arch/ive/ief (2000 - 2005)

Quelques caracteristiques de l'immigration maghrebine en Belgique
by Guy BILLEN Monday, Oct. 25, 2004 at 5:23 PM
guy.billen@skynet.be

La politique d’intégration des personnes d’origine étrangère est un échec. Cette étude traite quelques thèmes comme la crise d’identité, la crise des civilisations, le communautarisme, la ghettoïsation et la discrimination. Nous avons d’abord recherché la signification originelle (neutre) de ces mots pour les appliquer ainsi sur la présence des personnes d’origine étrangère en Belgique.

QUELQUES CARACTERISTIQUES DE L’IMMIGRATION MAGHREBINE EN BELGIQUE


INTRODUCTION


La politique d’intégration des personnes d’origine étrangère est un échec. De plus en plus de Belges critiquent principalement les communautés d’origine arabe, jusqu’à s’exprimer pour une politique d’extrême droite. Malgré les efforts d’insertion effectués par les personnes d’origine musulmane, elles se sentent écartées des opportunités à lesquelles elles pensent avoir droit.

Réaliser une étude objective n’est pas facile dans un environnement si sensible car la migration touche les fondements de l’existence même: le droit à être soi-même, le droit à sa culture et à sa religion, le droit à la différence, la liberté d’expression et en même temps savoir rencontrer l’autre, le différent.

Dans cet article, nous ne traitons pas des thèmes comme la criminalité et le terrorisme vu la technicité de ce débat, qui en plus ne caractérisent pas du tout la majorité des personnes d’origine étrangère. Sans doute, ces thèmes influencent les points de vue sur la migration. Une étude de ces éléments demanderait la distinction entre les différents facteurs qui les influencent ; ainsi la pauvreté, le chômage, la promiscuité pourraient se révéler comme plus importants que le component culturel. Faire ce tri demanderait une connaissance approfondie de la criminologie et une comparaison entre le comportement criminel des Belges et des personnes d’origine étrangère.

Nous avons écarté un autre problème dans cet étude : la relation entre l’Islam et la politique. La société occidentale se construit à partir des droits de l’individu et de la primauté de l’état de droit sur des idéologies. Ainsi, elle permet la bonne cohabitation entre le catholicisme et le laïcisme. Aucun de ces mouvements n’ont encore un pouvoir politique direct, mais les politiciens élus, ayant leur propre conviction, devraient décider dans l’intérêt de tous. L’Islam reconnaît moins les droits individuels mais plutôt les droits des frères dans la religion et il prône aussi que l’Etat doit s’organiser conformément au Coran en donnant ainsi à la religion un pouvoir politique. De plus, dans notre pays il y a quelques groupements musulmans qui sont nettement plus traditionalistes que la politique de leur pays d’origine. Il pose en effet la question fondamentale dans quel mesure l’Islam soit prêt à se conformer, et donc de changer, pour accepter une cohabitation avec d’autres religions et philosophies sans menacer les fondements de notre société. Il pose de plus la question aussi fondamentale si oui ou non il faut traiter les personnes d’origine arabe comme un groupe (avec des droits spécifiques et par exemple une discrimination positive au niveau travail) ou plutôt comme des individus sans distinction avec les autres Belges. Finalement, il n’est nullement claire qui devrait être l’interlocuteur au nom de l’Islam en Belgique avec lequel l’Etat pourrait négocier.

Nous traitons ici quelques thèmes comme la crise d’identité, la crise des civilisations, le communautarisme, la ghettoïsation et la discrimination sur base des textes de sociologues principalement de l’ULg, de l’UCL et de l’ULB. Nous avons d’abord recherché la signification originelle (neutre) de ces mots pour les appliquer ainsi sur la présence des personnes d’origine étrangère à notre pays.

