arch/ive/ief (2000 - 2005)

traffic passeports ambassades belges - 7 ans apres, myriam coen the "whisle blower&qu
by manon Thursday, Jun. 10, 2004 at 10:52 PM

Trouve sur le site de l'observatoire citoyen. Les aventures de la personne qui a denonce le trafic de passeports a l'ambassade belge a Sofia - quelqu'un a-t-il plus d'infos et aussi plus d'infos sur le trafic a Casablanca?

En 1997, une fonctionnaire d’ambassade belge dénonce des trafics à sa hiérarchie, puis à la Justice. Que lui est-il arrivé depuis ? Le cas de Myrianne COEN.
Les trafics de documents constituent un sésame important pour les réseaux criminels, qui entrent et circulent ainsi impunément sur nos territoires. Les rapports de la sous-commission d’enquête du Sénat sur la traite des êtres humains ont déjà attiré l’attention des autorités responsables sur ces faits. Certains enlèvements d’enfants et le développement du commerce d’enfants n’auraient pas été et ne resteraient pas possibles sans le soutien logistique du milieu de la traite des êtres humains. C’est par exemple lui qui permet l’entrée, en Belgique, de victimes en provenance notamment d’Europe de l’Est "pour trois mois maximum", avec un faux visa de tourisme ou d’affaires.

Qu’arrive-t-il en Belgique à celle ou celui qui se lève pour dénoncer de tels trafics ? Myrianne COEN en a fait l’expérience inquiétante. Une expérience qui est encore en cours.

Depuis qu’en 1997, elle a dénoncé un tel trafic de documents à l’ambassade de Belgique à Sofia, Myrianne COEN, docteur en Sorbonne et conseiller d’ambassade, a vu sa carrière professionnelle et sa vie intensément et répétitivement perturbées.

Le 19 mars 1997, après une première période de harcèlement sur place, on la découvre gisant inanimée dans les locaux de cette ambassade. On ne trouve rien de mieux à faire que ce que l’on pratiquait dans les pays de l’Est avec les dissidents à l’ époque communiste : on l’expédie dans une institution psychiatrique d’ Etat, dont sa famille va s’activer à la faire sortir rapidement.

Le juge Jean-Marc CONNEROTTE est saisi à l’époque d’une instruction pour menaces, violences et tentatives d’homicide contre Mme COEN, mais curieusement, il ne trouve pas d’enquêteurs disposés à mener cette enquête. Au souvenir de ce qu’ont vécu ceux qui ont vainement tenté d’investiguer les « pistes périphériques » du dossier Dutroux-Nihoul, faut-il s’en étonner ?

Par la suite, le Ministère des Affaires étrangères gardera Myrianne COEN un an à Bruxelles, à son siège central. Sans vrai travail, dans un bureau voisin de celui de l’ambassadeur qu’elle avait dénoncé, rentré au pays lui aussi...

Enquêtes pénales au point mort ?
Y a-t-il néanmoins enquête effective sur ses déclarations à propos des trafics ? Certes, un certain nombre d’instructions sont en cours qui concernent toutes, à un titre ou à un autre, des trafics de documents dans nos ambassades à l’étranger. Certes, Le 21 novembre 2000, le Parquet de Bruxelles déclarait qu’au moins 500 visas avaient été délivrés illégalement par l’Ambassade de Belgique à Sofia à des Bulgares qui, depuis, se sont dispersés en Europe...

Mais quatre ans plus tard, aucun responsable de ce trafic n’est encore inculpé. Et dans une autre affaire de traite des êtres humains gérée à Bruxelles, en mars 2004, des inculpés et témoins continuaient à faire allusion à ces visas distribués par nos ambassades. Aucune investigation n’a apparemment été menée à conclusion.

Après son année vide à Bruxelles, on enverra Myrianne COEN en poste à Oslo, où les choses se sont déroulées correctement pour elle. Vraie fin du harcèlement ? Que nenni ! Au printemps 2003, nouveau transfert, "pour deux ans" lui assure-t-on, au ministère de la Défense en Italie. Elle y rejoint l’équipe du CEMISS, le Centro militare di studi strategico. Doit-on voir dans la mission qui lui est confiée un geste de reconnaissance de ses capacités et de sa motivation personnelles ? Ou, au contraire, l’envoie-t-on là-bas pour tester qu’on l’a bien soumise ? Le CEMISS, c’est une excellente équipe de lutte contre les mafias italiennes et, de façon plus générale, contre les réseaux criminels qui menacent les démocraties. Car dans ce pays connu pour être le pays de la mafia, existent une compétence et une résistance extrêmement forte contre le crime organisé et son infiltration dans les services publics. Des enquêtes conduites avec succès aux plus hauts niveaux de l’Etat et du monde des affaires italiens ont démontré une compétence et une résistance extrêmement fortes, signe de santé et de volonté de défendre les institutions publiques et ceux qui y font leur travail.

