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Qui se cache derrière Hasbro, 'respectable' firme de jeux ?
by Michel Collon Wednesday, Oct. 06, 2004 at 1:41 PM

Ce n'est pas parce qu'il s'agit de jouets que nous entrons dans un monde de « petits » et de « gentils ». Le marché mondial du jouet est aujourd'hui aux mains de deux mastodontes qui ont réussi à éliminer ou racheter presque toutes les autres firmes : Mattel contrôle notamment Barbie, Fisher - Price, Scrabble... Quant à Hasbro, cette petite firme familale (Hassenfeld Brothers) a décollé dans les années 60 en lançant un jeu militariste G.I. Joe. Ensuite, de nombreuses prises de contrôle lui ont permis de devenir propriétaire des marques Monopoly, Trivial Pursuit, Playskool, Pictionary, Cluedo, Atari, Teletubbies, des dérivés du Pokemon et de Star Wars, de très nombreux jeux électroniques, des firmes de bonbons et bien d'autres encore.

Qui se cache derrière Hasbro, 'respectable' firme de jeux ?
MICHEL COLLON
Classique : les profits de ces deux géants du jouet ont explosé en fermant un maximum d'usines aux USA et en Europe et en délocalisant vers des pays pauvres du tiers monde. Ainsi, en 2002, Mattel a fermé son usine du Kentucky. Elle exploite à présent 39.000 personnes dans ses usines d'Asie. Si Hasbro n'emploie que 10.000 personnes directement, c'est qu'elle recourt surtout à la sous-traitance aux avantages bien connus. (1)

Quand vous achetez un jeu, enrichissez-vous Paul Wolfowitz, le maître à penser de Bush ?
Donc, quand vous achetez un jeu pour vous ou vos enfants, vous avez pratiquement toutes les chances d'enrichir les actionnaires de Mattel ou Hasbro. Et il faut savoir que le budget jouets moyen d'un enfant de l'U.E. s'élève à 250 ?/an.
Parmi les administrateurs que vous enrichissez ainsi involontairement, on trouve du beau monde. Ou du vilain, ça dépend du point de vue. D'abord, un des plus grand va-t-en-guerre des Etats-Unis : Paul Wolfowitz. Le numéro deux de Rumsfeld, ministre de la Guerre de Bush, avec qui il forme un 'tandem parfait' selon le très conservateur hebdo US Time : « Si Rumsfeld est le visage, la bouche et le bras armé de la guerre en Irak, Wolfowitz, le parrain intellectuel, en est le coeur et l'esprit. » (2) (voir article sur Wolfowitz, ci-après)
« Le coeur et l'esprit de la guerre » a été administrateur d'Hasbro jusqu'à la veille de sa nomination dans l'administration George Bush. Y retournera-t-il après son mandat politique, comme beaucoup de personnalités US, ferventes pratiquantes de ce sport lucratif qu'est le yo-yo business - politique ? C'est probable, mais de toute façon les liens et les intérêts communs demeurent, discrètement ou pas. Ainsi, Dick Cheney, le vice-président US, n'a théoriquement plus rien à voir avec la firme pétrolière Halliburton qu'il dirigeait avant son entrée en fonctions. Mais le scandale des « commandes gonflées » a montré qu'il avait utilisé sans vergogne l'occupation de l'Irak pour remplir les poches d'Halliburton, et très probablement les siennes aussi.

Liée au complexe militaro-industriel et à Israël
Mais en parcourant la liste des administrateurs d'Hasbro, on tombe sur un autre nom extrêmement intéressant : Marie-Josée Kravis est ou a été administratrice de Ford, Canadian Imperial Bank, Vivendi Universal et Hollinger. Cette société est liée à la droite dure US et aux services de renseignements israéliens puisque leur ancien chef Shlomo Ben Gazit siège dans un comité de Hasbro (3). Elle contrôle divers journaux britanniques et israéliens qui ont joué un rôle de tout premier plan dans le dossier irakien.
Marie-José Kravis a aussi été administratrice de Seagram. Dont le patriarche Edgar Bronfman Sr. est président du très influent lobby du 'Congrès Juif Mondial'. Elle siège aussi à la direction d'un think thank US conservateur, l'Institut Hudson. Bush Père l'avait nommée au conseil du secrétariat à l'énergie. Sur le site du Council on Foreign Relations, organe majeur où se discute et décide la politique internationale US, elle est présentée comme « experte » en économie internationale, politique publique et stratégie. (4)
Son mari, Henry Kravis, occupe le 351e rang de la liste Forbes des hommes les plus riches du monde avec une fortune estimée à 1,3 milliard $. Sa firme KKR a possédé ou possède en tout ou en partie plusieurs firmes significatives: Safeway, Union Texas Petroleum, Duracell, American Re Insurance, Nabisco...
Enfin, à ceux qui s'étonneraient si un tribunal français se montrait peut-être complaisant envers une société US, signalons que KKR est le principal actionnaire de la société française électrique Legrand. Dont le président est Ernest-Antoine Seillière, patron du Medef, c'est-à-dire patron des patrons français (5). Le monde du business est petit.
Parmi les autres administrateurs actuels d'Hasbro, on trouve encore Jack Greenberg, ex-boss de McDonalds, Paula Stern, ancienne présidente de la Commision du Commerce International des Etats-Unis, Sylvia Hassenfeld (American Jewish Joint Distribution Committe) et Alan Batkin, vice-président de Kissinger Associates. Cette société de consultance fait profiter les multinationales US des conseils expérimentés du "Docteur Henry", qui fut le boss de Pinochet et de quelques uns des dictateurs les plus sanglants de la planète.

Conclusion : Hasbro, ce n'est pas du tout un jeu. Ni pour des dizaines de milliers de travailleurs du tiers monde, surexploités au bénéfice d'actionnaires et administrateurs richissimes comme Kravis et Wolfowitz. Ni pour son rôle aux côtés des agressions militaristes US et israéliennes. Hasbro est un élément du complexe militaro-industriel qui a mis en place le régime Bush et sa guerre globale.

(1) Chiffres de l'International Council of Toy Industry. Voir aussi Thérèse Jeunejean, Le grand jeu de la mondialisation, Le Ligueur (Belgique), 12/11/2002. Gresea (Belgique), La face cachée du jouet, juillet 2002.
(2) http://www.time.com/time/personoftheyear/2003/poywolf.html
(3) Voir l'index de Geoffrey Geuens, Tous pouvoirs confondus, EPO, 2003, que nous remercions pour son aide précieuse.
(4) Source : <</FONT>http://www.kkr.com/>
(5) Sur l'importance du Council on Foreign relations, voir Geuens, idem, p. 84-92. (Et Gounet, EM?)