Communautarisme

Il est naturel de nous identifier à une communauté qui nous construit et qui nous apprend d’être fier sur sa culture et ses habitudes. Notre culture nous distingue d’autres, mais la culture n’est qu’une toute fine couche. L’appartenance à une culture avec des valeurs et des normes basées sur la tradition est rassurante et condition pour pouvoir s’ouvrir à d’autres cultures.
Dans la différence, il y a des expériences et des objectives universels (et non absolus), valables pour tous. La négation de cet élément permet de penser qu’on n’a rien à voir avec les autres populations, qu’elles ne sont pas de même valeur et que leur exclusion soit acceptable.

Le communautarisme est une idéalisation de la communauté dont on appartient. C’est un cloisonnement des mémoires, un repli communautaire, une ignorance réciproque, un rejet sur l’autre de la responsabilité de ses malheurs et ses détresses ou de ceux subis par ses ancêtres. La relation entre l’individu et la communauté est ainsi fusionnelle, sans prendre la moindre distance de sa propre communauté. Il nie la structure complexe de la société car on n’appartient pas seulement à une seule communauté particulière mais aussi aux communautés formées par la famille, les amis, les collègues de travail, le quartier, etc.

Le communautarisme montre les caractéristiques suivantes dans les paroles et les gestes :
• le communautarisme se construit à partir d’une croyance et reste exclusivement dans cette croyance (p.ex. à des valeurs, à une nationalité, à une religion, à une secte, à l’homosexualité, à l’extrême-droite ou à l’extrême-gauche,…). Il part de l’idée correcte qu’il n’y a pas égalité totale de toutes les cultures, mais il considère fautivement que leur propre culture est quelque part supérieure et donc imposable à tout le monde.
• l’individu est dans une position subordonnée. La reconnaissance de l’identité collective prévaut sur les droits personnels.
• la communauté est dans un rôle de victime : économiquement défavorisé, atmosphère de soupçon et d’harcèlement. On se marginalise pour pouvoir reprocher que d’autres les excluent. Chaque fois qu’il y a un incident, il risque de se transformer en drame intercommunautaire.
• acceptant “ L'Apartheid ” (p.ex. la modernité face à l’archaïsme des immigrés ou l’inverse)
• la totalité et le détail sont soumis à une surveillance totale
• on cultive la peur de l’autre (à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté).
• vouloir une autre existence demande de rompre radicalement avec la communauté
• la relation sexuelle est réglementée (p.ex. avec qui on peut se marier)
• il y a des règles de pureté qui mène à la purification
• il y a des règles strictes sur la place et la responsabilité qu’on occupe dans la communauté
• l’importance de l’éducation et l’enseignement pour transmettre les valeurs, mais aussi pour contrôler les jeunes et leurs organisations
• une gestion du bonheur en indiquant ce qui est le vrai bonheur et le faux bonheur
• une volonté d’obtenir un pouvoir (absolu)
• un refus de dialoguer avec d’autres opinions en pensant que la position adverse suppose, comme sa condition de possibilité, sa propre position. On fait amalgame de tous les problèmes en refusant de regarder en face la réalité pour chercher les réelles causes et solutions.
• la création d’une ghettoïsation (physique ou d’information). L’isolement peut devenir une justification pour montrer de la haine vis-à-vis d’autres styles de vie qu’on n’a jamais réellement rencontré.
• dans certains groupes, l’acceptation de membres « non-conformes » pour les faire taire
• l'instrumentalisation des politiques (manipuler signes et symboles et la surmédiation)

L’Etat pourrait exiger l’assimilation des personnes d’origine étrangère. Cela veut dire que ces personnes doivent se conformer à la société qui les accueille d’une telle façon qu’elles doivent laisser tomber leur propre culture. Il est évident qu’une telle position radicale n’est nullement acceptable par la majorité des immigrés.

L'Etat pourrait soutenir une culture minimale commune permettant aux aspirations collectives divergentes de coexister à partir d'une même signification intersubjective. Ceci implique une société qui évolue par des crises de civilisation. Une telle approche ne stimule pas des contacts mutuels et favorise l’indifférence entre les différentes communautés. On vit comme de bons voisins qui se connaissent pas.