En un an, Myrianne Coen s’intègre très bien à l’équipe et produit un travail d’analyse et de synthèse remarquable, dense... et - hélas pour elle - très précis : nombre de noms, de sociétés industrielles et d’institutions sont mis en cause.

Nouvelle réaffectation
Arriva donc ce qui devait ( ?) arriver : le 19 mars 2004, un fax du service du personnel du Ministère des Affaires étrangères ordonne le rapatriement urgent de Myrianne COEN vers Bruxelles. Ce rappel abrupt et sans justifications interrompt ses recherches à Rome et la force ainsi à un troisième déménagement et un à cinquième changement de fonctions en moins de trois ans. Qui, dans de telles conditions, parviendrait à préserver son énergie, sa santé mentale et la productivité de ses recherches ?

Le 19 mars est aussi la date « anniversaire » de la possible tentative d’assassinat à Sofia (19 mars 1997) au sujet de laquelle, plus de huit ans après les faits, on ne sait pas si on arrivera jamais à connaître la vérité.

Mme COEN reçoit l’ordre de prendre ses fonctions à Bruxelles pour le 18 avril 2004. Elle peut y poursuivre ses recherches, à temps partiel, sans infrastructure et loin de ses partenaires de recherche italiens. Aucun service de support ne lui est désigné à Bruxelles. Elle peut continuer à travailler avec le CEMISS - qui a demandé la prolongation de son mandat -, mais aucun accord n’a été pris avec cette équipe pour organiser une collaboration dans de telles conditions.

L’allure des plus traumatisantes de ce rappel a pour conséquence que Myrianne COEN en est très affectée - qui ne le serait pas à sa place ? Elle est actuellement en indisponibilité médicale pour un accident de travail d’un tout nouveau type, provoqué par du harcèlement. C’est pourquoi, défendue par Maître Jean-Maurice ARNOULD et Maître Denis PHILIPPE, elle demande, devant le Tribunal des référés de Neufchâteau, que soit annulé ce rappel brutal de Rome vers Bruxelles, sans affectation compatible avec ses compétences et son statut.

En relisant ce parcours dramatique de Myrianne COEN, on est en droit de se poser au moins deux questions :

Pourquoi ce rappel, qui compromet d’aussi fécondes mais gênantes recherches ? D’autant que le poste de n°2 à l’ ambassade de Belgique en Italie se libère cet été, ce qui permettrait au Ministère d’y faire nommer Myrianne COEN et accessoirement, alors que son budget est en grave déficit, lui éviterait les frais de deux déménagements. Aurait-on peur qu’un travail en collaboration avec des compétences étrangères, mené selon les critères objectifs de la recherche, ne mette en évidence certains faits ?

Pourquoi ne la fait-on pas bénéficier d’une protection diplomatique effective ? Si la Belgique veut commencer à traiter son problème de criminalité organisée, et notamment l’infiltration de celle-ci dans ses services publics, il convient prioritairement de protéger à titre préventif témoins et fonctionnaires compétents et actifs dans ces matières.

La Belgique, la tête dans le sable
Quelques considérations générales encore.


A l’étranger (...RESTE INCHANGÉ...) dans les administations belges.
A l’étranger, on s’inquiète beaucoup des trafics de passeports et visas dans les administrations belges. En effet,

