arch/ive/ief (2000 - 2005)

Au pouvoir, l'extrême droite trompe encore plus les gens
by Alice Bernard Saturday, Jul. 10, 2004 at 3:21 PM
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Témoignage d’un communiste du sud de la France. Orange, ville dirigée depuis 1995 par le Front National. Pour Christian Guichard, membre du PCF et éducateur depuis 12 ans dans une institution établie à Orange, l’extrême-droite au pouvoir ne se démasque pas parce que les communistes ne sont pas assez liés à la classe ouvrière.

Témoignage d’un communiste du sud de la France
Au pouvoir, l’extrême droite trompe encore plus les gens
Orange, ville romaine en Provence, cité des Princes, terre de vacances. Une ville dirigée depuis 1995 par le Front National. Pour Christian Guichard, membre du PCF et éducateur depuis 12 ans dans une institution établie à Orange, l’extrême-droite au pouvoir ne se démasque pas parce que les communistes ne sont pas assez liés à la classe ouvrière.
Alice Bernard
Pourquoi les gens ont-ils donné la majorité au FN aux élections municipales de 1995?
Christian Guichard. Parce qu’ils espéraient trouver une solution à leurs problèmes immédiats. Beaucoup de gens aspirent à une vie et un sommeil tranquilles. Ils ne veulent pas trouver leur voiture démolie ou volée le matin quand ils se lèvent pour aller travailler. Le FN avait promis de régler le problème des cités et de la délinquance, les gens y ont cru. Il faut dire que François Mitterand a contribué au succès du FN, en déclarant un jour devant des millions de téléspectateurs que Le Pen était un homme tout à fait respectable.

Le FN a-t-il tenu ses promesses une fois arrivé au pouvoir?
Christian Guichard. Le maire, Jacques Bompard, s’est empressé de couper toutes les subventions accordées auparavant par la mairie socialiste à toute la vie associative et culturelle. Toutes les initiatives qui tentaient de développer la solidarité entre les couches de population touchées par la crise de l’emploi et du logement se sont écroulées. Les quelques rares associations qui survivent encore reposent uniquement sur des bonnes volontés militantes. Par contre, il a refait la ville: tout le centre est maintenant très beau. Il a utilisé les impôts locaux pour rénover et donner une belle façade à la ville. Il a réorganisé le marché, les commerçants ambulants et les consommateurs sont contents. Il a aussi engagé plus de policiers.
Mais dans les cités, les problèmes sont pires qu’avant. La situation est de plus en plus pourrie pour les gens qui y vivent. Il y a une véritable polarisation entre les deux catégories de population: les Français d’une part, les immigrés de l’autre, selon le bon vieux principe «diviser pour régner».
Au conseil municipal, quand l’opposition prend la parole, le maire se lève et dit: «sur le temps qu’il parle, je vais pisser un coup». Ce type n’a aucun respect pour les règles démocratiques.

Les électeurs en ont-ils tiré une leçon?
Christian Guichard. Pas du tout. En 2001, Bompard a été réélu avec 60% des voix. Il est encore plus démagogue qu’avant. Il a baissé les impôts locaux, privatisé les cantines scolaires, revendu des biens collectifs à des agents immobiliers, et augmenté le prix de la collecte des déchets… Pendant la campagne électorale, il disait qu’il allait régler le problème des cités. Une fois élu, il ne fait rien, et se plaint que c’est parce que l’Etat central ne lui donne aucun moyen que la situation continue à se dégrader.

Selon vous, que faut-il faire alors contre l’extrême-droite ?
Christian Guichard. Ça ne sert à rien de dire et d’expliquer en longueur que le FN est l’héritier du nazisme et de l’holocauste. Les gens des couches populaires ne comprennent pas. Ça ne sert à rien non plus de laisser l’extrême-droite participer au pouvoir. Elle en profite pour développer et asseoir son influence, pour museler toute opposition.
Ce qu’il faut, c’est être présent au quotidien parmi la population. Prendre en mains les préoccupations immédiates des gens, en leur proposant d’autres alternatives que celles mises en place par le FN. Surtout dans le domaine socio-économique. Car aux portes des usines, le FN n’y est jamais. Forcément, puisque c’est le parti du capitalisme musclé. Pour le moment, à Orange, les gens ne le voient pas encore. C’est là que les communistes doivent jouer leur rôle.