arch/ive/ief (2000 - 2005)

Theodorakis retire sa signature de soutient au Traité constitutionnel européen
by Gyzi Monday, Mar. 28, 2005 at 8:23 PM

Avec une lettre envoyée à Jack Lang le compositeur grec Mikis Theodorakis, connu pour son engagement contre la dictature des colonels en Grèce, retire sa signature de l’appel que Lang a organisé en faveur du Traité constitutionnel. Ceci à cause d’un différent récent entre la Commission européenne et le gouvernement grec de droite sur une question concernant la réglementation des médias dans ce pays.

Actuellement en Grèce est au pouvoir un gouvernement de droite du parti de Nouvelle Démocratie, après des nombreuses années d’un gouvernement socialiste du Pasok, qui a perdu les dernières élections au printemps 2004. Les dernières années de pouvoir des socialistes ont été caractérisées par de la corruption généralisée, des nombreux scandales dans la justice, l’église et la bourse éclatent actuellement, mais également par l’émergence d’un enchevêtrement complexe entre pouvoir politique et pouvoir économique et financier. Les raisons qui ont créé et soutenu cet enchevêtrement sont d’une part la très longue période sans alternance de gouvernement, le Pasok a gouverné de 81 à 89 et de 93 à 2004, mais également, ces derniers années, l’afflux massif des fonds structurels européens et les travaux immenses concernant les infrastructures pour les jeux olympiques de 2004.

Cet afflux de fonds européens et des commandes de l’Etat ont constitué un « gâteau » financier que le gouvernement socialiste a distribué de façon opaque à des hommes d’affaires « amis » qui se sont notamment impliqués dans le secteur des travaux publics. L’un d’entre eux, Georges Bobolas, est également le propriétaire du groupe de presse Pegasos, qui comprend plusieurs journaux dont le quotidien de centre-gauche Ethnos et actionnaire de l’une de deux plus importantes chaînes de télévision privées grecques Mega Channel. Il y a également le cas de Socrates Kokkalis propriétaire d’Intracom, la plus importante société de télécommunications en Grèce qui a bénéficié des contrats très importants de la par de l’opérateur public, et qui dispose également des stations de radio et de télévision, ainsi que de l’équipe de football la plus populaire du pays, l’Olympiakos. L’opposition de droite de l’époque a souvent dénoncé cette situation en mettant l’accent sur la transaction qui consistait pour le gouvernement du Pasok d’attribuer à ces hommes d’affaires des contrats publics en échange du soutien politique de la part des médias dont ils sont propriétaires.

Après les élections de 2004 et l’arrivée au pouvoir de la Nouvelle Démocratie, ses membres se sont attelés dans la rédaction d’un projet de loi pour mettre fin cette situation, une première version peu contraignante ayant déjà été votée sous le gouvernement socialiste. L’idée s’est fondée sur le concept d’actionnaire principal (vasikos metohos). Ca consiste à interdire à un homme d’affaire d’être à la fois propriétaire d’un média audiovisuel et actionnaire principal d’une entreprise qui bénéficie des contrats publics. Pendant tout ce processus le gouvernement a été décrié comme voulant faire taire une partie critique des médias et de remplacer ces hommes d’affaires en question par d’autres mieux disposés envers lui. Il n’empêche la loi, qui a été finalement voté le 24 janvier 2005, oblige à une réorganisation du secteur des médias et met fin, du moins en principe, aux pratiques précédemment décrites.

Or, le gouvernement conservateur s’est retrouvé face à un autre problème celui de la législation européenne. En effet pour que la loi prend effet il faut qu’elle soit conforme au droit communautaire, et notamment au principe de la libre concurrence dans tous les secteurs, y compris les travaux publics et les médias. La Commission européenne a menacé le gouvernement de suspendre les fonds structurels européens et l’imbroglio juridico-politique s’est déplacé maintenant à un niveau européen. Les négociations sont en cours mais à priori la Commission veut porter plainte contre la Grèce à ce sujet auprès de la Cour européenne de justice.

Voilà en quelques mots la situation. Les questions que je me pose à propos de ce développement sont les suivants : Même s’il est sûr que les motivations de la mesure sont politiques, elle sera appliquée, si elle l’est, à de la même façon à tous. D’ailleurs les premiers effets se font sentir puisque G. Bobolas cherche actuellement un acquéreur pour son groupe de presse, en anticipant l’application de la loi. Par conséquent j’estime que la mesures peut avoir un impact positif en coupant le cordon ombilical qui a lié depuis longtemps le pouvoir politique au pouvoir économique et médiatique dans ce pays et qui a nuit de façon flagrante à la qualité de l’information et du débat public.

Quelle est la légitimité de la Commission européenne à interférer dans ce conflit, en mettant en avant la primauté du principe de la libre concurrence ? Quels seraient les effets d’une telle mesure dans un pays comme la France où les principaux détenteurs des médias (Dassault, Lagardère, Bouygues) sont en même temps quelques uns des principaux bénéficiaires des contrats publics dans les secteurs de la défense et des travaux publics ?


Est-ce qu’un Etat peut légiférer dans le secteur des médias, fondé sur des spécificités qui lui sont propres, outre passant le principe de la libre concurrence ? Est-ce qu’une législation nationale ayant des répercussions sur le secteur de la communication relève uniquement des compétences du commissaire au marché intérieur ? Enfin, que signifie « contrôler un média » ? A partir de quel moment nous pouvons considérer qu’un actionnaire exerce un contrôle financier sur une entreprise ? Comment une législation relative peut empêcher son contournement par des dispositifs financiers complexes dans un environnement économique mondialisé ?