En effet, la mise au point de passeports infalsifiables complique la vie des faussaires, mais n’apporte aucune solution au problème posé par l’octroi de tels documents à des criminels ou à des terroristes, qui bénéficent ainsi d’un droit d’accès sécurisé chez nous et et chez nos partenaires Schengen. Or, les ambassadeurs, consuls ou hauts fonctionnaires qui ont délivré sans consultation préalable passeports et visas à des condamnés et à des personnes recherchées n’ont jamais été sanctionnés et poursuivent normalement leur carrière. Sans leur aide, les personnes poursuivies auraient dû s’adresser à leur commune d’inscription pour obtenir un nouveau passeport : elles y auraient été interpellées par la police, alors qu’aujourd’hui, elles sont sans doute encore en liberté, bénéficiant de surcroît, vraisemblablement, de la prescription. L’aide apportée activement par ces agents de l’Etat à des délinquants fait partie des processus qui maintiennent opérationnels les réseaux criminels qui trafiquent femmes et enfants, drogues et armes [1] . Le Maroc fut plus rapide que la Belgique en la matière. Il fallut en effet que les autorités marocaines condamnent à quatre ans de prison, pour semblables trafics, l’amie de notre Consul à Casablanca pour que notre Ministère des Affaires étrangères rappelle à Bruxelles le consul, pour complicité.

Depuis des semaines, le Comité de contrôle des services de renseignements (Comité R) a transmis à l’intention de la Commission parlementaire compétente un rapport sur les trafics de documents au Ministère des Affaires étrangères. Cependant, ce rapport n’aurait jamais été remis à ses destinataires, c’est-à-dire aux parlementaires membres de cette commission. Pourquoi ? Certaines personnalités politiques considèrent-elles ce qui y figure comme à ce point explosif qu’elles préfèrent maintenir la population dans l’ignorance... au moins provisoirement, afin que nous ne puissions tenir compte de la situation dans ce secteur lors de notre vote du 13 juin 2004 ? Pourtant, c’est bien d’une situation structurelle qu’il s’agit, et non d’un fait occasionnel qui pourrait influer de manière injustifiée sur les résultats des élections.

Il n’est pas question pour nous d’agiter l’épouvantail du « tous pourris » : paradoxalement, ceux qui s’ingénient à le faire ne cherchent qu’à désamorcer la réaction contre une situation de plus en plus préoccupante. Nous voulons seulement éviter que notre société se scinde entre ceux qui agissent hors-la-loi ou protègent des criminels, d’une part, et ceux qui en sont les victimes, de l’autre : les victimes directes, femmes et enfants assassinés ou dont la vie est définitivement brisée ; les victimes indirectes, ceux qui ont pour mission de protéger la société et qui, fonctionnaires, magistrats, policiers sont harcelés au risque d’y perdre la vie.

Anne-Marie ROVIELLO

Trois réflexions concernant la mafia : en Italie, elles avaient déjà cours en 1993 ; elles peuvent expliquer bien des faits observés aujourd’hui en Belgique.

« On pourrait ainsi donner des contours précis à certaines zones de la criminalité en col blanc, dont les sujets, habitués à recourir à des formes de violence « douce », ne répugnent pas à utiliser les méthodes et la violence de la mafia qui les assiste pour assurer les avantages recherchés, risquant au maximum d’inoffensives censures pour omission et négligence qui ne sont jamais cependant reconnues comme délits.

Par ailleurs, (...) il ne faut pas sous-estimer l’action de « contagion » que la mafia exerce sur divers secteurs de la population qui, après avoir expérimenté la frustration consécutive à un comportement constamment respectueux de la loi, capitule en collusions et contiguïtés qui servent à tout le moins à se soustraire aux vexations, sinon à conquérir des positions avantageuses.

Un membre de la mafia à propos d’un magistrat qui exerce son métier en conformité avec la loi : "Ce magistrat a fait des folies. Il est allé regarder dans les banques, là où passe l’argent. Des choses folles !...". Une telle exclamation traduit véritablement l’éthique mafieuse d’un ordre construit à son image et à sa ressemblance, consolidé d’une pratique longue de plusieurs décennies, qui se pose comme base d’un processus de délégitimation des instances et des membres des institutions étatiques qui persistant à se référer aux principes de l’ordre démocratique. Ce sont ces derniers qui finissent par être considérés comme des illégaux, et par être traités en conséquence. Les victimes dans les rangs de la magistrature, des forces de l’ordre et des responsables politiques s’inscrivent toutes dans cette perspective. De fait, ce ne sont pas le policier en collusion, le magistrat "flexible" ou le commissaire corrompu qui meurent, mais les hommes les plus remarquables pour leur correction et leurs capacités professionnelles ».
[1] A ce sujet, lire aussi "Lutte contre la criminalité organisée - Le Parlement a-t-il encore failli "aller trop loin" ?