L’Etat pourrait donc mieux opter pour un dispositif institutionnel qui, au niveau politique, permettrait aux différentes formes de vie de se vivre comme positivement intéressées à leur insertion dans l'espace d'une société moderne donnée. Ceci implique que les divergences culturelles en question ne viennent pas remettre en question la stabilité de la société et qu’on accepte que l’Etat gère cette stabilité. Il permet une véritable conflictualité entre intérêts divergents pourvu que ces conflits se rencontrent autour d'une certaine normativité partagée et inquestionnable.

La société devrait créer un « nous », une force rassemblante avec des opportunités par lesquelles elle sait avancer. Cela implique de façon positive la co-existence et le respect de conceptions différentes de la vie bonne. Il ne sait fonctionner à condition que chaque communauté dispose des ressources pour faire l'épreuve de sa transformabilité, l'épreuve de sa rencontre créatrice et transformatrice avec cette nouvelle forme de vie qu'elle rencontre. La société peut déterminer « ce que je peux », mais c’est la communauté dont on appartient qui donne cohérence, forme la personnalité vers une plénitude de vie.

Ghettoïsation

Dans le langage courrant le mot ghetto désigne aussi toute une série d’autres phénomènes qui ne sont que des concentrations :

• un groupe homogène concentré dans un quartier (p.ex. quartier d’ouvriers)
• un quartier pauvre (p.ex. habitations sociales)
• un quartier ségrégé
• un groupe avec une structure organisée (p.ex. aide donné par un mosquée)
• une école-ghetto

Une concentration a clairement des avantages :

• on reçoit une certaine protection et bien-être (cocooning). On y cherche sécurité, prend distance utile, il y a une homogénéité sociale, des contacts, des services contre le chaos et le danger en ville, il y a une aide mutuelle.
• elle est positive pour autant qu’elle veut augmenter les chances de vie et protéger le style de vie, sans nécessairement vouloir scandaliser ou stigmatiser les autres. La communauté joue ainsi un rôle de « tremplin » vers une intégration dans la société (un ghetto est un « mur » qui renferme de la société). Une telle concentration, y compris des migrants, est parfois justement un anti-ghetto.
• une communauté évolue et de génération en génération sa situation s’améliore grâce à leur soutien mutuel.
• on y expérimente le succès des autres et qu’il n’y a pas d’exclusivité absolue.

Une concentration n’est pas du tout un ghetto au moment que :

• on garde une ouverture positive vers le restant de la ville (on ne se coupe pas du restant de la société). Sortir de sa situation précaire est aussi partiellement sortir de sa communauté vers les endroits qui donnent des opportunités.
• on ne ressent pas le besoin de s’organiser formellement avec des structures parallèles et orientées contre le restant de la société, bien qu’on souffre peut-être d’un manque de participation aux organisations existantes, plus particulièrement le marché du travail, les médias et les structures politiques
• il y a peut-être une stigmatisation partielle mais pas une marginalisation à tout niveau
• le quartier est ouvert à d’autres cultures
• le quartier s’organise dans un but de favoriser une assimilation via un processus culturel et social de mobilité (et qu’on rejette donc une dissimilation via une isolation matérielle et symbolique).

Nous pouvons définir un ghetto comme le moyen concret et matérialisé d’une domination ethnoraciale par une segmentation spatiale dans une ville et une machine puissante vers une identité collective selon des règles de droit propre à eux. Il renforce la distance socioculturelle de l’intérieur vis-à-vis l’extérieur en accentuant les différences entre les populations avoisinantes. Les autres le voient comme particulier, exotique ou même aberrant. Des préjudices règnent et la division est cultivée même si cela augmente la stigmatisation.

D’un coté le système permet de maîtriser le ghetto de l’extérieur par l’isolement et l’exclusion, d’autre coté il fournit à l’intérieur une intégration et une protection vis-à-vis le pourvoir de l’extérieur. D’un coté, on proteste contre la ghettoïsation, mais d’autre coté on y recherche une sécurité relative, un chez soi, un image propre à eux, une reconnaissance.

