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Affaire Adamu : pas de sanction disciplinaire
by werken Sunday, Dec. 12, 2004 at 7:48 PM
werken2004@yahoo.fr

Affaire Adamu : pas de sanction disciplinaire

Oui, effectivement!! Il n'y a pas de mots pour qualifier l'ensemble de cette affaire!

Déjà qu'il a fallu qu'une partie civile se constitue, sans cela les gendarmes n'auraient probablement pas du tout été inquiétés.

Le procès en lui-même a été mené de manière honteuse, choix de témoins de la défense et temps de parole laissé à par rapport à la partie civile dont les témoins ont été interrompus, non traduits etc...
tentative d'impliquer des acteurs extérieurs dans la responsabilité des agissements criminels des gendarmes
légèreté des peines ...
non implication du pouvoir politique

Bref, en Belgique un gendarme / policier reste très bien protégé (contrairement au citoyen!), quoi qu'il fasse - souvenez-vous des hordes de policiers des syndicats venus remplir la salle d'audience et passant par les portes arrières pour empêcher le public d'assister aux audiences et prêts à jeter au sol ceux qui tentaient de s'y rendre également .. le tout sans un mot du président

Chaque fois que je repense à la mort de cette jeune femme chantante je suis offusquée, je tremble de dégoût, j'enrage, je pleure...
Pour que la banalisation ne s'installe pas : continuons le combat!
Gene

Affaire Adamu : pas de sanction disciplinaire


L'affaire Semira Adamu semble définitivement close. Il y a un an, le
tribunal correctionnel de Bruxelles condamnait quatre gendarmes à des peines
de prison avec sursis, pour coups et blessures volontaires ayant entraîné la
mort sans intention de la donner.


Semira Adamu, la jeune Nigériane, déboutée du droit d'asile, était morte en
septembre 98 des suites du traitement infligé par les gendarmes lors de son
embarquement. Après les sanctions pénales, les sanctions disciplinaires
devaient encore tomber. Or il n'en sera rien.

Comme tout fonctionnaire qui encourt une condamnation pénale, les gendarmes
devaient subir une sanction disciplinaire de leur employeur. Un employeur
qui attendait la fin du parcours judiciaire de l'affaire pour prendre
position.

Cela afin d'éviter de prendre une sanction irréversible. Une attente qui a
profité à deux des quatre gendarmes. Ils auraient dû recevoir un blâme,
selon le Directeur général, mais il y a prescription. La prescription
intervient après cinq ans en matière disciplinaire. Donc, les faits étaient
prescrits avant le jugement.

De toute manière, le blâme se trouve très bas sur l'échelle des sanctions.
Après l'avertissement, c'est la sanction la plus légère. Pour l'avocat de
l'un de ces deux ex gendarmes, la règle de la prescription doit aussi être
appliquée à leurs deux collègues impliqués dans cette affaire. Dont
l'officier responsable. En tout cas, l'affaire est déjà classée pour deux
d'entre eux sauf si le ministre de l'Intérieur, Patrick Dewael, devait en
décider autrement.
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http://www.rtbf.be
2004/12/08

Les onze dernières minutes de Semira Adamu
mercredi 6 février 2002.

La mort en direct
Semira Adamu résiste - mais pas plus que toute personne que l’on maintiendrait courbée de trop longues minutes durant.
Semira résiste de plus en plus faiblement. Tandis que ses gendarmes, Danny Cornelis et Johnny Pipeleers, font les potaches. "Toi aussi tu es filmé." Ils plaisantent grassement : "Faudrait pas non plus que sa culotte glisse à terre." Par six fois - entre 33 minutes 49 secondes et 39 minutes 16 secondes - des collègues leur disent de ne pas exagérer. Bon, ce n’est pas la première fois qu’elle utilise les vieux trucs - jusqu’à se souiller - pour retarder son rapatriement. Mais Semira ne hurle pas, ne se débat pas, ne crache pas, ne frappe pas : elle chante.

Les gendarmes la sentent faiblir : ils le disent. Pas un pour imaginer qu’elle suffoque. Etouffe. D’autres assistent à la scène : pas un pour redresser la jeune fille -20 ans - pour s’assurer que la position de femme cassée qui l’immobilise bouche et nez collés sur les coussins, que cette position n’est pas en train de la tuer.

Pas un n’a conscience de tuer. La preuve ? On filme pour bien prouver qu’on ne fait qu’appliquer la circulaire Tobback.

L’un des premiers à l’avoir visionnée, Benoît Dejemeppe, procureur du Roi à Bruxelles, s’était dit profondément horrifié par cette vidéo filmant la mort en direct. Cet enregistrement, une inspectrice en a rédigé un procès-verbal dans lequel elle raconte exactement et objectivement ce qui se voit, ce qui se dit. C’est ce P.-V. - Numéro 19924 - que nous publions (après traduction néerlandais/français).

