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Guatémala : l’occupation de bâtiments comme ferment d’une autre culture
by Lorenzo Jacobo Monday, Jun. 07, 2004 at 8:53 AM
comunidadautonoma@yahoo.com.mx

Ce vendredi 4 juin 2004, à 17h30, 80 personnes ont ouvert un bâtiment abandonné situé dans le centre de la capitale du Guatemala (zona 1), la Ciudad de Guatemala. Les participants à l’occupation répondent ainsi à l’appel d’un réseau créé récemment, baptisé « Bloc Anti-Impérialiste, une communauté autonome ».

Guatémala : l’occupa...
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Par cette action, le réseau inaugure un ensemble d’initiatives publiques à
l’occasion des 50 ans de l’intervention états-unienne au Guatémala et du
coup d’Etat qui a renversé le Président Jacobo Arbenz, le 27 juin 1954.
Les personnes rassemblées dans le Bloque affirment vouloir faire de
l’endroit, s’ils et elles peuvent le garder, un espace d’organisation, de
formation et d’expression indépendant des pouvoirs publics. Mais quelle
que soit l’issue des négociations engagées avec le propriétaire, les
occupants invitent la population guatémaltèque à prendre part aux
activités que le bâtiment accueillera pendant le week-end.

Il est un peu plus de 17h lorsque la petite troupe réunie dans le Parque
central de la Ciudad de Guatemala se lève, pour se regrouper derrière une
banderole sur laquelle on peut lire : «¡ No pedimos ! Tomamos lo que es
nuestro » (« Nous ne demandons pas ! Nous prenons ce qui nous appartient
»). Sous l’oeil intrigué des marchands ambulants, des cireurs de
chaussures et des habitants de la capitale, la centaine d’hommes et
femmes, jeunes pour la plupart, se met en route vers un objectif dont
seuls quelques-uns d’entre eux connaissent la localisation précise. Un
membre de « Hijos » - collectif constitué de fils et filles de victimes
des 36 ans de dictature – se saisit d’un mégaphone et lit le long du
parcours une déclaration sur le pourquoi de l’action [voir communiqué
ci-dessous].

« Nous arpentons aujourd’hui le centre historique de la capitale, pour en
finir avec le silence qui pèse sur les 50 ans d’ingérence yankee dans la
vie de nos communautés ». Ses paroles sont de temps à autre noyées dans
les flots de décibels que déversent les stands des vendeurs de CD copiés,
ces « pirates » que le Traité de Libre Echange (TLC) entre les USA et les
Etats d’Amérique Centrale s’apprête à pourchasser, au nom des George W.
Bush et autre Bill Gates.

Après une vingtaine de minutes de déambulation, le cortège quitte la 6ta
Avenida pour s’engager dans la 8va Avenida et déboucher dans la 12 calle.
L’allure ralentit. En bas de la rue, des compagnons dévient le trafic
automobile. On déploie une nouvelle banderole, parallèlement à la façade
d’un grand bâtiment décrépi. Un groupe électrogène rentre en action et,
sous le couvert pudique de la banderole, les membres de la « comisión toma
» (commission prise du bâtiment) manient tournevis, foreuse et
vilebrequin. La double porte métallique semble plus coriace que prévu. Les
minutes s’égrènent, suspendues aux martèlements de ce chantier improvisé.
Une fourgonnette de la Police Nationale Civile s’arrête au carrefour en
contrebas… puis poursuit sa route. De l’autre côté du rideau, chacun
retient son souffle.

La porte finit par céder, sous les applaudissements et les flashs des
appareils photos amis (la presse n’ayant été conviée sur place que plus
tard). Personne ne se rue à l’intérieur, c’est très progressivement,
presque timidement, que la foule pénètre dans l’édifice.

Quand on en a franchi le seuil, on se rend vite compte que la poussière et
l’humidité y font la loi. Le lieu est nu, littéralement. Pas une
tuyauterie, pas une porte n’y ont été laissés. Dans la presque pénombre
d’une journée finissante (au Guatémala la nuit tombe invariablement vers
18h, été comme hiver), beaucoup de participants à l’action écarquillent
les yeux… d’étonnement. Ce sont des centaines et des centaines de mètres
carrés inutilisés qui s’offrent là, à 2 km. à peine des bidonvilles
surpeuplés de la plus grande ville d’Amérique centrale, où les pluies
diluviennes des 4 derniers jours viennent de causer des glissements de
terrain parfois fatals. L’immeuble a appartenu à des clubs états-uniens,
avant d’être acheté par l’Etat, pour son service des Migrations. Un doute
subsiste sur son propriétaire actuel, mais dans le groupe des nouveaux
arrivants, l’heure n’est pas aux hypothèses. Tout est à faire pratiquement
pour permettre la vie dans ce lieu au moins pendant le week-end, et
peut-être au-delà.

Quelqu’un bat le rappel des occupants, dispersés dans le vaste vaisseau,
et une première assemblée se forme, dans la quasi obscurité. Un avocat
informe tout le monde de la situation légale : « Pour pouvoir rentrer ici,
la police doit disposer d’un ordre de justice. Nous sommes vendredi soir,
et samedi et dimanche ils ne peuvent pas obtenir ce document. De plus,
même en cas de délivrance d’un ordre judiciaire, une période légale de
négociation doit être respectée. Cette période dure 6 heures à partir du
moment où l’ordre judiciaire est accordé à la police. A la fin de ces 6
heures, s’il n’y a pas d’accord avec le propriétaire, chacun des occupants
est libre de choisir s’il attend ou non l’intervention des forces de
l’ordre ». Comme pour illustrer ce propos, l’arrivée de la police,
justement, est annoncée à l’entrée. Les agents, très tranquilles, viennent
seulement voir de quoi il retourne. Ils ne tenteront pas de pénétrer dans
l’immeuble, du moins aujourd’hui. Ni de chercher à savoir qui rentre dans
le bâtiment ou qui en sort.

