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Congo / Criminel de guerre Nkunda devient source fiable
by raf Thursday, Jun. 03, 2004 at 10:25 AM
raf@indymedia.be

Mercredi, la ville congolaise de Bukavu – sur la frontière avec le Rwanda - est tombée dans les mains des troupes de Laurent Nkunda et Jules Mutebusi. Ces mutins ont pris la ville sur les troupes du general Mabe (armée congolaise) et les casques bleus de la MONUC. Pourquoi? pour sauver les Banyamulenge. C'est ce déclarent les médias en citant "le général Nkunda" (tout en oubliant son passé de criminel de guerre).

Il faut le dire: depuis le début de la guerre au Congo en aôut '98 les médias ont fait des progrès. RTL hier soir qualifiait les nouveaux maîtres de Bukavu comme appartenant au mouvement rebelle RCD, qui fait maintenant partie du gouvernement de Kinshasa, mais qui est appuyé par le Rwanda. Pour certains, cela a pris six ans pour reconnaître que le RCD est à la solde du régime rwandais, inshallah. Leur faudra-t-ils autant de temps pour dire ce qui se passe maintenant?

Il y a une semaine, le mercredi 26 mai, le colonel Mutebusi a été empêché de traverser la frontière et se rendre au Rwanda, par des militaires de l'armée congolaise sous la commande du general Mbuza Mabe, commandant de la Dixième Région militaire. Mutebusi s'en prend à ses supérieurs. Cet incident est le début d'une nouvelle mutinerie qui s'est traduit les jours suivants en guerre ouverte et dont la dernière épisode est la prise de Bukavu par les rebelles (accompagnés par au moins deux batallions de l'armée rwandaise). Mutebusi a été destitué de ses fonctions après un premier acte de mutinerie en février, cette fois-là contre le général Nabyolwa, le prédecesseur de Mabe. Un problème "essentiellement militaire et interne à l'armée" est donc à la base de ce qui suit.

A Bukavu les troupes de l'armée congolaise sous le général Mabe stabilisent d'abord la situation. Jeudi le 27, le ministre congolais Kamerhe demande expressément "à la population de Bukavu et des environs en particulier, et le reste de la communauté nationale, en général, à éviter de politiser la question qui est et demeure essentiellement militaire, en même temps qu’il avait fait interdiction à toutes les chaînes de radio et de télévision sur l’ensemble du territoire national, de diffuser tout débat ou message haineux et revanchard, de nature à envenimer la situation". Ce jour-là, le gouvernement s'était entretenu avec les ambassadeurs accrédités à Kinshasa sur la situation prévalant à Bukavu. "Le gouvernement a à cette occasion attiré l’attention des diplomates étrangers sur l’exploitation des événements de Bukavu par certains politiciens congolais et par le Rwanda. Ils ont attiré leur particulière attention sur le fait que, misant sur la carte et la corde sensible de la victimisation, les Banyamulenge allaient certainement crier au secours du Rwanda et de la Communauté internationale face à un pseudo génocide qui serait en préparation contre les ressortissants de leur communauté". Cela est dit dans un mémorandum publié le lendemain, vendredi le 28 mai.

Nkunda sauveur

Dans ce même texte, on peut lire également que "pour on ne sait quelle raison, le Colonel MUTEBUZI a organisé un départ massif des familles Banyamulenge vers la ville voisine de Cyangungu, au Rwanda".
Dans les médias on fait état d'exactions contre la population à Bukavu. Colette Braeckman, dans Le Soir du 29 mai, écrit: "Très vite, la force des Nations Unies s’employa alors à sécuriser, non seulement la cinquantaine d’expatriés présents à Bukavu et qui participaient à une semaine belge (sic !) mais aussi de nombreux Tutsis congolais, (les Banyamulenge) qui furent rassemblés à son quartier général. Sage précaution : les maisons de ces Tutsis congolais furent touchées par des pillages et on enregistra aussi cas de viols, les autres militaires ainsi que la population reprochant aux familles des mutins et aux Banyamulenge en général d’être des complices du Rwanda".


