LA CULTURE DU VALIDE (OCCIDENTAL) by Zig Friday, Jul. 30, 2004 at 10:06 AM |
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ou comment le validisme ça te concerne sûrement
Tu es une personne valide et tu ny as jamais tant réfléchi jusquà cette phrase ?
Tu te dis que ça doit être (trop) dur de vivre en tant quhandicapé-e, genre tu pries pour ne (surtout) jamais lêtre ?
Tu admires le courage quasi héroique des handicapé-e-s ?
Tu te rassures avec le Téléthon et ce que te racontent les médias quant aux avancées en matière de handicaps ?
Tu hésites à savoir si un-e handicapé-e est ultra débile ou hypra intelligent-e ?
Tu as un-e pote handicapé-e et cest trop cool pour toi de le dire ?
Tu es une personne handicapé-e et tu te sens dans une société faite pour et par les valides ? tu te demandes si le bug cest toi ou cette société ?
Tu vois des marches partout ?
Satan est en toi ?
Tes terriblement sexy et les valides ne le voient pas ?
Ton héros cest le Dr Charles Xavier ?
... le validisme ça te concerne !
ça te concerne sûrement.
merci à Beatriz pour mavoir appris à désillusionner
et à Colin K. Donovan, quelque part sur un réseau,
pour son Attitude
puis au Dr Charles Xavier, quand même à Batman, mais
surtout à Daredevil, à Karate Kid (le 1, pas le 2).
La culture du/de la valide est partout, mais ne se dit pas.
Le validisme, la norme du/de la valide,
régit le fonctionnement de tout le monde.
Tout le monde sauf (!) les autres,
cest-à-dire les anormaux-ales, les résidus défectueux
de la société validiste : les handi(capé-e)s.
<1>
Lidentité invalide du valide.
Le/la valide na pas conscience quil-e est valide. Il-e dit quil-e est normal-e, tout autant que ceux-lles qui lui ressemblent-sassemblent. Le/la valide ne dit jamais quil-e est valide, il-e dit je ne suis pas handicapé-e. Il-e a besoin de négation pour se considérer un minimum existant, apte.
Une déclinaison de
la dictature de la majorité.
Le/la valide est un corps fonctionnel clôné, un mécanisme identique, alors que lhandi est à structure polymorphe : tétraplégique, aveugle, IMC (Infirme Moteur Cérébral), sourd-e/muet-te, paraplégique, trisomique, myopathe, amputé-e, nain-e, LIS (Locked-In Sydrom), autiste... Le/la valide conçoit peu les variations humaines, les diversités corporelles en dehors de sa conformité technique et, à force, informe.
Sil-e lui est demandé de définir un-e handi, il-e stéréotype à limage du fauteuil roulant (voire il-e dit chaise roulante) et nest pas en mesure de plus amplement décrire. Le/la valide ne veut pas plus connaître lhandi car lidée de lhandi en sursis que el-lui-même est le/la fait flipper
Plan A : conformer (validiser).
Plan B : enterrer vivant-e.
Il-e conçoit lhandi comme un bug dans le programme unitaire PCP, Production-Consommation-Procréation. Le/la valide est à la fois le/la programmateur-trice et le programme du PCP, sa régulation est autarcique. Tout corps ne pouvant pas performer le PCP sera détecté comme virus : à soigner, à ré-éduquer, à sectoriser/spécialiser, à insérer, à (hétéro)normaliser, à regénérer... à exclure, à annuler, à cachetonner, à ignorer, à isoler, à cacher, à déresponsabiliser, à taire.
La conscience validiste.
Le/la valide a besoin davoir bonne conscience (quelques fois dans lannée). Il-e développe le Téléthon pour des promesses cathodiques de guérisons à haute teneur en divertissement. Il-e organise des séjours dits de vacances pour les handis enfermé-e-s 90% de lannée dans des taules... officiellement désignées comme des institutions. Il-e annonce lannée (2003) européenne du handicap qui lance la grande mode du politikblabla sur le handicap, les parlementaires valides brandissant de grands concepts citoyennistes.
Le discours du/de la valide expose toujours de glorifiantes perspectives dévolutions, érigées dans une bonne conscience politique du handicap. Le tout formaté pour une opinion publique (valide) qui se laisse volontier ignorer la réalité : les handis restent des cobayes médicaux et institutionnels.
Tou-te-s intégré-e-s à la beaufitude !
