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La révolution vivante et silencieuse
by Soken Monday, Nov. 29, 2004 at 12:43 PM
baguardo-im@yahoo.com

Entre deux actualités, un peu de recul avec quelques mots du maitre zen français Kosen sur la révolution et la liberté... " [Pour faire aboutir une révolution,] il faut travailler sans trêve sur soi-même. Sur soi-même, mais pas seulement pour soi-même." "Il n'y a pas de liberté, cela n'existe pas. Il y a une interdépendance, un respect, un échange harmonieux ou pas, c'est tout ! La liberté, c'est vraiment un cachet d'aspirine pour les esclaves."

La révolution qui fera de notre monde un monde plus évolué ne peut consister dans l'affrontement des Noirs contre les Blancs, des bons contre les méchants, des pauvres contre les riches, des persécutés contre les persécuteurs! Elle ne peut pas être que cela, même si ce sont les premiers symptômes.

La perception révolutionnaire d'un moine zen est beaucoup plus profonde. Par exemple, au sujet de la révolution zapatiste de Marcos, le résultat est évident. Comment se réjouir d'un tel phénomène? Il est facile pour un intellectuel derrière son journal, de prendre parti et d'utiliser pour son propre corps l'énergie révolutionnaire de ces pauvres gens qui risquent leur vie en combattant. Et dans ce phénomène, la jeunesse, ce qui est vivant et spontané, risque d'être écrasé et complètement annihilé. (...) Le pire, c'est que, même quand la révolution est victorieuse, très vite elle devient rigide comme de la glace. Les Cubains s'échappent en nageant vers les États-Unis. Il y a trente ans, Mao Tsê-tung proclamait avoir gagné la révolution, et aujourd'hui, le monde entier attend la révolution de la révolution. Si la révolution de la révolution arrive en Chine, les Chinois pourront boire du Coca et avoir des cartes de crédit.
Alors, quelle est l'attitude à prendre ?
Ne pouvons-nous pas croire en un monde honnête et libre où chacun se sente responsable ?

Pour faire aboutir une révolution, nous devons employer l'arme magique que personne ne peut attraper ni arrêter. Pour obtenir cette arme, il faut travailler sans trêve sur soi-même. Sur soi-même, mais pas seulement pour soi-même. Les problèmes que nous nous posons sur le monde ne doivent pas être abordés avec un état d'esprit ordinaire mais avec le corps tout entier, avec notre pratique de zazen. Le pouvoir de zazen est au-delà de ce que l'on peut contrôler.

Questionner nos propres conceptions révolutionnaires est beaucoup plus difficile que de nous attacher à elles. Cela nous conduit au silence car il est impossible d'en dire quelque chose. Quand on se pose sincèrement des questions sur ses propres conceptions on n'est plus seulement révolutionnaire, on devient la révolution, la révolution vivante et silencieuse. La vraie évolution, c'est l'ouverture de la conscience et la responsabilisation. Simplement en silence, cette évolution amènera le monde entier dans le tourbillon, le tourbillon des choses à leur place parce que la nature fondamentale de toute chose est révolutionnaire.

"Qu'est-ce que la liberté?"
La liberté, on ne peut pas savoir ce que c'est, ce n'est pas du domaine humain. Si je vous dis ce qu'est la liberté, ça ne sera plus la liberté. On ne peut pas dire : '' Das ist liberté !'', vous allez vous enchaîner à une définition de la liberté. Je pense que les Indiens d'Amérique ne voyaient pas le monde en terme de liberté, jamais un Indien n'a parlé de liberté, (...) n'a eu une idée de la liberté. Ils pensent à l'interdépendance, à vivre en harmonie avec les choses qui existent. C'est évident, ce n'est même pas la peine de l'expliquer. En interdépendance avec les réalités: pas seulement avec des arbres, des montagnes, etc., mais aussi avec d'autres hommes. Il n'y a pas de liberté, cela n'existe pas. Il y a une interdépendance, un respect, un échange harmonieux ou pas, c'est tout ! La liberté, c'est vraiment un cachet d'aspirine pour les esclaves.

"Qu'est-ce que le Zen?"
L'apprentissage zen ressemble à la guerilla : une petite partie en nous prend le maquis pour lutter contre le pouvoir corrompu, avide et menteur qui dirige notre vie intérieure. Cette lutte paraît sans espoir mais on l'entreprend tout de même et, avec du savoir faire, beaucoup de persévérance, on a vu certains triompher et parvenir à se libérer d'eux-mêmes.
Le Zen dont je parle n'est pas l'apprentissage d'une méditation, il est un refuge que l'homme possède depuis toujours, un refuge de paix et de bonheur qui apparaît instantanément dès qu'on le met en pratique. Tous les êtres humains quels qu'ils soient sont susceptibles d'obtenir ce trésor, et même s'ils pratiquent une seule journée, même s'ils ne prennent la posture qu'un court instant, cela aura une incidence et transformera leur existence irrémédiablement.
On y découvre des choses toutes simples mais extraordinaires, comme par exemple le sentiment d'exister. Il est arrivé à tout le monde d'avoir ce sentiment, tellement intime qu'il nous semble éternel, immortel. On n'a pas l'impression que cette force de vivre puisse disparaître, même avec la mort. Ne serait-ce pas cela, la nature de bouddha? La découvrir n'est pas plus compliqué que cela. On croit souvent que les choses extraordinaires sont inaccessibles. (...) Même l'extraordinaire fonctionne d'une manière tout à fait simple.
Enlever les complications, les parasites, les pollutions, cela suffit pour que l'évidence apparaisse. L'évidence n'a été inventée par personne. Ce n'est pas le Bouddha qui a inventé l'évidence, ni aucun prophète, ni aucun savant, ni aucun révolutionnaire. Ils ont seulement su, parfois, la percevoir.

Sources:
- Extrait de la présentation du livre "Zen, la révolution intérieure" de 1997, du maitre zen Kosen, http://www.zen-deshimaru.com/FR/teaching/revolution/livre.html#illustrated
- Réponse du moine Kosen à la question " Qu'est-ce que le Zen ?" posée lors d'une interview à la radio nationale espagnole en juin 1997

En savoir plus:
- Le site du maitre Kosen: http://www.zen-deshimaru.com/
- Association Zen de Belgique: http://www.zazen.be/
- Association Zen Internationale: http://www.zen-azi.org/