Etape suivante: "Laurent Nkunda décide alors de partir, à la tête d’un bon millier de soldats, à la conquête de Bukavu défier le général Mbuza Mabe", écrit le journal Le Potentiel du 1 juin. "Le colonel dissident est issu du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), l'ex-rébellion alliée au Rwanda pendant la guerre en RDC qui a aujourd'hui intégré les institutions de transition mises en place l'an dernier dans le cadre d'un processus de paix", ajoute AFP (Agence de Presse Française) et puis: "Il est à la tête d'un groupe de militaires banyamulenge, des Tutsis congolais, souvent rwandophones, dont plusieurs dirigeants de Kinshasa mettent toutefois volontiers en doute l'authenticité de la nationalité congolaise". L'AFP ne cessera d'insister sur cette phrase: les Banyamulenge sont mal vus à Kinshasa.

Génocide?

La désinformation fait son boulot, la boule de neige prend du volume: il n'est plus question de mutinerie ni de se méfier des prétextes etnicistes; ça devient évident maintenant: les Banyamulenge sont persécutés, il y a génocide à Bukavu, Nkunda se précipite pour les sauver.

Celui qui parle le premier de génocide, c'est Kin-Kiey Mulumba, rédacteur en chef du journal Le Soft, un papier de l'extrême droite mobutiste, Mulumba lui-même ayant rejoint à un moment donné les rangs des "rebelles" du RCD. «GÉNOCIDE BANYAMULENGE»? est intitulé un article dans Le Soft du 28 mai, notez bien les guillemets et le point d'interrogation. Notez aussi sa manière d'insinuer dans cette phrase-ci: "Depuis Kinshasa, le ministre de l’Information et de la Presse Vital Kamerhe, un Shi proche du chef de l’ État, et dont certains disent qu’il est un Hutu de la province rwandaise de Ciangungu (sa famille est installée sur l’une des collines de Kigali, Nyamirambo), égrène un discours hostile contre les Tutsis et contre le Rwanda, ce qui a pour conséquence d’attiser la haine ethnique". Autrement dit: Kamerhe est un Interahamwe génocidaire.

En réalité, la mutinerie de Mutebusi et les siens ne tombe pas du ciel. Depuis quelques mois l'on peut lire régulièrement que des meetings secrets ont eu lieu auxquels des hauts responsables du RCD et rwandais ont participé. En février, Mutebusi fait un premier essay, et la MONUC ne réagissant pas, il constate que le rapport de force est largement dans son avantage. Quelques jours avant la deuxième mutinerie, on signale la présence de centaines de militaires rwandais (!) dans le centre du Congo et notamment à Kikwit, à quelques 500 kilomètres de la capitale Kinshasa. Ils ont pu infiltrer grâce à la présence d'un autre officier-RCD à Kikwit.

Toujours pendant la semaine précédente, les nouveaux gouverneurs et leurs adjoints doivent prêter serment. "La Territoriale" – disons: la nomination de gouverneurs – met en place une nouvelle repartition politico-territoriale dans laquelle il n'est plus évident que le RCD reste maître dans les provinces de l'Est, occupés pendant la guerra par l'armée rwandaise et ses collaborateurs. D'ou Le Soft d'écrire le 28 mai: " Le Sud-Kivu dont la capitale Bukavu connaît depuis trois jours de nouveaux affrontements armés entre soldats d’une même armée, est une province qui, faute de leadership, s’enfonce dans le chaos". C'est-à-dire, si des gouverneurs non appartenant au RCD soient nommés pour le Kivu, la province se retrouve faute de leadership et nous allons organiser le chaos.

Rebelles RCD divisés

Chose étrange: le gouvernement de Kinshasa insiste sur un règlement politique et diplomatique. Il dépêche un négociateur à Kigali pour convaincre le président Kagame de ne pas intervenir au Kivu, puisqu'il s'agit d'une affaire interne et propre à l'armée congolaise. Il envoit également à Goma une délégation de trois ministres sous la conduite du vice-président Azarias Ruberwa (RCD lui aussi). La délégation n'est pas accueillie les bras ouverts par les authorités (RCD) à Goma, qui ont d'ailleurs laissé partir Nkunda avec ces mutins, l'armée congolaise étant commandé, écrit Demain Le Congo du 1 juin, "par le général Obedi de l’ex-branche armée du Rcd". Ruberwa est coincé: il va à son tour convaincre (son confrère RCD) Nkunda d'arrêter sa marche sur Bukavu.

