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Une nuit au trou à cause de la lutte des (1ère et 2e) classes – épisode 3
by Marco Van Hees Tuesday, Jun. 08, 2004 at 10:14 AM
marcovanhees@swing.be 0473/411.021

Décidément, cette affaire n'est pas avare en rebondissements. Mais vu que mes modestes tentatives de mettre un peu d'humour dans ce monde de brutes me sont systématiquement renvoyées sur la tronche, j'essayerai de ne plus succomber à la tentation des traits d'esprit faciles et des calembours vaseux. Par exemple, à propos de la date de la deuxième audience de mon procès, je ne dirai pas qu'on n'oublie pas son 1er juin. Le procureur pourrait en profiter pour m'ajouter l'inculpation de consommation «problématique» de cannabis. Voilà donc, le plus sèchement et brièvement possible, ce qui s'est passé à l'audience.

Cette fois, l'identité des destinataires de la convocation du substitut du procureur du roi de Mons – excusez la matriochka syntaxique – est la bonne. Les deux contrôleurs des brigades spéciales de la SNCB sont bien là et le tribunal a prévu un traducteur pour ces deux personnes d'expression néerlandophone. Visiblement mal à l'aise, elles relatent les faits devant la juge. Et, en gros, leur version n'est guère éloignée de celle que j'ai livrée dans les épisodes précédents. En tout cas, jamais le mot «coup» ne figurera dans leur témoignage.

Pourtant, ce terme apparaît bel et bien dans la déposition du contrôleur de sexe masculin. Je lui demande donc à l'audience d'expliquer cette discordance et il répond qu'il entendait par «coups» les événements qu'il venait de décrire. A savoir qu'ils m'ont agrippé (vigoureusement) par la veste tandis que j'exerçais une force en sens inverse pour essayer de poursuivre mon chemin, que j'ai fait tomber leur képi, que j'ai tiré sur la cravate à élastique du monsieur, ce qui a également fait tomber la pince de celle-ci. Voilà ce que résument, selon lui, les mots : «J'ai reçu des coups».

Osons une comparaison culinaire. Vous faites revenir des oignons et des lardons dans une poêle. Vous y ajoutez des oeufs que vous avez préalablement battus, ainsi que des herbes potagères finement hachées. Et comme vous ne savez pas exactement comment nommer cette recette, vous résumez pour vos invités : «Je vous ai préparé un poulet compote.»

Ceci dit, à l'instar de Dieudonné pour les propos antisémites qu'il n'a pas commis, je suis prêt à demander pardon. Pardon, képis, pour vous avoir fait culbuter sur la voie publique. Pardon, pince à cravate, pour vous avoir imposé un vertigineux saut à l'élastique. Pardon, même, Madame la contrôleuse, Monsieur le contrôleur, pour vous avoir mis dans une situation qui, peut-être, étant donné votre formation à la répression de la fraude, vous a poussés au faux témoignage.

Par contre, mon sens inné de la charité n'est pas assez développé pour, à ce stade, demander pardon à la direction de la SNCB qui, ce 1er juin, a envoyé un avocat à l'audience afin de prendre part au procès en raison des calomnies ou diffamations (il n'a pas encore biffé la mention inutile) que j'aurais répandues dans la presse et sur internet.

Je ne sais pas si vous percevez bien la situation : deux agents de la SNCB confient implicitement au tribunal qu'ils ont fait un faux témoignage et c'est moi que leur direction accuse de calomnie ou diffamation. Se serait-elle, elle aussi, trompé de nom ? A moins que...

La calomnie est une imputation mensongère qui attaque la réputation, l'honneur. La diffamation, elle, n'est pas forcément mensongère. En relatant les faits dans la presse (répondant aux questions du Soir, de La Dernière Heure, de La Nouvelle Gazette et d'Antenne Centre) et sur internet, je n'ai exposé que la vérité sur les agissements de la SNCB, de la police, du parquet. Mais cette vérité, convenons-en, est une atteinte à leur réputation (je ne dirai rien de leur honneur car j'ai promis d'être gentil). D'une certaine manière, on pourrait donc soutenir que je forme avec Madame La Vérité une association de malfaiteurs diffamant les nobles institutions publiques (plus longtemps pour la SNCB) de ce pays.

Mon avocate, cependant, voit les choses autrement. Interrogée par Antenne Centre à la sortie de l'audience, elle déclare que la procédure lancée par la direction de la SNCB est une atteinte à la démocratie et à la liberté d'expression (Là, s'il y a des suites, c'est pour sa pomme. Elle se prend pour Gino Russo ou quoi ? Moi, j'étais bouche cousue devant la caméra).

Même m'exprimant en l'absence de mon avocate, je ne peux pas lui donner entièrement tort. Jetons en effet un coup d'oeil sur le synopsis des événements.

Situation initiale : pas de place dans les convois à bestiaux de la SNCB, je profite d'une survivance du 19e siècle pour dénicher un siège dans le compartiment «Rich only».

Développements :

1. les contrôleurs me collent une amende sans sommation;

2. outrepassant leurs pouvoirs, les contrôleurs m'agrippent par la veste avec (une certaine) violence;

3. un agent de la police locale intervient en m'étranglant (légèrement);

4. les contrôleurs font une fausse déclaration;

5. la police des chemins de fer me menotte et m'emmène au poste;

6. le substitut du procureur me fait passer une nuit au cachot;

7. le même substitut m'inculpe en procédure accélérée;

8. la section terrorisme de la police fédérale communique mon récit des faits publié sur le site Indymedia (qu'elle espionne donc quotidiennement);

9. la police fédérale joint au dossier le fait que, selon ses fichiers, je suis membre du PTB (un espionnage politique pour lequel j'étudie les moyens de plainte possibles);

10. le parquet convoque les mauvaises personnes au tribunal, ce qui fait une audience pour rien, sauf pour ma note d'avocat;

11. la direction de la SNCB intervient dans l'affaire en m'accusant de calomnie ou diffamation.

Avouez que le scénariste ne manque pas d'imagination... Il aurait pu être tenté de forcer le trait en inventant que la prochaine audience de ce procès en procédure accélérée se tiendra le 1er février 2005. Mais il n'a même pas à l'inventer...

Marco Van Hees, 0473/411.021


PS (si je puis dire) : comme vous l'avez peut-être noté dans ce récit, selon le fichier de la police, je suis membre du PTB. Le document joint au dossier indique entre parenthèses : distribution de tracts. La police politique peut désormais y ajouter : candidat sur la liste PTB aux élections régionales du 13 juin 2004 dans l'arrondissement de La Louvière-Soignies. Mais de grâce, si l'idée saugrenue de voter pour moi vous passait par la tête, n'en faites rien. Imaginez si j'étais condamné à l'issue du procès, en 2023... Par contre, rien ne vous empêche de voter pour un autre candidat PTB (comme mon ami Jan-Harm Keijzer qui pratique la médecine gratuite à La Louvière) ou en case de tête, sur base du programme : 1) Droit à la prépension à 55 ans avec embauche d'un jeune. 2) Médicaments moins chers pour la sécu et entièrement remboursés pour le patient. 3) Impôt de 1% sur les fortunes de plus de 500.000 euros. Plus d'infos sur http://www.ptb.be.


Premier épisode :

http://archive.indymedia.be/news/2004/03/81220.php

Deuxième épisode :

http://archive.indymedia.be/news/2004/03/82451.php