ONG / Banyamulenge oeuvrent en Belgique pour réconciliation dans l’Est du Congo by raf Thursday, Nov. 18, 2004 at 10:55 AM |
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« Etes-vous un Tutsi d’origine congolaise ? Ou êtes-vous un Tutsi déplacé en provenance du Rwanda ? » Au cours d’une rencontre d’information avec des collaborateurs de 11.11.11, Benjamin Munanira a dû vaincre la méfiance de plusieurs de ses compatriotes. Cela n’arrive pas tous les jours non plus qu’un membre de la communauté banyamulenge du Congo lance un appel à la bonne entente.
Lors d’une rencontre agrémentée d’un
lunch, Munanira s’est entretenu avec nombre de collaborateurs de 11.11.11,
la coordination des organisations flamandes de développement. Il y
était invité par l’ONG Médecine pour le Tiers Monde
et 11.11.11.
Munanira était venu demander aux ONG flamandes de soutenir les efforts
en vue de restaurer la cohabitation pacifique des communautés de l’Est
du Congo. C’est de cette région, et plus particulièrement des
provinces du Nord et du Sud-Kivu, que se sont propagées les deux guerres
qui ont ravagé le Congo à partir de 1996. On estime que ces
guerres ont coûté la vie à 3,5 millions de personnes
et qu’elles ont obligé des dizaines de milliers d’autres personnes
à chercher refuge ailleurs.
Munanira lui-même a fait état de la mauvaise réputation
de sa communauté, les Banyamulenge, du fait qu’au cours des dix dernières
années, ceux-ci ont joué plus d’une fois un rôle central
dans les conflits. Volontairement ou pas, d’ailleurs, car, selon Munanira,
sa communauté a également été utilisée
comme « prétexte » par le Rwanda voisin pour envahir militairement
le Congo.
En 2002 encore, des militaires rwandais ont occupé neuf mois durant
la région de Minembwe, alors qu’il s’agit précisément
du territoire propre au Banyamulenge. Les troupes rwandaises et leurs complices
congolais du mouvement des rebelles du RCD (dirigé par un certain
nombre de Banyamulnge) y avaient été impliqués dans
des combats contre le mouvement de résistance du commandant Patrick
Masunzu, qui appartient à la même communauté mais avait
choisi le camp du gouvernement congolais.
L’entente
« Chaque fois que les Banyamulenge entament un processus pour venir
à bout de cette haine, le Rwanda fait tout pour raviver les contradictions
», a ajouté Benjamin Munanira. Au printemps dernier, selon lui,
cela s’est produit de nouveau quand les militaires banyamulenge Mutebutsi
et Nkunda, soutenus par les troupes rwandaises, se sont mutinés et
ont terrorisé durant quelque temps la ville de Bukavu. « Les
événements de mai-juin nous ont a nouveau ramenés en
arrière », a encore affirmé Munanira.
Car, fin 2003, un certain nombre de membres de la communauté ont organisé
diverses rencontres avec d’autres communautés congolaises du Kivu
: la première fois, du 12 ou 16 novembre et un nouvelle fois en décembre.
Là, une commission inter-communautaire de 9 membres a été
créée, dont Munanira est membre.
« Il s’agit d’une commission indépendante », a déclaré
Munanira, « qui ne dépend pas du gouvernement congolais ni de
la société civile, mais qui collabore toutefois avec eux. Nous
voulons être indépendants, précisément parce que
nous voulons travailler au sein des différentes communautés.
Ainsi, il m’est arrivé d’emmener le délégué des
Babembe dans ma région de Minembwe et, inversement, il est également
arrivé que j’accompagne un Babembe dans sa région, autour de
Baraka. » Le but de la commission est de chercher des manières
« de venir à bout de cette haine et de cohabiter pacifiquement
», a ajouté Munanira.
Le retour
Lui-même a été très actif au cours de ces derniers
mois, dans le sillage des événements de Gatumba. C’est là
que, les 13 et 14 août, des centaines de personnes ont été
massacrées. Gatumba est une petite localité du Burundi, à
quelques kilomètres de la frontière avec le Congo. Après
les lourds combats de début juin, bien des gens du Sud-Kivu s’y sont
réfugiés. Le massacre d’août a été revendiqué
par une organisation hutu radicale du Burundi, le FNL. Mais on accuse également
des Congolais extrémistes. Une enquête officielle des Nations
unies n’a pu établir qui étaient les auteurs de ce massacre.
« Je me suis rendu au Congo en août », affirme Munanira,
qui réside au Danemark, « mais j’y ai séjourné
98 jours. Pourquoi dis-je 98 jours ? Parce que ç’a été
particulièrement difficile et que j’ai compté les jours. »
Munanira a contribué à convaincre les réfugiés
de Gatumba et d’un autre camp au Rwanda qu’ils devaient rentrer chez eux.
Il insiste sur le fait qu’il ne s’agissait pas uniquement de réfugiés
banyamulenge.
Leur retour allait néanmoins susciter de nouvelles flambées
de haine dans la ville frontière congolaise d’Uvira. « Quand
le premier groupe de réfugiés est rentré, il a dû
attendre deux jours durant dans la zone tampon. Le second groupe a dû
y patienter six jours. » Mais, manifestement, le rapatriement a réussi
car, depuis octobre, il n’y a plus eu de tensions.
Commission d’enquête
Benjamin Munanira demande expressément que les organisations de développement
flamandes apportent leur aide au Sud-Kivu. Sa proposition la plus concrète
est que les ONG soutiennent une commission d’enquête sur place, afin
d’évaluer le nombre de réfugiés et de personnes déplacées
qui s’y trouvent encore. Il est fait mention de 150.000 réfugiés
congolais en Tanzanie et de 20.000 au Burundi, mais les chiffres réels
sont plus élevés, estime Munanira. Il se déclare également
en faveur d’une conférence en table ronde entre les groupes qui sont
actifs au Sud-Kivu.
Munanira est convaincu que les efforts de paix au Kivu auront des retombées
sur l’ensemble du Congo. « Chaque fois, la guerre est née au
Kivu. Si nous pouvions instaurer la paix au Kivu, cela déboucherait
bien vite sur la paix dans le reste du pays. »