Caractéristiques d’un ghetto (il faut remplir les 4 conditions) :

• une limitation spatiale
- il y a une concentration et ségrégation résidentielle
- le ghetto cherche à maximaliser les profits matériels venant de l’extérieur et de minimaliser les contacts avec l’extérieur pour éviter la corrosion symbolique et la contamination.
• des habitations inadaptées
- une surpopulation, promiscuité, habitations délabrées
• une obligation d’y habiter
- le milieu d’un ghetto n’est pas choisi, il n’est donc pas un milieu naturel mais elle consiste à une forme de violence collective
- il a ses propres institutions, valeurs, pensées, mentalité et il met en place des instruments comme une aide mutuel, la charité, la solidarité, des associations commerciales, l’éducation religieuse et les écoles, jusqu’à une administration et une justice spécifiques (p.ex. il y a parfois un interdit de se marier avec quelqu’un de l’extérieur).
- maîtrisé par la réduction de l’espace et de la liberté de ses habitants
- les mentalités s’y reproduisent (p.ex. par transfert générationnel)
- refusé par la société, on pense de ne pas avoir d’autre option que de regarder à l’intérieur de sa communauté
• une stigmatisation
- on considère ses habitants parfois comme sales, génétiquement inférieures, frappé par la pauvreté, des ouvriers bon marchés
- la stigmatisation concerne aussi l’habitation, l’écolage et les aménagements publics.
- les protestations, la violence et le disant immoralité renforcent la stigmatisation

La lutte contre la ghettoïsation se fait donc par des éléments comme :
• un mélange ethnique
• donner une juste valeur et chance à chacun sur le marché du travail
• un réaménagement du territoire
• faire comprendre que l’éducation « à l’identique » (calquée sur le modèle vécu par les parents) est totalement périmée.

Crise d’identité

La crise d’identité est un problème de sentiment d’appartenance, une tension entre la culture d’origine et la culture du pays d’accueil. L’identité est influencée mais a peu à voir avec l’intégration économique, elle se situe au niveau des comportements, notamment aussi dans la vie privée. Une crise d’identité est normale si elle se limite à l’adolescence où naturellement on met en questions les valeurs de ses parents ; pour le migrant cette période peut se prolonger car le choix dans les deux cultures est parfois déchirant.

L’identité est l’être dans sa permanence et sa continuité par un processus de socialisation et de l’intégration psychique des injonctions sociales. Il s’agit d’idéaux et valeurs fonctionnelles. Cette unité et cohérence ne sont jamais données mais continuellement mises en question. Il y a une tension entre la conscience individuelle et la conscience sociale.

Le processus du miroir, de voir l’autre comme un pair ou comme un différent, peut donner occasion à une confusion d’identité. L’identité se construit par elle-même et par confrontation. L’étranger doit donc être à la fois soi-même et à la fois devenir le même citoyen que les autres. Il faut penser l’autre et soi-même. Il doit s’approprier les caractéristiques d’autrui sans perdre son identité. Ces identifications sont réelles ou imaginaires et se trouvent au niveau cognitif, affectif, individuel, collectif. Ils sont constructifs (actions positives), défensifs (éviter des angoisses ou des dévalorisations) et adaptifs (faire face aux pressions).

Ce processus de changement est en fait rechercher une cohérence entre des systèmes de valeurs et de croyances et les modalités concrètes de la vie. Il est compromis par des sentiments d’aliénation comme l’impuissance, l’insignifiance, l’incapacité de se différencier, ou un manque d’effort pour construire et hiérarchiser les valeurs d’origine et nouveaux. Ainsi, maintenir la cohérence initiale malgré le changement s’avère impossible. S’adapter est prendre position et intégrer les différences dans un système adapté où on reste soi-même.

