Action antipublicitaire au grand jour - 20 novembre 2004,
à la place St Josse
Ce samedi 20 novembre, comme prévu, les membres du collectif R.A.P. ont mené une action au grand jour Place Saint-Josse à 14 heures. Le panneau déroulant de 8m² qui y trône a été recouvert d’une affiche, préalablement réalisée en atelier (fabriquée entièrement avec des matériaux de récupération, de la colle et de la peinture latex). Le message, « Résistons à l’agression publicitaire », était écrit en grands caractères rouges sur fond noir. En dessous, sur une pancarte, l’adresse Internet, antipub.be, se détachait du poteau. A côté, deux membres tenaient un calicot stipulant : « La (sur)consommation dévaste le monde ».
L’événement de ce jour a été couvert par certains média qui ont répondu à l’appel que le collectif leur avait lancé quelques jours plus tôt. Deux agents de chez ClearChannel étaient présents quasiment dès le début de l’action. Ils se sont montrés imprécis sur la façon dont ils avaient eu connaissance du lieu et de l’heure. Ils ont très vite téléphoné à la police, dont deux représentants sont arrivés un quart d’heure plus tard.
Déroulement de l’action:
- 13h55 : quatorze membres du collectif, accompagnés de quelques ami/e/s venu/e/s prêter main forte, prennent position à la place St Josse autour du panneau appartenant à l’afficheur ClearChannel. Deux grandes échelles de 5 mètres, fabriquées par l’équipe spécialement pour l’action sont immédiatement placées au dos du panneau. Certains membres répondent déjà aux questions posées par les journalistes venus assister à l’action.
- 14h00 : deux grimpeurs de l’équipe montent au sommet du panneau, armés de toile adhésive et de notre affiche. D’abord bien fixée au dessus, l’affiche est ensuite déroulée sur la face publicitaire du panneau.
Pendant que quatre membres (deux sur les échelles, deux pour les soutenir) plaçaient l’affiche sur l’écran publicitaire, les autres (une dizaine) portaient le calicot, s’entretenaient avec les journalistes, distribuaient des tracts aux passants ou photographiaient et filmaient.
Le temps de démonter les échelles en deux parties pour finir le travail de fixation par le bas, la voiture de la société ClearChannel arrivait déjà sur les lieux. Un employé de la multinationale, habillé d’un training d’une grande marque, comme il se doit, accourt vers nous et nous somme d’enlever immédiatement notre affiche et s’adresse à nous agressivement. Il n’en est bien entendu pas question et nous l’invitons à mettre en pratique ses menaces d’appeler la police, qu’il n’arrête pas de proférer.
Notons qu’un employé de JC Decaux (dont les panneaux ne sont pourtant pas visés cette fois-ci) est aussi présent. Nous comprendrons vite que les deux sociétés rivales travaillent main dans la main face au mouvement antipublicitaire. Nous apprendrons également que les afficheurs consultent notre site tous les jours et constituent un dossier (« déjà épais comme ça », nous disent-ils) dans le but de nous couler. Rappelons aussi que les afficheurs savaient très bien que nous allions passer à l’action à St-Josse, qu’ils avaient prévenu les autorités et enfin qu’ils se sont inscrits avec des adresses « anonymes » (probablement chez Hotmail) comme sympathisants sur notre liste de diffusion.
-
14h15 : La police arrive sur les lieux.
L’employé CC leur demande de nous arrêter sur le champ, se plaint de « dégradations », leur affirme qu’il va porter plainte, et exige qu’on enlève notre affiche. La police est assez dubitative, rétorque à l’employé zélé qu’il ne s’agit pas ici de dégradation au sens propre du terme.
Après la première altercation entre l’employé de CC et certains membres, le dialogue s’est pourtant amorcé. Quelques membres ont discuté très calmement avec les employés CearChannel et avec la police. Résultat : les agents de ClearChannel qui maintenaient qu’il y avait dégradation du matériel en sont venus à dire qu’il s’agissait plutôt d’une violation de propriété privée et qu’ils étaient obligés de porter plainte pour les préjudices que R.A.P. portait à leurs clients.
Quant aux policiers, sans accréditer l’événement, ils appréciaient la non-violence de la démarche et n’estimaient pas nécessaire de nous embarquer au poste. L’un des deux vient néanmoins demander qui est responsable. Nous le sommes tous. Il nous somme d’enlever l’affiche. Nous refusons. Il nous demande si on veut se faire arrêter. Nous acceptons. Ne sachant que faire, ils opèrent un repli stratégique et téléphonent au bourgmestre.