Or, après des jours de combats, certains médias prennent en compte cette situation-là et on peut lire par exemple dans Le Potentiel du 1 juin: "Certains analystes font remarquer qu’il existerait de profondes
contradictions
entre la direction politique, installée à Kinshasa sous la conduite d’Azarias Ruberwa, et celle du staff militaire, basé tantôt à Goma, tantôt à Bukavu. Ces contradictions porteraient sur la vision du Rcd en matière de gestion de la période de transition et sur sa finalité. Le courant politique paraît, aux yeux des militaires, « mou » et même « en passe d’être phagocyté » par le président Joseph Kabila. Ils accusent Ruberwa et les « politiques » d’avoir « trahi » l’idéal du Rcd, celui — semble-t-il — de prendre le pouvoir à Kinshasa, et non de le « partager ». Cependant, certains observateurs de la scène politique congolaise font remarquer que Laurent Nkunda et ses compagnons d’armes auraient des choses à se reprocher, notamment leur implication dans de nombreux massacres des civils dont ceux de Kisangani. D’ou, leur crainte de se retrouver un jour devant des tribunaux militaires pour répondre de leurs actes. C’est au sein de ce noyau dur de l’état-major de l’ancienne branche armée du Rcd, qui n’a cure de se rendre dans la capitale dans des conditions aussi risquées, qu’aurait jailli l’idée d’une troisième guerre, celle de la libération de l’Est. Avec le soutien « naturel » de Kigali, l’allié de toujours".

Une analyse intéressante mais assez unique. Voyons par exemple ce que dit un autre journal (et normalement pas des moins bons) Demain Le Congo à ce propos: "Azarias Ruberwa est mis devant le fait accompli : la frange militaire dissidente de son mouvement composée malheureusement de « Banyamulenge » s’est mutinée successivement à Bukavu et à Goma" et puis la conclusion (dans un autre article): "Trait commun à tout ce bon monde :ils sont de la tribu Banyamulenge".

Quel déclic! Mutebusi, Nkunda, Ruberwa, le général Obedi sont tous militants du RCD, mais ce qui prévaut dans les médias est qu'ils appartiennent à la "tribu Banyamulenge", une tribu qui n'existe pas puisqu'il s'agit d'une communauté de congolais allochtones venus en vagues et dans un passé plutôt lointain du Rwanda.

Infos câchées

Tous les Banyamulenge sont des Rwandophiles et des ennemis du Congo, tel est la thèse répandue. Qu'en est-il alors de Patrick Masunzu, lui aussi Banyamulenge? Réponse de l'ONG Héritiers de la Justice de Bukavu: "Des sources concordantes affirment le fait que les hommes du commandant Patrick Masunzu seraient en processus de ralliement à la dixième région militaire. Pour rappel, Patrick Masunzu s’était désolidarise du RCD et du Rwanda en 2002 et a jusque là collaboré avec d’autres groupes Mayi-Mayi dans les hauts et moyens plateaux du Kivu". Masunzu, en dépit de son label Banyamulenge, a donc co-organisé la guerilla pour combattre l'occupation rwandaise. Une donnée derangeante, elle ne trouve plus de place dans les schémas médiatiques.

Il y a d'autres témoignages du même type. Celle d'une autre ONG d'origine Bukavienne, le Groupe Jeremie, qui dit le 1 juin:
"Contrairement à l'opinion selon laquelle les banyamulenge vivant à Bukavu ont été victime d'un génocide lors des affrontements déclenchés le 26 mai 2004, opposant les éléments du Colonel Jules MUTEBUTSI à larmée régulière du FARDC, le Groupe Jérémie, tout en déplorant ce qui est arrivé, informe l'opinion tant nationale qu'internationale que

  • La communauté banyamulenge n'a aucunement été ciblé lors des hostilités ; il y a eu des morts dans la population civile de part et d'autres ;
  • Les familles congolaises ont protégé les banyamulenge qui se croyaient menacer, étant donné que le groupe des insurgés est commandé par un des leurs, jusquà les remettre à la Monuc que nous prenons à témoins à cet effet".