L’identification se fait en phases :
• dépendance : l’autre donne sécurité et satisfait les besoins (y compris affectifs)
• refus de l’autre pour ne pas se perdre
• s’identifier avec quelqu’un qui a eu du succès
• miroir : s’identifier avec le semblable
• catégorie : reconnaître les ressemblances dans son groupe et les différences avec les autres
• projet : construire des programmes d’action

Ces phases d’intégration se présentent dans des actions bien différentes :
• la première identité et différentiation se trouvent au plus bas de l’échelle, inférieure aux autochtones et les migrants plus anciens
• la deuxième identité et différentiation se trouvent au niveau linguistique
- savoir nommer les objets mais aussi les autres groupes
- dans des familles avec analphabétisme, on oublie la langue d’origine
• l’Identité et la différentiation collectives (après 2-3 générations)
- couleur de la peau, religion, alimentation, habillement restent les seuls signes de la culture d’origine
- dans la deuxième génération, la pratique religieuse diminue de moitié à l’exception du respect du ramadan, pas d’alcool, pas de porc (dépend des liens forts ou moins forts avec la famille)
- diminution des mariages arrangés et une volonté d’avoir autant d’enfants que la moyenne du pays d’accueil (donc moins d’enfants)
- ne plus vouloir retourner au pays d’origine pour y habiter
- difficultés de promotion sociale (fils et filles d’ouvriers) ; passage normal des humanités même pour les formations à haut niveau ; chômage indépendant du niveau de formation
- huit sur dix croit à la discrimination pour expliquer leur situation (notamment au niveau travail, tandis en pratique la discrimination réelle au travail est d’environ 0.9%)
- les filles s’intègrent plus facilement avec des meilleurs résultats scolaires et sociaux. Les garçons se sentent plus « en guerre » ce qui donne un doute sur leur loyauté.

Choc des civilisations

Ce terme a été inventé en 1964 par Lewis, un notoire raciste, et a seulement été utilisé de façon généralisée après l’attaque du 11/09/2001. Le choc des civilisations consiste à une menace à la sécurité et à la stabilité provenant d’une autre culture (le fondamentalisme islamique combattant). Il se manifeste par des actes agressifs comme le terrorisme et une réaction en solidarité contre ce fléau. Il est caractérisé par le fait qu’on considère une autre civilisation comme ennemi (eux contre nous). Il ne s’agit pas d’une confrontation sur un acte précis et concret mais sur les valeurs.

La lutte justifiée contre Al-Qaïda ne justifie pas de jeter le discrédit et l’opprobre sur la religion (plus particulièrement l’Islam). Il est tout à fait exact que ces crimes sont associés à la religion, mais l’amalgame entre le terrorisme et la religion noircit injustement ceux qui sont honnêtes dans leur foi. On ne touche ainsi pas seulement des criminels, qui n’ont nullement un soutien de tous les musulmans, mais on vise toutes les personnes d’origine maghrébine.

Par les actes criminels de quelques-uns, notre civilisation n’a pas l’Islam dans le cœur. Il y a le risque important que le débat sur le terrorisme permet d'occulter les questions essentielles sur la situation sociale des immigrés d'origine musulmane.

Si, par sentiment de supériorité culturelle, ou comme réaction contre un tel sentiment, on utilise de la violence, alors le nom civilisation est utilisé de façon hypocrite. Ou, comme le Président Wilson l’a dit “Un peuple qui obéit à une loi, à l’élaboration de laquelle il n’a pas participé, est un peuple esclave”. Cette phrase s’applique à la fois au fondamentaliste islamique et à ceux qui font des lois contre l’Islam sans consulter la communauté concernée. Une civilisation n’est pas plus civilisatrice qu’une autre, ou plus humaine ou plus érudite qu’une autre.

Souvent on suppose que la lutte contre le fondamentalisme est une lutte inventée par les américains (après qu’ils ont financé ces groupes pour leur lutte contre le communisme), mais on oublie les grands efforts que certains pays, comme l’Algérie, ont déjà fait à ce niveau (avec un succès discutable).