Un grand/gros mot du politikblabla du valide envers-les-handis-mais-par-les-valides est intégration. Cest le formidable projet damélioration de vie des personnes subissant «une perte ou une restriction des possibilités de participer à la vie de la collectivité à égalité avec les autres», dixit larticle 18 des Règles (valides) des Nations Unies (valides) pour lEgalisation (validiste) des Chances pour les personnes handicapées de 1993. Ici, les autres = les valides, égalisation = validisation. But du jeu : fondre les handis dans la culture valide, désintégrer lidentité handi pour une totale intégration-dissolution au modèle valide. De lexclusion à linclusion...
Le/la valide nintégrera jamais un mode de vie handi-alternatif (au-delà du PCP), mais il-e imposera toujours sa culture normalisante, son validisme aux handis. Sans conscience dautodétermination, lhandi ne rêve que daccéder au valide way of life.
La société valide se réserve le
droit dentrée aux handis.
Dans le grand projet dune meilleure citoyenneté pour les handis (mais-par-les-valides), larchitecture et lurbanisme posent depuis une éternité un problème délicat : le/la valide vénère les marches et escaliers, il-e en met partout, cest plus fort que el-lui. Il-e en est tellement accro quil est possible de trouver des marches devant des ascenseurs, ou des chiottes indiqués handis dans un sous-sol uniquement accessibles par escalier. La complexité de cette fascination des marches réside dans le fait que le/la valide ne parvient pas à concevoir laccessibilité aux handis, il-e bloque psychologiquement sur ce principe dautonomie. Il-e sait construire des rampes, des plans inclinés, des ascenseurs, même quil-e a établi des textes de lois à ce sujet... il reste néanmoins inconcevable pour el-lui de rendre accessible les moyens de transports, lhabitat, les espaces publics (cinés, salles de concerts, galeries, lieux de cultes, administrations, écoles, bibliothèques, bar-tabacs, épiceries, boulangeries, pharmacies, bars, restos, clubs, backrooms, piscines, hôtels... jarrête là, mais bon). Même des lieux autogérés comme des squats sont majoritairement inaccessibles/excluants pour un-e handi. Les deux seuls royaumes daccessibilité sont les centres commerciaux et les hostos... ouais, génial. Le/la valide dit souvent quil-e voit très peu dhandis dans son quotidien, bah tiens...
Devant léternel obstacle des marches, le/la valide dégaine son leitmotiv «pas de problème, on va porter !» [voir chapitre suivant]. Game over :
1) si, il y a un problème, reconnais le
2) ce que tu veux porter ne veut peut-être pas lêtre.
Le/la valide a cette étrange façon de jouer les super-wo-mans dans des situations quil-e maintient supernazes. Le comble est le/la valide momentanément en béquilles-pied-plâtré qui va crier soudainement son indignation de lurbanisme et qui va la jouer solidarité avec les handis...
Ca te fait du bien la charité ?
Ah, la charité...
Sil y a bien quelque chose que le/la valide ne veut pas assimiler, cest que la liberté passe par lautonomie et non par ce vieux relent dassistanat charitable. Il-e est gentil-le, il-e veut toujours aider, dépanner (enfin, de façon très ponctuelle, et surtout quand dautres valides le/la regardent)... le problème est quil-e ne se questionne jamais tant sur lenvie - ou non, justement - de lhandi dêtre aidé-e. Ce qui est cool pour el-lui ne lest pas forcément pour lautre
Ouais je connais.
Le/la valide aime dire quil-e sait ce quest être handi. Son cousin a été six mois en fauteuil roulant suite à une chute de ski, sa grand-mère boîte légèrement de la hanche, ou bien el-lui-même est amputé de loriculaire de la main gauche. Il-e con-prend, il-e con-patit. Il-e dit quil-e imagine que ça doit être dur de vivre comme ça... ça alors... que el-lui dailleurs il-e ne pourrait pas, il-e ne supporterait pas. Il-e évangélise alors sur le courage surhumain (survalide) de lhandi. [jy reviens]
Le/la valide-fashion aime dire que de toute façon el-lui non plus nest pas normal-e. «Je suis handicapé-e aussi quelque part», il-e con-prend et con-patit, patati patata (le valide est vite redondant).
Lhandi comme confessionnal ambulant.
Il faut généralement que lhandi comprenne le/la valide, quil-e lécoute, le/la conseille. Le/la valide se confie sans retenue auprès de lhandi, il-e se sent libre de débrider son intimité dans ce confessionnal plein de bonté, ce déversoir informe que semble lhandi, perçu-e malgré el-lui demblée comme différent-e donc sans limite/s.
