arch/ive/ief (2000 - 2005)

Quarante ans de solitude
by Jamal Es samri Sunday, Aug. 08, 2004 at 4:33 PM

"On ne peut devenir citoyen du monde ou pleinement homme qu’à condition d’appartenir à un lieu" (Françoise Choay)

QUARANTE ANS DE SOLITUDE

On a fêté les quarante ans des accords bilatéraux entre la Belgique et le Maroc. Quarante ans c'est long. Abrégeons le martyre. Brossons une histoire à rebrousse poil. Et rendons la honte plus honteuse en la livrant à la publicité. Ce furent quarante ans en solo. Et dans nos besaces, rien. Ni capital économique, ni capital social, quant au capital culturel, il ne dépassait pas zéro. De la conscience fière que nenni. Pas plus de prolétariat droit comme un « i ». Car du sort de nos aînés, Belgique, tu t'en soucias comme d'une guigne. Ils ne furent pas le fruit d'un héritage colonial, pas du tien en tout cas. Que t'importa leur histoire. Ils suivaient la longue cohorte : Italiens, Polonais, Espagnols, Grecs… cette internationale des désœuvrés surnuméraires. Liste qui se continue encore aujourd'hui. Coût, bénéfice ; actif, passif ; gestion des flux, gestions des stocks, pour la comptabilité d'Etat, les hommes sont-ils autres choses que des choses ? L'économie, comme la nature, a horreur du vide. Que t'importa leur avenir. Gens qui rient, gens qui pleurent, n’est-ce pas le grand cycle de la vie ? Qu'ils aient pu avoir des enfants, et que ceux-ci puissent naître ici, cela ne t'a pas traversé l'esprit. Hassan II, ton ami le roi, brade les prix pour les oranges, pour les hommes et les sardines aussi. Rien ne doit rester. Mes marocains, je vous les fais Fabor ! On se payera toujours en retour de devises, sur la bête et en dirham. Après les « fourmis d’Europe », les Pateras allaient suivre. Les Golden sixties, pour eux ce fut du toc. Les Trente Glorieuses une rigolade. On avait besoin de bras pour la machine à produire, à consommer aussi. L’ogre de la croissance, qui tournait à plein régime, nécessitait d’une main d'œuvre bon marché. Soumise à souhait. De ses « mauricots » qui ne mordent pas la main qui les nourris. Formatés au Maroc et garantis parfaitement dociles. Au plus grand bonheur du patronat d’ici. Mais bientôt la conjoncture changea. Il en va toujours ainsi en matière de « civilisation matérielle». Que va-t-on faire de ces vieux à l'heure du post-fordisme ? On les destina aux poubelles de l'histoire. « Merci d'être venu, maintenant disparaissez ! ». Et la présence fantomatique des pères, à partir de la moitié des années ‘70 se changeât en visibilité inopportune. A force de courber l'échine, et de raser les murs (mais avait-ils d'autres choix ?), les dindons de la farce qu'étaient nos pères, se sont pris une sciatique. M. les maudits, nos anciens à petite moustache, devinrent pupilles du welfare states : chômage massif et invalidité. K.O technique au premier round de la postmodernité. L'armée de réserve devint une armée des ombres. Et que la Belgique à papa nous préféraient ses ombres là, cela ne nous étonne pas. Ils ne mettaient pas en péril « l’identité belge »(sic). C'était l'époque bénie des immigrations où chacun savait garder sa place. Mais au silence des pères allait répondre l'être-là des fils .Ostensible et sonore à souhait. La mécanique de la reproduction sociale était grippée. Le paradoxe était que l'ascenseur social l’était aussi. Déchéance sociale ou pas, il fallait bien racheter la faute des pères. Honneur perdu d'une classe ouvrière à la dérive. Ou identité nécessaire pour ne pas sombrer dans la haine de soi. Emeute de ci, émeute de là, de Forest à la place Barra. La seconde génération avait compris que ce qui n'est pas perçu n'existe pas. Et du mieux qu'elle put marqua le coup. La pauvre Belgique fut dans l'obligation de soigner sa myopie. Il lui fallait faire son deuil, l'immigration de travailleurs s'était faite immigration de peuplement. Et le phénomène était irréversible. Ces bâtards là, identité composite ou pas, à l’évidence, c'était ses enfants naturels. Ce retour de l’enfant prodigue l’assumera-t-elle ? Rien n’est moins sûr ; « classe dangereuse », « intégration », « voile islamique », sont les discours convenus d’aujourd’hui. Quarante ans que ça dure. Ces stratégies de la diversion ne mènent nulle part. Car les faits sont têtus. Et les intermittences de la conscience enfantent des monstres. Quarante ans de solitude, qu'est-ce que, sinon cette intermittence-là ?

Jamal Es samri

Jours sombres
by Maldoror Monday, Aug. 09, 2004 at 12:11 PM

Jours sombres. Vie brisée sans échappatoire. Je suis ici. J’ai rien demandé. Trop lâche pour me résoudre à partir. Et puis aller où ? Le plus grand voyage, c’est sortir de soi. Les mystiques et les junky savent ça. C’est recherche de l’ex-stase. Et pour en arriver là, toutes les expériences sont permises, surtout les plus bêtes. S’oublier tout est là. Que ce soit dans l’absolu ou dans une substance plus ou moins magique, l’important c’est se fuir. Surtout ne jamais affronter ces démons, on y succombe toujours. Ils ont toujours le dernier mot.




Représentation
by Averroes Wednesday, Aug. 11, 2004 at 7:41 PM

Communauté fantasmée. Identité subie. Marocanité par défaut. Par réaction à la stigmatisation, une bouée des origine. Nous "habitons" un territoire symbolique. Une image mentale pour tout espace. Le Royaume cherifien n'est en fait qu'un despotisme, de plus, situé au sud de la Méditerranée. L'idée d'exil n'est qu'un délire. Qu'est-ce que quarante ans, si le temps n'est qu' illusion?