Le Président Bouteflika l’exprime ainsi : « Comment les centaines de millions de musulmans qui, à travers le monde, vivent sereinement et pacifiquement leur foi ne se sentiraient-ils pas gravement offensés par certaines appréciations, qui en arrivent à contester l’Islam jusque dans ses valeurs essentielles et la civilisation qu’il a animée, dans ses gigantesques réalisations ? ». Il est bien de savoir que les vraies valeurs de l’Islam se trouvent justement dans une grande tolérance, dans une ouverture à l’autre et dans la paix. Néanmoins, où sont les instances musulmans qui de force et d’autorité s’oppose aux crimes injustement faites au nom de l’Islam ? Un grand problème pour notre société est le fait qu’une telle instance n’existe pas et qu’on entend donc du monde islamique des messages contradictoires, pour et contre, en se basant sur les mêmes textes sacrés. Que l’Islam permet l’interprétation individuelle des textes sacrés est probablement un bien au niveau spirituel, néanmoins, cela ne peut signifier qu’il est permis d’exprimer n’importe quelle interprétation abusive.

Bien entendu, des frustrations, des atteintes à la dignité collective, des injustices accumulées (entre autre dans la cause palestinienne), des attitudes d’exclusion, des mépris et des séquelles de la domination coloniale, sont une réalité, mais devrait se ventiler dans des dialogues, une lutte démocratique, et pas dans une confrontation aveugle.

D’autre côté, on ne peut pas tirer argument des violences exercées quelquefois au nom de l’Islam pour déconsidérer une religion et une civilisation et les désigner comme source d’une menace pour l’humanité. Ce sont les injustices d’hier qui engendrent les conflits d’aujourd’hui. Ce sont les injustices d’aujourd’hui qui préparent les affrontements de demain. Le monde agité que nous vivons nous commande de nous réfugier dans la sagesse et de consacrer nos énergies à l’édification d’un monde meilleur.

Sans doute, le Belge modale ne fait pas amalgame entre l’Islam et le terrorisme, néanmoins, le sentiment de peur et de mépris a ses effets notamment en créant une plus grande distance avec le voisin musulman et une certaine suspicion vis-à-vis des signes extérieurs qui pourraient évoquer un éventuel fondamentalisme (l’amalgame entre le ferveur ostensible d’un croyant et le risque qu’il aurait des contacts de type terroriste).


Discrimination

Le mot discrimination est fort abusé. Il est fautif de l’utiliser chaque fois qu’une personne d’origine étrangère n’obtient pas ce qu’il veut. Beaucoup de refus ne sont pas basés sur la race, et encore moins sur un racisme qui considère que la race blanche serait supérieure à d’autres races. La grande majorité des injustices sur les personnes d’origine étrangère ne sont en fait pas des vraies discriminations, mais elle trouve sa motivation dans un désintérêt à la situation de l’étranger. S’intéresser à l’autre demande qu’on change, qu’on fait un effort. Beaucoup de Belges ne font pas d’efforts à ce niveau.

La où la vraie discrimination existe il faut le lutter vigoureusement, voir aller au tribunal. Lutter la paresse et l’indifférence vis-à-vis des étrangers est nettement plus difficile parce qu’il n’y a pas de punition possible et on ne reçoit pas nécessairement des cadeaux en faisant l’effort. Les instruments pour lutter la discrimination sont prévus mais les instruments pour donner l’étranger la place qu’il mérite manquent cruellement.

La loi du 25/02/2003 sur les discriminations demande les conditions suivantes et cumulatives pour pouvoir parler d’une discrimination :
• une différence de traitement
• un manque de justification objective et raisonnable

Malgré notre remarque essentielle, nous gardons ici la signification classique du mot discrimination, ce qui englobe donc les vraies discriminations et l’indifférence nuisante. Ils ont en effet les mêmes paramètres, soit de façon exprimée, soit de façon ignorée.