Lhandi : lexotisme près de chez vous.
Oui, lhandi, cet être étrange : parfois extralucide, dautres fois invisible, parfois démentiellement intelligent-e, dautres fois profondément débile, parfois asexuel-e, dautres fois maniaco-sexuel-le (version pervers-e à stériliser dare-dare), parfois dune beauté transcendante, dautres fois monstrueux-se... Nous ne le dirons jamais assez : lhandi est exotique !
Le/la valide se sent cool quand il-e a un-e pote handi à présenter à son public de potes valides. Le/la valide se sent alors lâme humanitaire, il-e dit quil-e réalise concrètement à quel(S) point(S) la société est sélective et excluante, ça le/la révolte (il-e tient à ce que lhandi soit témoin de son écoeurement)... le problème est quil-e vient soudainement daccuser une société dont il-e se déresponsabilise.
Quand le validisme débande.
Sexuellement, le/la valide divise frénétiquement lhandi.
Communément, il-e lasexualise, voire linfantilise farouchement (sic!). Farouchement car le/la valide a pleinement conscience que la libido népargne aucun corps, même le plus immobile et/ou le moins évidemment communicatif, mais il-e a déjà tellement de mal à gérer sa sexualité avec des corporalités identiques quil-e panique graaaaaave à lidée de navoir plus aucune maîtrise avec des corporalités inconnues auxquelles il-e ne peut pas se reconnaître-référer. Lhandi est alors perturbateur de ses codes de comportements sexuels, le comble de la validirilité...
Lhandi comme sextoy.
Et parallèlement, le/la valide fétichise et catégorise particulièrement lhandi. Un-e aveugle ça touche mieux que quiconque, un-e paraplégique ça suce de façon démente, un-e nain-e ou un-e amputé-e cest trop délire, un-e tétraplégique [immobilité généralisée du corps] cest la possibilité rêvée dun gros déblocage dinhibitions... Les mêmes rôles sont toujours davance attribués à lhandi : voyeur-se et passif-ve. On ne lui demande pas tant dêtre soumis-e car on ne le/la considère pas conscient-e des jeux de rôles érotiques (et puis pour plein de valides, passivité = soumission). De toute façon, on nattend surtout pas de lhandi quil-e soit érotique puisque son handicap lest déjà pour lui.
Lhandi cest sympa à essayer (et cest forcément toujours le/la valide qui essaie lhandi, linverse ne lui est pas concevable...). Dailleurs, le/la valide qui nest pas parvenu-e à jouir de ce corps non conforme au sien, a tendance à senfuir en disant mollement au partenaire handi «excuse-moi, jai essayé tu sais». Quelle audace. Parfois il-e ne veut absolument pas assumer sa fuite et propulse la faute à lhandi, lui expliquant quil-e est décidemment trop handi pour le grand standing de la sexualité valide...
Plus chou que Pikachu...
Le/la valide adulte prend souvent un-e handi pour un pokemon. Il-e lui est parfois irrésistible dans la rue de venir le toucher, au choix le serrer-comprimer dans ses mains, ses bras, le carresser-papouiller, lembrasser-skotcher, le prendre en photo
Lève toi et marche (satan ?)...
mais oui bien sûr...
[la tartine du champ lexical de la charité chrétienne dans
ce texte est révélatrice du fait que la culture catholique
est omniprésente dans les rapports handis/valides]
Il-e arrive aussi au valide, en croisant un-e handi totalement inconnu-e, de lui donner - imposer - une bible, une croix, un grigri, ou autres gadgets religieux (lhandi doit se préparer à une collection à vie). Il-e explique alors à lhandi comment il-e doit recevoir dieu dans son coeur afin de guérir, genre le miracle bientôt chez toi si tu fais un effort...
Il y a aussi la version délirante du valide fanatique qui apprend à lhandi, le regard exorbité et en le pointant fièvreusement du doigt, que satan est en el-lui (cest donc lui le chromosome n°5 ?!), ou bien le fabuleux principe bouddhiste par lequel lhandi a dû être un-e méchant-e valide dans sa vie antérieure pour se réincarner comme ça, «cest bieeeen faaaaiiiit !», etc.
Accident fatal
ou fatalité accidentelle ?!
En rencontrant un-e handi, le/la valide a irrésistiblement besoin de demander si cest un accident ?. Il-e est franchement rassuré-e sil-e sentend dire que, non, cest de naissance ; ainsi il-e peut se conforter dans une optique de la fatalité qui ne lui est pas tombée dessus, quil-e est sécurisé-e de son joli corps performant.