A 19h, l’assemblée se termine. La plupart des occupants se repartissent
entre les différentes commissions chargées de gérer la vie du groupe dans
ses nouveaux appartements : communication, nettoyage, culture & politique,
assemblée populaire…

Deux choses sont déjà acquises.

Tout d’abord, le « moment fort » de l’occupation sera une assemblée
populaire à laquelle ont été invités de nombreux mouvements et
organisations, comme une association représentative de la Magistrature, la
CONIC (Coordination Nationale Indigène et Paysanne) ou encore le COS
(Collectif d’Organisations Sociales). Le projet de cette assemblée
populaire est, pour citer un membre de Hijos : « pour la première fois
dans ce pays, de discuter de la manière dont se font les choses, dont se
pratique la politique ». Et de tracer des pistes pour un renouvellement de
ces pratiques.

Ensuite, tout le monde paraît s’accorder sur le fait que la réussite de
l’action ne sera pas dépendante de sa durée. Comme l’ont dit les
participants dès ce soir : « Si nous ne pouvons garder le lieu, nous le
rendrons dans l’état où nous l’avons découvert – sans dégâts, sans tags ou
graffitis… ». Une autre façon de faire comprendre que cette occupation,
comme celles que mènent les paysans sans terre dans de nombreuses fincas
du pays, vise a construire des passerelles, plutôt que des barricades.

Lorenzo Jacobo

Tous messages de soutien ou demandes d’information sont à envoyer à :
comunidadautonoma@yahoo.com.mx

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Premier communiqué du Bloque Anti-imperialista, una comunidad autonoma.

50 ANS APRES L'INTERVENTION YANKEE
LASSES DU SILENCE

Prenons ce qui nous appartient et faisons-nous entendre

Nous prenons aujourd’hui possession de cet espace. Nous, jeunes, hommes et
femmes fatigués de l’injustice et de la négation de notre existence. Nous
exprimons de la sorte notre rejet d’un Etat qui exclut la majorité de la
population, maintient et perpétue les structures sociales, économiques,
politiques et militaires accentuant ainsi la pauvreté, la violence et les
inégalités.

Il nous revient aujourd’hui en mémoire ce qu’a laissé derrière elle
l’intervention yankee : les gouvernements militaires imposés par le Nord,
les villages entiers qui ont subis les tirs, la terreur, la sauvagerie et
l’humiliation de la terre brûlée ; les jeunes, les étudiants, les
syndicalistes et les travailleurs que l’on a réduit au silence pour le
simple fait d’avoir dit ce qu’ils pensaient.

Depuis lors, cette terre conserve dans ses entrailles les restes de ceux
qui ont osé rêver et essayé de changer un Guatemala chaque fois plus
meurtri par les balles mais aussi par la faim, le froid, la diarrhée, le
paludisme, l’esclavage et par la vie nomade et misérable imposée par ces
familles cossues et fières de leurs noms, espagnols ou allemands, qui ont
toujours utilisé les armées génocidaires et traîtresses pour soumettre nos
frères et nos sœurs.

Le Guatemala est toujours un pays réduit au silence, un pays impuissant
face à la manipulation de la vérité, face à la répression de l’expression,
des opinions, de l’information et de la pensée qui transforment notre
réelle participation dans les processus politiques et sociaux du présent
en vaines paroles.

Aujourd’hui, le fermeture des espaces de participation, d’expression et de
proposition touche la société dans son ensemble mais surtout la jeunesse
qui ressent la nécessité d’avoir son mot à dire et de générer des formes
alternatives d’organisation lui permettant de s’exprimer et de
démocratiser le pouvoir de la parole, des dénonciations, des
revendications et des propositions.

Depuis cette Maison Occupée nous voulons dénoncer :
• La fermeture et le manque d’espaces d’organisation, de participation, de
formation, d’éducation et d’expression pour la population.
• L’usurpation de nos terres par les monopoles nationaux et
transnationaux, militaires et oligarchiques.
• Les expulsions violentes et illégales dont sont victimes les communautés
paysannes et indigènes dans les campagnes et les habitants des zones
urbaines.
• Le pillage de nos ressources et les déplacements forcés provoqués par
les projets économiques et énergétiques transnationaux.
• La présence de troupes états-uniennes avec leur équipement militaire au
sein de plusieurs communautés de notre pays.
• L’attitude du gouvernement actuel oligarchique qui accepte les
politiques guerrières de la Maison blanche et qui, feignant de réduire les
affectifs de l’armée, est en train de la réarmer contre le mouvement
populaire, paysan et indigène qui s’oppose et s’organise face aux plans
économiques et militaires imposés par le Nord.
• La création de nouveaux impôts par le gouvernement qui touchent la
majorité de la population et tentent d’occulter le fait que ce sont les
riches de ce pays qui doivent payer plus pour permettre de plus grands
investissements dans le secteur social.


BLOC ANTI-IMPERIALISTE, UNE COMMUNAUTE AUTONOME

Guatemala, 4 juin 2004

[Traduction : Anne Vereecken]

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