Le juge Guido Bellemans a décidé que la vidéo serait visionnée intégralement le 18 mars prochain ! Indispensable, à ses yeux, pour décider ensuite seulement de qui sera - ou non - jugé.

Gilbert Dupont

Dans l’Airbus, la jeune femme sera bientôt morte

BRUXELLES-NATIONAL- Six fois. En quatre minutes, on a clairement demandé six fois aux deux gendarmes - ceux qui étaient assis juste à la gauche et à la droite de Semira Adamu - de bien faire attention, de ne pas exagérer, de lui permettre de respirer. Voici la preuve.

22 septembre 1998. Dans l’Airbus qui doit ramener Semira au Togo, tout est filmé. Après le drame, la vidéo a été saisie. C’est la transcription - sur P.-V - des onze dernières minutes de vie de la jeune Nigériane que nous reproduisons ici. La vidéo permet un minutage précis.

Il est 29.26 - 29 minutes et 26 secondes - quand Semira, poussée dans l’appareil, est assise de force entre les gendarmes Johnny Pipeleers et Danny Cornelis. "Serre bien fort, hein", recommande quelqu’un.
Sur la vidéo, à 29.37, le gendarme Pipeleers a déjà prévu deux coussins sur les genoux. A 29.50, son collègue Cornelis est en possession du sien.

A 30.29, la vidéo montre Semira ; elle chante. A 31.17, on s’encourage : « Allez, ça va marcher, cette fois ». Pliée, la tête ramenée sur les genoux, Semira est menottée dans le dos. Et Pipeleers et Cornelis posent de tout leur poids.

32.02
- Semira chante toujours. Semira dont on croit comprendre, au dialogue qui suit, qu’elle a dû s’oublier. Des fragments de conversation sont, hélas !, parfois incompréhensibles.

32.02.
"Elle commence à puer."

"... ?... parce que je ne sens rien..."
Même position. Semira pliée sur son fauteuil, poignets dans le dos.

"Comme ça toi aussi Johnny tu es filmé... "
Pipeleers : "Oui, hein !"

"... et tu peux tout renifler."

33.39.
Cornelis : "Comme ça c’est déjà moins." (Veut-il dire : maintenue de cette façon, Semira se débat déjà beaucoup moins ?)

"Eh, laisse-la respirer. Tu sais ça quand même hein ?"

(33.49)
Cornelis : "C’est vrai qu’on voit la différence. Elle s’est déjà bien fatiguée. Toi aussi sûrement..."

"Là au-dessus il y a un pantalon et une blouse." (De rechange ?)
Pipeleers : "Oui."

"... ne l’étouffe pas !"

"Laisse-la respirer, Johnny. Johnny, non Danny, tu la laisses bien respirer ?"

(34.38 )
- "Oui, oui. Ne la laisse pas trop (comme ça) sinon elle va s’évanouir."

"Non, non ! Elle doit respirer. N’oublie pas !"

"Dis, il ne faut pas non plus qu’on nous remarque trop."

"Wat ? Quoi ?"

"Faut pas que (les autres passagers) nous voient trop."

35.27
- "Eh, elle glisse !"
Pipeleers - "Oui, elle glisse. Faut pas que sa culotte glisse surtout..."
Musique d’ambiance dans l’Airbus.

35.49
Danny Cornelis : "Elle respire très profond."

"Eddy, tu filmes tout sans arrêt, hein ?"

"Oui, oui, je filme le plus possible. Je vais bientôt devoir changer de cassette. Il me reste 9 minutes..."

"Allez, encore six heures un quart et c’est fini, on y est !"

"Oui, oui. Eh, elle faiblit." (Résiste moins.)

37.35
- "Hé, tu la laisses bien respirer encore une fois."

"Oui, laisse-la respirer."
Cornelis : "Elle respire bien."

(37.40)
- "Bon ! O.K. !"

"Elle respire très profond. Très profond. Même trop profond, selon moi."

"Alors on essaie encore une fois tout à l’heure..."

"C’est bon ! On n’attire pas trop l’attention des passagers. Quelques-uns voient mais pas la plupart parce qu’on (fait écran)..."
Johnny Pipeleers et Danny Cornelis continuent de peser sur le dos de Semira. Cette prise porte un nom. C’est le bec de canard.
Douce musique d’ambiance. Réacteurs.

39.16.
Pipeleers s’adresse à Cornelis - incompréhensible. Ce dernier approuve.

"Règle ça, hein !"

"Ce sera amusant."

"ça - le fait pour Semira d’avoir déféqué ? - fait partie du boulot. On a déjà eu le cas. Ce sera bientôt fini."
Pipeleers : "J’espère bien...."
Danny Cornelis : (incompréhensible)

"Eh, Paul, tu veux te retirer. On est en train de filmer."

(40.45)
On s’aperçoit alors que Semira a cessé de respirer. De vivre.

Gilbert Dupont

La Dernière Heure - 6 février 2002