Domaines typiques de discrimination de l’immigré en Belgique :
• échec et orientation scolaires
• discriminations à l’embauche et à la promotion (chômage, précarité, exclusion sociale)
• demande de plus de flexibilité avec de bas salaires
• position subalterne de la femme (couture, cuisine, travaux de bureau, soins domestiques, nettoyage, soins aux personnes)
• contrôles plus fréquents par la police
• condamnations plus nombreuses et plus longues

Formes de discrimination encore présentes dans la législation belge :
• le droit belge garantit l’égalité des droits aux belges, pas aux étrangers
• les étrangers de U.E. ont plus de droits que les étrangers hors l’U.E.
• la loi sur les discriminations (partiellement annulée par la cour d’arbitrage) permet d’injurier un étranger dans un texte diffusé comme un livre ou un signe sur une exposition, parce que cela participe de la liberté d’expression. Néanmoins, l’incitation à s’en prendre à un étranger (par la haine ou par la violence) dans ce même tract est bien punissable.
• à l’heure actuelle, la preuve d’une discrimination doit être apportée par la personne discriminée. La loi sur les discriminations prévoit que la charge de la preuve, notamment dans la situation d’une embauche, appartient à la personne mise en cause, c’est-à-dire le recruteur. Néanmoins, il n’y a pas encore des arrêtés d’exécution qui rendent possible cette procédure.
• le droit social (entre autres les rapports salariaux) se base sur un contrat individuel, autorisant une négociation et donc des différences arbitraires peu transparents
• la loi sur les statistiques (1962) interdit des statistiques sur base de la race. D’un côté, on ne peut pas plus faire distinction parmi ceux qui sont belges (par exemple un belge d’origine marocaine a un statut légalement inconnu, il est reconnu comme belge tout court). D’autre côté, les problèmes spécifiques d’une ethnie ne peuvent plus être étudiés et reconnus. Ainsi, par exemple, une politique de discrimination positive de belges d’origine étrangère serait en soi une discrimination et illégale. (Notez aussi la grande difficulté de distinguer les différentes cultures, voir par exemple la distinction entre flamands et wallons).

Formes de discrimination à l’embauche :
• motifs comme la nationalité, couleur, aspect physique, âge, sexe
• examens de connaissance de langue (surtout si la fonction ne demande pas de perfection à ce niveau)
• privilégier l’embauche des enfants et petits-enfants de ses travailleurs

Motifs de discrimination d’un employeur :
• vouloir une neutralité
• éviter à mettre mal à l’aise la clientèle
• éviter des discussions au sein de son équipe de personnel
• la peur de la différence (qui demande des efforts de s’approcher et qui consiste donc à une perte de rentabilité)
• racisme

Motifs d’un employer pour ne pas discriminer :
• il veut lutter contre les discriminations (par principe, conviction politique, sentiment d’honnêteté)
• volonté de proximité avec une certaine clientèle
• créer de la valeur sur base de la diversité
• reflet de la société
• pénurie de main d’œuvre
• profiter de la non reconnaissance du diplôme (engager une personne qualifiée à un niveau plus bas ; ex. une infirmière diplômée en Maroc n’est reconnue qu’au niveau d’aide-soignante)


Moyens de lutter contre la discrimination :
• voie légale, aller au tribunal pour les cas manifestes
• distinguer ce qui relève du sentiment ou de la discrimination objective
• recouper les informations dans un cas indiqué comme discriminatoire
• donner goût à l’apprentissage et développer des savoirs comportementaux
• sensibiliser les employeurs aux qualités des personnes d’origine étrangère (faire exprimer leurs résistances et les relativiser)
• apprendre qu’il ne faut pas aimer l’autre, mais le respecter
• lutter contre les préjugés comme:
- la Belgique est envahie par les étrangers
- on entre trop facilement en Belgique
- les étrangers prennent le travail des Belges
- les étrangers profitent du chômage
- les étrangers font baisser le niveau de l’école
- nos prisons sont remplies d’étrangers
- les étrangers refusent de s’intégrer


Guy Billen
guy.billen@skynet.be
le 25/10/2004


littérature

Cour d’arbitrage – Extrait de l’arrêt du 06/10/2004 – Moniteur belge du 18/10/2004.
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