Lutte contre la pauvreté : fin du développement?

La lutte contre la pauvreté : fin du développement ?

Le thème de la pauvreté et partant, du combat qu’il faut mener pour y remédier est présent, en filigrane, dans chacun des discours de nos responsables politiques, dans nombre d’articles d’actualité internationale. Cet agenda s’explique non seulement par l’extension de la pauvreté constatée dans de nombreuses contrées mais aussi par les questionnements sur l’impact de la coopération au développement internationale.

A partir des années 60, la pauvreté des populations du tiers monde est conçue comme dérivant de la pauvreté des économies locales. On s’attache donc à favoriser la croissance économique qui aurait des répercussions positives sur la situation des pauvres. Il s’est avéré que ce n’était pas toujours le cas loin s’en faut. Surtout, la croissance ne permet de faire reculer la pauvreté que si les inégalités n’augmentent pas. Or, celles-ci ne cessent de croître durant les décennies suivantes et ce particulièrement dans les années 80, décennie perdue pour beaucoup, qui sont celles également des politiques d’ajustement structurel.
Au regard des conséquences négatives et mal maîtrisées de celles-ci, la question de leur incidence sur les plus pauvres est remis à l’ordre du jour des bailleurs de fonds, que ce soit la Banque mondiale, le Fmi ou l’Union européenne. La lutte contre la pauvreté devient en quelque sorte le fil conducteur de la réflexion sur les finalités des politiques de développement. Le développement est aujourd’hui considéré comme un droit humain, non plus comme un « projet de modernisation économique et d’émancipation politique et sociale » [Francine Mestrum « La lutte contre la pauvreté dans le nouvel ordre mondial », in Hémisphères n°19, Décembre 2002].

L’entrée sur le marché reste le remède universel des politiques de lutte contre la pauvreté.
« La lutte contre la pauvreté n’a pas pour objectif de protéger les individus contre les aléas du marché, mais, en revanche, elle les incite et les oblige à y participer » comme le rappelle Francine Mestrum. Les pauvres sont laissés à l’emprise du marché. Il s’agit de faire en sorte que « tous les hommes et les femmes du monde puissent participer loyalement au jeu de la concurrence mondiale » dixit Kofi Annan. Aucune autre solution n’est proposée. Les organismes financiers internationaux s’obstinent à ne pas questionner leur propre logique économique responsable d’effrayants effets sociaux. Il n’y aurait donc pas de différence entre croissance et développement. Le développement ne peut suivre que la voie du marché.
Les engagements des gouvernements à l’égard de la pauvreté ne dépassent pas non plus les mesures palliatives ou de simple discours.

En même temps que l’on met en place des programmes de lutte contre la pauvreté, les politiques macro-économiques entraînent pauvreté et dualisme social.
Le Gresea (Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative), Ong belge, organise un cycle d’analyse-débat à partir du 30 septembre à Bruxelles [Pour plus d’informations, voir le site http://www.gresea.be] dont l’objectif est d’analyser les liens qui existent entre les logiques de l’économie dominante et la progression de la pauvreté mais aussi de s’interroger sur les non-dits derrière les messages des acteurs de la lutte contre la pauvreté.
Ce cycle est introduit par Francine Mestrum –et un diagnostic qu’elle a formulé ainsi « la lutte contre la pauvreté n’est pas synonyme de développement. Elle se décline, avant tout, en une phraséologie consensuelle et responsabilisante à l’usage du projet néolibéral et de l’intégration de tous les pays dans le marché mondial ».

Natacha Wilbeaux
Gresea

arch/ive/ief (2000 - 2005)