Flagey sortons en !

Habitués dans une époque où la confusion profite souvent aux projets à court terme (les prosternations ridicules devant le miracle économique du nouvel Ikea…), il est actuellement une nouvelles donne dans le panorama culturel qui pourrait être considérée a posteriori comme une très mauvaise première : les subsides publics dans Flagey, une entreprise culturelle qui ose le concept de « l’actionnaire mécène » redoublée d’un des actionnaire comme administrateur délégué de son ASBL culturelle. L’ancien dirigeant de la Fédération des Entreprises flamandes cumule pour « L’usine à sons et à images » la présidence de la société des actionnaires avec celle de l’ASBL Flagey.

Nous n’avons pas ici vocation de commenter la politique du ministre Anciaux. Le lieu déjà emblématique par la présence de Tv Brussel, Brussel Deze Week, Fm Brussel, regroupés à Flagey, encouragé par la Communauté flamande, et maintenant rejoint par l’orchestre de la Vrt grâce au 500.00 euros « supplémentaires » du Ministre Anciaux, sera bien comme annoncé par celui-ci « un temple flamand » comptant la présence des francophones. Nous espérions très fort pouvoir convaincre la Communauté Française de se retirer, tant qu’il en était encore temps. Et ce, même si le million d’euros confirmé pour 2005 - 1 million et demi pour 2006 - la semaine précédente par le ministre Anciaux n’avait pas débouché sur un conseil d’administration au deux tiers néerlandophone. Notre argument aurait été simple, il s’agissait de ne pas prendre une décision aussi importante durant les « Etats généraux de la Culture ». Comment la prendre d’ailleurs sans courir le risque de discréditer dangereusement ceux-ci. Nous aurions donc demandé que, dans tous les cas, la décision soit reportée… C’est désormais trop tard, dommage il n’y a pas eu de concertation sur le sujet ! Nous aurions pu rappeler ce que la Communauté Française a déjà voulu prendre en charge. Le Marni, de l’autre coté de la place… Flagey. Le Palace. Ou encore le Variété en déshérence et que la Communauté n’a vraisemblablement pas les moyens de financer…. Nous aurions pu apporter des arguments pouvant faire réfléchir sur l’opportunité d’une aide de la Communauté Française, non pas à ce que Flagey a été hier et que nul ne conteste, mais à ce qu’il est aujourd’hui. Un projet qui s’éloigne fortement des objectifs de la démocratisation de la culture, comme de ceux de la démocratisation culturelle, les deux concepts théoriques sur lesquels reposent les politiques de la Communauté Française depuis les années 60.

Pour étayer, quelques petites observations sur la politique tarifaire du lieu : derrière le caractère démocratique mais hypocrite des places qui, visant une bourgeoisie moins conventionnelle, a, contrairement à l’opéra, supprimé les classes - mais à la Monnaie les cinquièmes classes voient leur spectacle moins cher et les articles 27 sont les bienvenus - les prix avoisinent 20 euros. Et ce quoique les ateliers et concerts gratuits, majoritairement pris en charge par la commune, aient été inclus dans notre moyenne ! Le cinéma quant à lui n’accepte pas non plus ce que la ministre Lanhaan avait dans sa toute première déclaration ministérielle défini comme une priorité de sa politique d’accès à la culture : les Articles 27 En revanche les articles 60 (des employés mis à disposition d’une association par le Cpas) Sont invités à venir y travailler . On peut ainsi mesurer qui évalue et dans quels types d’habitudes ces évaluations se prennent.

On peut aussi saluer la programmation de Flagey… Il est cependant évident que celle-ci pourrait enrichir des lieux déjà existants, et dont malgré des subsides important le contrat programme reste très mince. Il y a même fort à parier que le voisinage, c’est-à-dire les salles et les services loués au plus offrant, à des prix qui n’ont eux rien de culturel (donc plus accessibles à Microsoft ou à des groupes pharmaceutiques, qu’à des conférences sur les relations nord-sud) sont pour ceux et celles, qui ne conservent pas leur âme sensible uniquement pour l’intégrale Chopin, rédhibitoire !

En fait, la guerre des salles est pour ceux qui connaissent la vie à Flagey une bataille quotidienne. Car si l’Asbl conserve les Week-ends pour sa programmation, les semaines qui privilégient la location des salles se disputent aux besoins de celles-ci pour des répétitions évidemment fort utiles ! Aujourd’hui la nouvelle donne que constitue l’orchestre de la Vrt, risque de compliquer encore le ballet.

On pourrait ajouter au « ici on se bat pour des briques » , qu’ici on se bat pour une « Usine à sons et à images » qui s’est appropriée tout un symbole, un passé qui a véritablement rayonné, que ce Flagey là a complètement disparu, que son âme s’est envolée, les enjeux étant ailleurs. Que le politique, qui lui vient en aide pour des questions de prestige et de symboles, fait une politique de pur façadisme, car la rénovation pour remarquable qu’elle soit ne restitue pas un cœur qui comme tout le monde le sait quand il s’achète reste froid. « Je fais la promesse que bientôt nous aurons droit à leur solo de ‘on ne savait pas’ dupes du passé, dupes du présent, dupes de l’avenir, les Bruxellois ont-ils le genius loci qu’ils méritent… ? »

Marianne Van Leeuw Koplewicz- Editrice des éditions du Souffle
Gwenael Brees- Journaliste
David Vercauteren- Collectif sans Tickets
Bendu Glu -Peintre du chams à St Gilles
Chloé de Ligne- Géographe
Fabrizio Terranova- Programmateur culturel
Jamal Es Samri- Sociologue
Didier Debaise- Philosophe
David Jamar- Antropologue.
Dominique Nalpas- Plate-forme Flagey
Gilles Martin- Editeur des Editions Aden.
André Dartevelle- Réalisateur.
Mirko Popovitch- Directeur du centre culturel de la Vénerie.

arch/ive/ief (2000 - 2005)