Vénézuela, la naissance d'une socialdémocratie radicalisée by Tariq Ali Friday, Aug. 20, 2004 at 4:34 AM |
Quelques semaines avant le référendum, à Caracas, j'ai eu une longue discution avec Chavez. Pour moi, il est clair que ce qu'il tente de faire est, rien de plus ni rien de moins, que la création d'une social démocratie radicalisée au Vénézuéla, qui bénéficie à la strate sociale la plus basse.
En ces temps de dérégulation, privatisation selon le modèle anglo-saxon de richesse, les objectifs de Chavez sont considérés révolutionnaires, même si les mesures proposées ne sont pas différentes de celles du gouvernement britanique d'après guerre de Clement Attlee. Une partie de la richesse du pétrole est investie dans l'éducation et la santé pour les pauvres. Au moins un million d'enfants des bidonvilles les plus pauvres bénéficient maintenant d'une éducation gratuite, 1,2 million d'adultes analphabètes ont appris à lire et à écrire, l'éducation secondaire est maintenant accessible pour 250.000 enfants dont le statut social les excluait de ce privilège durant l'“ancien régime”, trois nouveaux campus universitaires étaient opérationnels en 2003 et six de plus seront prêts pour 2006. En ce qui concerne la santé publique, les 10 000 médecins cubains qui ont été envoyés pour aider le pays ont transformé la situation dans les districts les plus pauvres, où fonctionnent 11.000 cliniques de proximité, et le budget pour la santé a été triplé. Ajoutez à cela le soutien financier aux petits commerces, les nouvelles maisons construites pour les démunis, la loi de réforme agraire promulgée malgré la résistance, légale et violente, des propriétaires fonciers. Fin 2003, 2.262.467 hectares avaient été distruibués à 116.899 familles. Les raisons de la popularité de Chavez sont évidentes. Aucun régime antérieur n'avait ne serait-ce que remarqué la difficile situation des pauvres. Et on ne peut éviter de se rendre compte qu'il ne s'agit pas qu'une simple division entre riches et pauvres, mais aussi d'une différence de couleur de peau. Les chavistes tendent à être de peau obscure, reflétant en cela leurs ancêtres, natifs et esclaves. L'opposition tend à être de peau claire et quelques uns de leurs plus désagréables supporters traitent Chavez de singe noir. Un spectacle de marionnettes dans lequel Chavez était représenté par un singe a même été organisé par l'ambassade des Etats Unis à Caracas. Mais Colin Powell n'a pas trouvé cela amusant et l'ambassadeur a du s'excuser. Le vaillant argument soutenu par l'éditorial hostile de The Economist cette semaine, selon lequel ceci fut fait pour gagner des voix, est extraordinaire. Le contraire s'est produit. Les bolivariens voulaient le pouvoir pour que des réformes réelles puissent être mises en oeuvre. Tout ce que les oligarques offrent n'est rien de plus que le passé et la destitution de Chavez. Il est ridicule de suggérer que le Vénézuéla est au bord d'une tragédie totalitaire. C'est l'opposition qui a tenté d'emmener le pays dans cette direction. Les bolivariens ont été fabuleusement réservés. Quand j'ai demandé à Chavez de m'expliquer sa philosophie, il a répondu : “Je ne crois pas aux postulats dogmatiques de la révolution marxiste. Et je n'accepte pas que nous vivions dans une période de révolutions prolétariennes. La réalité nous le dit tous les jours. mais si ils me disent que pour cette réallité je ne peux rien faire pour aider les pauvres, alors je dis ‘partons camarades’. Je n'accepterai jamais qu'il ne puisse pas y avoir redistribution de la richesse dans la société. Je crois qu'il est préférable de mourir dans la bataille que soutenir à tout prix un standart très pur et révolutionnaire, et de ne rien faire... Tente-le, et fais ta propre révolution, entre en combat, avance un peu, même si c'est seulement d'un millimètre, dans la direction correcte, au lieu de rêver avec des utopies”. Et ceci est la raison pour laquelle il a gagné.
Tariq Ali (De The Independent, de Grande Bretagne. Spécial pour Pagina 12 d'Argentine), 18 août 2004
Traduction : Fab (santelmo@no-log.org)
Remarque by Dominique Saturday, Aug. 21, 2004 at 11:25 PM |
dominique_pifpaf@hotmail.com |
Quelques remarqes;
Ce que Chavez essaie de faire est très bien et doit être soutenu.
Maintenant assimilez son action à de la social-démocratie est une double insulte. La social démocratie européenne n'a en effet rien de sociale, c'est elle avec le Göran Person suédois qui a proposé d'avoir un président à Bruxelles, proposition qui heureusement ne passât pas la barre, Quand à la démocratie dans un système capitaliste ce n'est jamais qu'une dictature de l'argent dans la pratique, ce qui empêche toute véritable démocratie.
Ce qu'essaie de faire Chavez est bien plus, il s'inspire notamment de la révolution cubaine et essaie de réaliser une véritable démocratie où le peuple et non le pognon a le pouvoir.
Une chose que j'aime beaucoup dans ton reportage est quand tu dis que Chavez dit qu'il est préférable de mourir... que de ne rien faire.