Si on lui répond quil sagit en effet dun accident, le/la valide va très probablement sexclamer devant lhandi, dans une panique mal dissimulée, quil-e espère - ah lespoir du valide ! - que jamais ça ne lui arrivera, que ce serait trop pénible, voire horrible... ce à quoi lhandi acquièsce, prenant conscience quil-e vient de sincarner en peur géante.
Un corps pré-établi.
On névoque jamais au/à la valide des alternatives de vie en dehors de la sienne régie par la fonctionnalité-utilité du corps. Une vie sans la vue ou sans la fonction motrice des jambes sapparente pour el-lui à un cauchemar, un calvaire, un enfer, mon dieu quelle horreur, etc (il-e trouve toujours plein de qualificatifs pathétiques).
Il se trouve que le/la valide napprend jamais vraiment son corps, il-e lutilise plus quil-e ne le vit. Il-e observe beaucoup ses performances physiques mais ne déploit guère ses alternatives (de sensitivités, de mouvements, de forces, dappréhensions de lespace). On ne lui a pas appris à réécrire le mode-demploi de son corps. Ce mode-demploi socio-corporel (formaté Production-Consommation-Procréation) lui enseigne comment marcher dans la rue, comment se tenir (debout) à un guichet, comment et avec qui faire lamour, comment écrire et dessiner, comment danser, comment fumer, etc. Il est important que tous les valides aient le même mode demploi, ça évite lanarchie.
Le miroir existentiel.
En présence dun-e handi, le/la valide lui demande parfois frénétiquement «tu me demandes quand tu as besoin de quelque chose, hun ?!», «tu nas besoin de rien, tes sûr-e ?». Le/la valide semble dans ces situations pris-e dune terrifiante angoisse dabsence dutilité qui déstabiliserait toute son interaction avec un-e handi. La présence dun-e handi place le/la valide dans un tel désarroi quil-e ressent le besoin de se rassurer sur sa fonctionnalité (quil-e ne peut que concevoir comme physique). Il-e doit pour cela placer doffice lhandi dans un rapport de dépendance/soumission non-interchangeable.
Bon courage à vous, les valides.
Si lhandi explique au/à la valide quil-e aime sa vie telle quelle est, ce-tte dernier-e apparaît plus que dubitatif-ve. Aux yeux du valide, lhandi se doit de souffrir de son handicap, le/la valide veut se figurer la vie de lhandi comme une longue pénitence.
Ainsi le/la valide a besoin de considérer lhandi comme quelquun dexceptionnellement courageux, un battant. Pour deux raisons. La première concerne son fort désir de rassurance : si lhandi survit à ses déficiences de vie, le/la valide se dit que tout lui est alors possible, que tout lui réussira dans ce monde fait pour lui. La deuxième raison consiste pour le/la valide à se déculpabiliser de ce que le validisme fait endurer à lhandi. Plus on acclame lhandi comme courageux, plus le/la valide se dit implicitement que lhandi peut continuer à morfler.
*
Ainsi est le/la valide.
Amen
Notons toutefois que lhandi institutionnalisé est el-lui aussi sacrément pathétique... ya de quoi écrire un deuxième volet, «lhandi pathétique», si jamais ça vous intéresse que je me lâche...
Je tiens à préciser que je ne souhaite pas que ce texte soit un outil de plus à la bonne conscience du/de la valide occidental-e, qui aime répertorier les écrits relatifs aux oppressions quil-e engendre afin de pouvoir - parfois - dire «jai lu, je connais maintenant».
Si toutefois il-e a lu et quil-e dit réaliser, alors quil-e agisse.
Puis ce que je dénonce me concerne aussi : ce texte ne me déresponsabilise pas, jai conscience davoir moi-même agi parfois de façon validiste
Le je cest :
ici & ailleurs
à Validland, en France
un été 2004
ah la norme ! by Spinoza Saturday, Aug. 28, 2004 at 10:53 AM |
Bravo,
je ne conait pas trop la "problématique", j'avoue ne pas trop m'y intéresser (l'"aveu" nous somme encore dans le judéo-christianisme)...Mais voilà un texte un peu malin et bien envoyé...
si tu savais comme les normaux aiment à se catégoriser( et hierarchiser) à leur tour : les gros, les noirs, les cons...Il est des plus normaux que d'autres...