N'oublions tout de même pas qu'en effet les troubles et le chaos ont été créés par Jules Mutebusi et ses mutins.

Pourquoi ne trouvons-nous aucun echo de ce type d'informations dans les médias? Pourquoi par contre les médias dominantes citent-elles sans cesse le général Laurent Nkunda?

Ce matin sa photo (prise par l'agence de presse américaine AP-Associated Press) se trouve même sur la une des quotidiens. Il y pose téléphone portable à la main. Téléphone-t-il avec les agences de presse? Celles-là répètent ses déclarations. Dans un papier anglophone il est dit: "Brig Gen Laurent Nkunda said he had told his men to stop their advance to let Mr Ruberwa visit the town to investigate grievances of the ethnic Tutsi Banyamulenge group, reports the AP news agency.(...) "We were fighting because no one wanted to stop the genocide" of the Banyamulenge, Gen Nkunda said".

Même le porte-parole des Casques bleus de la MONUC reprend les paroles de Nkunda: "Interrogé sur les revendications des militaires dissidents, le colonel de la Monuc a répondu: "il (le général Nkunda) se dit inquiet pour la situation de la communauté banyamulenge (Tutsis congolais)" (AFP, 1 juin).

Mais pourquoi les contre-infos ne surgissent-elles pas? Pourquoi ne retrouve-t-on pas cette information reprise dans un bulletin de la coupole d'ONGs 11.11.11 du mardi 1 juin: "Nkunda dit que sa démarche est là pour protéger les Banyamulenge qui sont victimes d'un génocide. La Monuc déclare que ces accusations sont fausses. Mais à cause de la rumeur entre 1.500 et 2.000 personnes sont allé à Cyangugu"?

Criminel de guerre

Les médias ont plus de confiance en Nkunda, surnommé pourtant par certains "le boucher de Kisangani", ville dans laquelle ce général de brigade RCD s'est comporté comme véritable criminel de guerre. Dans une lettre du 1 juin, le président de la société civile du Sud-Kivu, monsieur Joseph M. Kyalangilwa, dénonce le jeu des médias et des mutins.
Monsieur Kyalangilwa écrit d'abord: "Toutes les informations et interviews de la journaliste Pauline Simonet sur place à Bukavu et que ne cesse de diffuser la RFI toutes les trente minutes jusque ce matin à 8h30, étaient quelque peu patiales. En fait ces informations n’étaient données que pour prouver que les congolais autochtones du Kivu ne veulent pas de banyamulenge. Et c’est la raison pour laquelle, selon Pauline Simonet, les banyamulenge quittent en masses la ville de Bukavu pour se réfugier à Cyangugu (Rwanda). Une des questions à poser ä cette journaliste de la RFI, est de savoir en présence de quels militaires elle a réalisé ses interviews dans la ville de Bukavu, à bord de quel véhiule elle a pu se rendre compte de ce qui se passait entre les éléments de la FARDC et les dissidents à Nyabibwe, Kalehe, Katana, Kavumu et Miti". Puis il constate que RFI a diffusé une autre cloche, l'analyse de Bob Kabamba de l'université de Liège, dont mr. Kyalangilwa ne nous donne malheureusement pas le contenu.

Suit alors sa conclusion:
" Lorsque chaque fois que les dirigeants et leaders de la Société Civile de la province du Sud-Kivu dénoncent courageusement toutes les anti-valeurs, pointent du doigt les commanditaires, les exécutants des guerres d’agression et d’occupation, nommemt les bourreaux des populations congolaises autochtones et les collabos et traîtres congolais, tous ennemis de la paix, les dirigeants et leaders de la Société Civile disions.nous, sont ainsi qualifiés et traités à tort d’Extrémistes et diabolisés comme tels par les responsables du RCD-Goma et tous les médias nationaux et internationaux qui leur sont acquis pour les intérêts étrangers obscurs".