Rien que pour cela Chavez mérite le respect car le problême n'est pas les salauds, il ne sont pas beaucoup, mais tout ceux qui laissent faire.
Un point de détail, fait des paragraphes, car lire un texte intéressant mais d'un seul tenant est vraiment... chiant. Autrement bravo!
Viva la revolution!
Social democratie by Jean-Pierre Thursday, Sep. 02, 2004 at 7:09 PM |
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Le fait que les sociaux democrates actuels, dans les pays developpés, defendent une politique liberale n'est pas une critique de la social democratie en general, mais bien de l'évolution des partis sociaux democrates traditionnels (apres tout AD aussi est un parti social-democrate).
Il ne fait guere de doute que la politique actuelle de Chavez soit d'inspiration sociale démocrate: "autant de marché que possible, autant d'état que nécessaire", aucune nationalisation n'a été effectuée: seule PDVSA a été reprise en main (il est vrai après un comportement factieux qu'aucun état de droit ne peut accepter), même la réforme agraire, bien qu'elle prévoit explicitement l'expropriation des terres non cultivées, s'est bornée jusqu'à aujourd'hui à "récupérer" les terres de l'état que les grands propriétaires s'étaient accaparés avec la complicité de l'administration : les grands propriétaires sont juste "spoliés" des terres pour lesquelles ils ne sont pas en mesure de fournir de titre de propriété...Par ailleurs il encourage l'investissement étranger ainsi que le développement des petites entreprises...
Quant à savoir si la social démocratie est le règne ou pas du pognon, si déjà le Chavisme permettait au venezuela d'atteindre le niveau de répartition des richesses de la suéde, je pense que ce brave Hugo pourrait prendre une retraite bien méritée, et laisser à ses successeurs le probleme de la "démocratie véritable"
Il ne faut pas s'y tromper, c'est la social démocratie qui est aujourd'hui l'ennemi principal du liberalisme (parfois affublé du préfixe NEO, dont on se demande bien ce qu'il vient faire quand il s'agit de retourner à la situation de 1850: réactionnisme me semble plus juste pour qualifier l'offensive libérale actuelle). en effet la social démocratie affirme le role de l'état comme protecteur des plus faibles (garantit les droits fondamentaux) et mécanique de redistribution (donc de réduction des inégalités): la garantie des droits fondamentaux cède le pas au interêts des multinationales (voir négociations AMI, et ALCA), et les systèmes de redistributions sont démantelés au profit de systèmes d'assurance mutuelle (ce n'est plus l'ensemble des citoyens, riches et pauvres qui finances le "filet de sécurité" social, mais les pauvres qui s'entr'aident par leurs contributions sociales, les riches réduisant les leurs grace aux reductions d'impots et de charges sociales, ces dernières , censées bénéficier à l'emploi, bénéficient en premier lieu aux actionnaires).
La simple posture social démocrate devient ainsi fondamentalement progressite, comme l'est par exemple la volonté des négociateurs vénézueliens de l'ALCA, d'imposer la déclaration universelle des droits de l'homme, ainsi que d'autres chartes des Nations Unies comme "supérieure juridiquement" à tout accord de libre échange, et de refuser toute atteinte à la souveraineté de l'état vénézuelien, certes il ne s'agit pas là d'une position très "révolutionnaire": la déclaration universelle date de 1948 si ma mémoire est bonne et l'état Vénézuelien a été déclaré indépendant et souverain en 1812...Mais c'est bien là une résistance très forte qui compte tenu de ce qui se passe ailleurs, et particulièrement chez nous, fait bien plaisir à voir.
Il faut garder à l'esprit que contrairement à ce que veut faire croire l'opposition, Chavez ne ruine pas l'économie vénézuelienne par ces programmes sociaux, les sommes en jeux ne sont guere supérieures à ce que ceux ci coutaient il y a 10 ans, la différence c'est que ces budgets ont été réorientés vers les plus pauvres et non pas vers les classes moyennes voire les plus riches (exemple 1: lorsque j'habitais à Caracas, en 1988, l'essence était subventionnée et coutait 3ct d'euros le litre, et donc vendue moins cher que le cout, il est clair que cette mesure ne bénéficiait pas beaucoup à ceux qui n'avaient pas les moyens d'acheter une voiture...exemple 2: le système éducatif est gratuit, mais nécessite juste des frais d'inscription, faibles pour les classes moyennes, mais qui s'avère prohibitif pour les défavorisés: le cout total du systeme éducatif peut donc etre interprété comme un transfert de ressources de l'état vers les classes moyennes et favorisées...). Chavez mène donc une politique économique plutot prudente et les bons résultats de l'économie vénézuelienne (une fois nettoyé de l'effet de la grève pétroliere) sont là pour le montrer
Alors, Chavez est il une authentique révolutionnaire, ou simplement un résistant social démocrate? Laissons le donc moderniser son (riche) pays et lorsque chacun se sentira un vrai citoyen, maitre de son destin, où chacun mangera à sa faim et bénéficiera d'un système de santé gratuit et de bonne qualité, il sera toujours temps de faire un deuxième réferendum révocatoire pour savoir si il doit rester ou s'en aller