Recit d’une famille de sans papiers déchiré by Coordination Sans Papiers CRER Monday, Jul. 19, 2004 at 3:45 PM |
Face aux lois les droits des individus ne vaut pas grand chose. Le droit de l’enfance encor moins.
"Armando, Luisa, Gladys, Patricio et Luz Milla, et leurs 4 enfants vivaient ensemble rue de Bosnie. Ils s'en sortaient tant bien que mal entre les ventes sur des marchés pour les grands, l'école pour les petits, et ce depuis 4 ans.
Je les connais depuis plus de 2 ans maintenant. Ils étaient mes "voisins d'échoppe" lors d'une brocante et sont vite devenus mes amis. Il y a 3 mois, la police est entrée chez eux à 5h du matin et depuis, tout s'est accéléré.
Luisa fut expulsée la première, un dimanche matin, après avoir passé un mois et demi dans un centre fermé. La semaine suivante, ce fut le tour d'Armando (qui a 19 ans et qui vivait depuis ses 14 ans en Belgique) Gladys, 16 ans, fut placée dans un centre pour mineurs d'où elle s'est échappée pour retrouver le reste de sa famille. Patricio et Luz Milla ont été séparés de leurs 4 enfants (8, 6, 4 et 2 ans) pendant 2 jours avant de pouvoir rentrer chez eux.
2 mois plus tard, le 14 juin (le lendemain des élections... !), Luz Milla, la maman, se fait embarquer sous mes yeux et sous les yeux d'autres voisins (femmes, hommes, enfants), traînée violemment par terre par des policiers arrivés en voitures et motos, sans doute pour être bien sûrs qu'elle n'oppose aucune résistance...
3 jours après, son fils de 2 ans, Alex, est emmené avec Gladys au commissariat de St Gilles. Ils y passent une partie de la journée et de la nuit avant que Gladys soit relâchée et Alex emmené, tout seul, au centre 127 bis où il retrouve sa mère. Révoltés par la venue d'un petit garçon de 2 ans dans un centre fermé, tous les détenus ont manifesté en frappant sur les fenêtres jusqu'au petit matin. Conscient qu'il avait été trop loin, l'office des étrangers s'est alors empressé de libérer Luz Milla et son fils... avec un ordre de quitter le territoire dans les 5 jours!
Depuis, cette famille, dont la demande de régularisation a été refusée, vit dans la peur, ne sachant comment se sortir de cette impasse un peu moins écorchée qu'ils ne le sont déjà. Endettés, perdus, épuisés, les parents travaillent pour pouvoir manger et avoir de quoi payer un nouveau logement (pas encore trouvé) Les enfants, eux, attendent et subissent, dans la crainte constante d'être à nouveau violemment séparé de leurs parents.
Et nous, leurs amis, nous assistons, impuissants et révoltés, à l'écartèlement de cette famille. Ligotée par les lois et les pressions politiques, voilà comment une situation peut virer en une violente atteinte au respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux. Une famille déchirée en est réduite à vivre traquée et sans ressource, et moi je ne suis pas fière d'être belge."