-
Il apparaît que le bourgmestre socialiste de St Josse tolère la manifestation jusqu’à 15h00.
Un autre véhicule de ClearChannel arrive sur les lieux. Un employé en tenue de travail et équipé d’une échelle est à son bord. Celui-ci attendra patiemment qu’il soit 15h00 pour passer à l’action.
-
15h01 : l’employé CC grimpe sur son échelle et commence à arracher notre affiche. Nous entonnons en chœur « Ce n’est qu’un aurevoir…, Oui nous nous reverrons… ».
-
15h05 : l’ordre publicitaire est enfin rétabli, notre affiche est en lambeaux, nous devons nous disperser.
La société ClearChannel a subi un important préjudice : pendant une heure entière chrono, un de leur millier de panneaux a été scandaleusement mis hors d’état de délivrer son message réconfortant à la population de St Josse.
Une lourde pièce que nos deux afficheurs nationaux ne manqueront pas d’ajouter à l’épais dossier constitué contre R.A.P..
Un grand merci à ceux et celles qui sont venus soutenir les terroristes antipub (certains sont même venus en train) et aux nombreux passants qui nous ont assuré de leur sympathie.
Des photos de l’action sont disponibles sur
http://www.antipub.be/photos/20-novembre-2004/
COMMUNIQUE:
Les membres du collectif R.A.P. (Résistance à l’agression publicitaire) dénoncent et condamnent le manque d'espace prévu pour répondre à la publicité qui nous est massivement imposée. La difficulté de coller des affiches légalement dans l’espace public, pour communiquer un message en réaction aux dogmes néo-libéraux, entrave et bafoue la liberté d’expression de chacun. Il semble que l’on se re-trouve donc dans un système où cette liberté n’appartient qu’à certaines puissances. Seraient-ce les mêmes qui font l’apologie de la démocratie ?
Les membres du collectif dénoncent et condamnent le conditionnement opéré sur les esprits par un affichage omniprésent. Utilisant les moyens de la propagande, quelques puissantes transnationales entendent asseoir leur empire idéologique - la consommation toute-puissante - en anesthésiant le sens critique de leurs cibles. La publicité, organe principal de cette propagande, assène en quantité incalculable le même message: la nécessité impérieuse d’ « avoir »… toujours plus, toujours mieux, toujours autre. Par là, elle génère une frustration perpétuelle, mais très efficace, renversant les envies en besoins, envies qu’elle-même avait peu de temps auparavant initiées. Sous le joug d’un agresseur déguisé en sauveur (puisque la publicité prétend vendre du bonheur), tout citoyen, réduit à un simple consommateur, étouffe, oublie ce qu’il est, ce qu’il veut, mais sait ce qu’il n’a pas. Tout atomisés que nous le sommes aujourd’hui, ce qu’a l’autre est ce que je n’ai pas, ce que possède Untel est ce que je devrais posséder. Ce système de pensée ne peut que conduire rapidement à l’exclusion et à la violence.
Les membres du collectif dénoncent et condamnent le contenu avilissant et/ou abrutissant de la publicité ainsi que les diverses formes qu’elle utilise pour parvenir à ses fins. S’habiller de créations artistiques ou humoristiques l’accrédite aux yeux de certains, mais, en fait, la rend d’autant plus manipulatrice et vicieuse qu’elle s’attribue une légitimité culturelle à des fins commerciales. Un large public en vient à oublier sa fonction première : faire tourner la machine capitaliste. A ce titre, les membres de ce collectif dénoncent et condamnent l’exposition qui se tiendra aux palais des Beaux-Arts du 20 au 26 novembre 2004 : « Le meilleur de la publicité belge et internationale ». Nous ne pouvons voir dans ce coup de force qu'une manipulation supplémentaire de l'opinion publique en faveur de l'idéologie dominante. Est-ce le rôle de cette institution que d’« anoblir » une pratique manipulatrice et agressive ? Les institutions culturelles ne devraient pas servir, voire soutenir le culte de la consommation.
Si la profusion, le luxe et le culte de l’argent sont aujourd’hui les valeurs auxquelles il convient d’adhérer - ce que l’affichage publicitaire nous rappelle sans cesse - les membres du collectif R.A.P tiennent à souligner qu’une étude récente de l’Observatoire de la santé et du social a démontré que 25% des habitants de Bruxelles vivent dans un ménage sans revenu du travail, et qu’au moins 7% des habitants de St Josse (la commune la plus pauvre) vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Résistons à l’agression publicitaire !