a deux jours, je suis allé à la prison de Devoto. Quand j'y entre, j'éprouve de la tristesse, de la mélancolie et de la rage. L'entrée par laquelle arrivent les familles des prisonniers est remplie d'ordures et de tristesse. Et les femmes avec des paquets d'aliment. Ce sont les véritables victimes de la société, de cette société qui n'a jamais cessé d'être autoritaire. (...) Donc, il y a deux jours je suis allé à la prison de Villa Devoto. Rendre visite aux prisonniers de la "Legislatura" (Parlement de la ville de Buenos Aires). Il est quand même formidable de dire qu'ils sont prisonniers pour le "Code de Vie en commun." Prisonnier(e)s pour vie en commun ? Oui. Ils et elles sont vendeurs ambulants, travestis et prostituées. Ils sont prisonnier(e)s depuis juillet 2004, accusé(e)s de charges qui peuvent leur faire souffrir 14 ans de prison. Rien de moins que de "coaction aggravée, privation de liberté, dégâts qualifiés, résistance à l'autorité”. Oui, quatorze ans, Tous les accusé(e)s sont d'extrème pauvreté. Bien sûr.
Ils sont prisonnier(e)s politiques pour n'importe quel connaisseur de la société argentine. Une société qui n'a jamais rien fait pour elles et eux. Au contraire. Des vendeurs de cacahouètes, de sandwichs, de pop-corn, de glaces. Ce sont eux "les véritables coupables du fait que le pays ne va pas très bien". Pour cela, matraques, prison, qu'ils et elles disparaissent des rues de la ville. Un d'entre eux, un jeune de Santiago del Estero (province pauvre du centre du pays), m'a raconté : "J'avais un petit stand près de la Place de Mai, je vendais des jus de fruit et des choses pour les touristes ; toutes les semaines, la police m'exigeait vingt pesos, et ensuite est arrivé l'ordre de nous radier ; je suis allé protester à la "Legislatura". Ils nous ont matraqués, emmenés à la commisariat et de là à la prison. Ma femme a du retourner à Santiago avec mes deux enfants, à vivre chez sa mère. Je suis prisonnier depuis juillet, pire qu'un un chien d'égout et depuis neuf mois je n'ai pas vu ni mes enfants ni ma femme." Vie en commun. Il dément avoir lancé des pierres. Ou brisé une porte. Ce furent les policiers en civil qui ont tout provoqué. Parmi eux se trouvait Laneri, qui avait aussi joué le provocateur à la fabrique Brukman.
Les témoins de l'accusation sont tous des policiers. La plainte a été initiée par le président du Parlement de Buenos Aires, Santiago de Estrada, qui comme antécédent démocratique a d'avoir été ambassadeur de la dictature de Videla au Vatican. Engendrements argentins. Mais cela oui, les vendeurs ambulants il faut leur mettre 14 ans dans la prison de l'ignominie. La grande rencontre policière contre la pauvreté de Buenos Aires a terminé avec la pauvreté pour toujours. Il n'ya pas plus de pauvres dans nos rues. Grâce au sous-inspecteur Ariel Alberto Romano de la comissariat 49, qui a dirigé les opérations, maintenant s'est terminée la lèpre dans la ville. Ce sont les méthodes. Un des prisonniers m'a dit avec tristesse : "Je voudrait demander l'asile politique dans un autre pays pour survivre à la violence, aux cafards, aux rats et aux ordures ici dans la prison de Devoto."
Les détenu(e)s, pour lesquel(le)s on n'a pas tenu compte du fait qu'ils (elles) étaient descendu(e)s dans la rue ce jour-là pour défendre désespéremment leur "source de travail" dans une société égoïste et perfide, m'ont fait comprendre, avec leurs récits directs et désespérés, que si nous avons toujours quelque chose des principes chrétiens enseignés par Jésus et un reste d'éthique (vise la droite ultra catholique), Tous les organismes de défense des Droits Humains doivent les assister. Ne pas les abandonner. Faire la contre-enquête. Les politiques responsables ne peuvent pas nous répondre "c'est aux mains de la justice". Quelle justice, celle qui laisse libres tous les grands tortionnaires et profiteurs et met en prison les plus modestes, ceux qui n'ont pas de travail ? (...)

Mais si je pouvais, j'irais aussi rendre visite aux prisonniers de Caleta Olivia. Prisonnier(e)s politiques. Ils les ont arrêtés parce qu'ils demandaient du travail. Ils sont prisonniers depuis le 3 septembre dernier, c'est à dire rein de moins que sept mois. Une ignominie. Une honte argentine. Ils sont six hommes et trois femmes. Sont parents de 23 enfants. Ils sont en prison pour avoir réclamer des postes de travail aux entreprises pétrolières qui opèrent à Santa Cruz (province du sud). Nous le répétons : à Santa Cruz (Kirchner était le gouverneur de cette province avant d'être élu président). Par hasard monsieur le juge, il y a une autre accusation contre eux ? Non. C'est l'unique, ornée bien sûr avec d'autres mots. Ils ont été les porte-paroles des travailleurs qui ont campé face à la mairie et ensuite occupé les installations pétrolières de Termap. Le pouvoir a reconnu la raison ouvrière et ainsi ils ont obtenu 400 postes de travail et l'acte-accord a été signé par les entrepreneurs, le maire de Caleta Olivia et quatre des six ouvriers qui sont prisonniers. Une fois terminé le conflit, les entreprises se sont vengées. Elles les ont fait mettre en prison avec les mots de toujours : "privation illégitime de liberté, usurpation, dégâts, ralentissement de l'activité économique, empêchement de fonctions publiques", pour lesquels sont prévus 16 ans de prison. Je lui demanderais, à monsieur le juge et à monsieur le gouverneur, si ils ne savent pas que le mouvement ouvrier argentin, au début du siècle dernier, a réussi à conquérir les sacrées huit heures de travail en sortant dans la rue et en luttant à visage découvert. Les ouvriers de Caleta Olivia ont aussi lutté pour quelque chose de sacré : pouvoir travailler.
Un des prisonnier s'appelle Mauricio Perancho. Il a 32 ans et sept enfants. Il parle peu mais quand il le fait, il dit ceci "Ici commandent les entreprises pétrolières. La faute est du gouvernement parce que nous avons signé un accord où eux s'engageaient à nous donner des postes de travail et ils ne l'ont pas respecté". L'Eglise lui a demandé si ses enfants avaient besoin de quelque chose et lui a répondu : "La seule chose dont ils ont besoin est de leur père en liberté".
Une phrase pour ceux qui gouvernent. Il faut une loi d'amnistie pour les prisonniers politiques. Tout recommencer à zéro. Un véritable code de vie en commun. Et non ce qui vient de se passer à Salta (province du nord) où le gouverneur Romero a attaqué avec matraques et balles de gomme rien de moins que les professeurs qui réclament leurs droits. Ils gagnent un salaire de misère. L'injustice couvre le sol argentin. On persécute à coup de bâtons les professeurs comme s' ils n'étaient pas ceux qui ouvrent le futur de nos enfants. Nous nions le futur argentin. J'espère que les intellectuels péronistes réprouvent avec toute leur énergie ces procédés du péroniste Romero.
J'ai vu les larmes désespérées des professeurs de Salta.
Dans l'Agenda Argentin de l'Ethique sont comme rendez-vous indiscutable la libération des prisonnier(e)s politiques et le respect que méritent nos enseignants.


Osvaldo Bayer, Pagina12, 9 avril 2005
Traduit par Fab (santelmo@no-log.org)