Pour la deuxième année
consécutive, un autre front commun se concrétise,
celui qui rassemble organisations syndicales, avec la formidable
l'égitimité que leur confère une
représentativité considérable et mouvement
associatif, avec le volontarisme qui le caractérise. Et
même, aujourd'hui, avec, à nos côtés, des
représentants d'organisations mutualistes. Face au pouvoir
de l'argent, un contre pouvoir se construit. Il est en marche.
Nous sommes rassemblés pour
exprimer une exigence et formuler un rejet. Notre exigence, c'est
celle d'une Europe fidèle à ses valeurs. Des valeurs
qui s'appellent, bien entendu, liberté, mais aussi, et tout
autant, solidarité.
Notre exigence, c'est celle d'une Europe
qui ne s'intègre pas seulement sur les plans commerciaux,
économiques et financiers, mais aussi, et avec la même
intensité, une Europe qui existe dans le social,
l'environnemental et le fiscal.
L'Europe sociale. On nous la promet à
chaque scrutin. On nous la promet à chaque traité.
En 1992, il y a douze ans déjà, Jacques Delors
affirmait: «adoptez le traité de Maastricht et
nous ferons l'Europe sociale tout de suite après».
On attend. Encore et toujours.
Mais entre-temps, ils ont fait l'Europe
de la finance avec une Banque Centrale sur laquelle le pouvoir
politique, cest-à-dire le pouvoir qui tire sa légitimité
de la souveraineté populaire, a perdu tout contrôle.
Nous voulons l'Europe sociale parce que
l'Europe sans la solidarité, ce n'est pas l'Europe,
c'est une société fondée sur l'inégalité,
c'est la copie du modèle de société
américain. Cest une société du chacun pour
soi où l'éducation, l'accès aux soins de
santé, la culture, les sports et un certain nombre de
services auxquels tous ont droit ne sont accessibles qu'à
ceux qui peuvent les payer.
Mais, et nous en sommes parfaitement
conscients, nous n'aurons l'Europe sociale que si nous nous
battons pour l'arracher à ceux qui la refusent comme à
ceux qui la promettent sans jamais la réaliser. L'Histoire
nous l'apprend: les avancées sociales ne sont jamais des
cadeaux; ce sont toujours des conquêtes.
Nous voulons l'Europe sociale, et c'est
parce que nous la voulons que nous rejetons le projet de
Constitution européenne qui renforce, légalise et
pérennise l'Europe des marchés et des marchands. Et
c'est parce que nous voulons l'Europe sociale que nous rejetons ce
projet de directive présenté par le Commissaire
libéral Bolkestein et adopté par tous ses
collègues, y compris les neuf sociaux démocrates et
l'unique écologiste.
Cette proposition, qui entend
libéraliser les services dans lespace européen, est
exemplaire de lEurope que nous ne voulons pas, de lEurope qui est
uniquement au service de largent et des intérêts
privés, de lEurope qui réduit peu à peu le
champ démocratique, de l'Europe qui organise la casse
sociale, de l'Europe qui nous soumet chaque jour un peu plus à
la mondialisation néolibérale.
Cette proposition, qui émane de
l'institution la moins démocratique d'Europe, est une
véritable agression contre la démocratie parce
qu'elle entend, je cite, «mettre fin au pouvoir des
autorités locales», c'est-à-dire mettre
fin au pouvoir communal, au pouvoir de l'institution la plus
proche des gens. Elle agresse aussi la démocratie parce
qu'elle constitue une machine de guerre contre les services
publics et parce qu'elle viole le droit européen existant.
Ce projet de directive n'est pas
amendable, parce que toute la philosophie qui sous-tend chacun de
ses articles est celle de l'Etat minimum cher aux néolibéraux.
Nous sommes ici pour exprimer une même volonté: que
ce projet soit retiré.
Je terminerai en m'adressant aux
représentants des partis politiques qui ont tenu à
être présents, cet après-midi, à nos
côtés. Votre présence, mesdames et messieurs
qui avez vocation à nous représenter, souligne
quelques contradictions:
- certains d'entre vous appartiennent à
des partis politiques dont les représentants au Parlement
européen adoptaient, le 13 février 2003, une
résolution dont le point 35 demandaient l'application du
«principe du pays d'origine», une des dispositions les
plus contestables de la proposition Bolkestein;
- tous, en tout cas je madresse aux
partis qui, à un moment ou un autre, ont participé
au gouvernement du pays, tous, vous soutenez ce projet de
Constitution européenne que nous rejetons et qui va rendre
quasiment irréalisables la plupart des promesses que vous
êtes en train de faire aux électeurs.
Votre présence ici ne peut donc
que nous inciter à une vigilance accrue à votre
égard. Etre ici, aujourd'hui, vous engage. Soyez persuadés
que nous surveillerons la manière dont vos élus se
comporteront au Parlement européen si par malheur la
proposition Bolkestein leur est soumise. Et nous en rendrons
compte. Le double langage peut tromper un temps. Il ne peut pas
tromper tout le temps.
On ne peut pas, en même temps,
servir les patrons et le peuple. A vous de choisir. Notre choix,
quant à nous c'est celui d'une Europe des citoyens, par les
citoyens, pour les citoyens.
Raoul Marc JENNAR OXFAM/URFIG
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