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Dépénaliser le canabis ? Un débat conditionné
by Laurent Duprès Saturday, May. 22, 2004 at 1:25 AM
laurent_duprès@hotmail.com

Dénépaliser les drogues "douces" ? Que se cache-t-il derrière ? Une opinion à contre-courant de la pensée dominante, i.e. de la classe dominante.

Faut-il dépénaliser le canabis ? Faut-il dépénaliser les "drogues douces" ? Si je doute de la pertinence et de l'opportunité de poser cette question, à coup sûr, je concède qu'il s'agit d'une mode de notre temps, à tel point que les politicards reprennent en coeur leur refrain préféré : "nous allons y réfléchir", "nous allons légiférer", "c'est en cours, laissez-nous faire notre travail".

Nous pourrions mener une polémique à ce sujet, y compris sur les questions sémantiques, quant à savoir s'il existe réellement des drogues plus douces que d'autres, ou si au contraire, le canabis n'est pas une drogue, au moins n'est-il pas plus violent que l'alcool ou le tabac. Certes, nous eussions pu, mais si par la voie et la voix de leurs quotidiens, les politiciens s'en mêlent, il y a matière à réfléchir sur les conséquences sociétales de pareil débat.

Un problème mal posé

Nous aurions raison de nous élever contre la répression avec des pandores qui arrêtent au coin de la rue, le premier jeunôt en possession d'un demi-join dans ses chaussettes mais là ne se situe pas le débat. Je me souviens avoir suivi jadis une émission dirigée par ce journaliste du dimanche qu'est Paul Germain à ce sujet. Ce que nous pouvons tirer comme première conclusion, c'est que la question de la "dépénalisation" ne vient pas à point et demeure telle quelle, un problème "mal posé"; en ce sens qu'il ne saurait donner naissance à une meilleure législation.

Fumer un join n'est pas plus nocif que de fumer une cigarette. C'est d'accord. Ce n'est pas non plus un produit forcément "chimique" (toxique) et non naturel. En soi, si la question demeure personnelle, il n'y a pas raison de s'opposer à la dépénalisation. Or, dans une période mouvementée comme la nôtre, est-il nécessairement utile de légiférer à ce sujet ? Pourquoi légiférer aujourd'hui ? Et plus important, si un join ne cause pas de dégâts réel et quantifiable a priori, est-ce le cas pour tous les individus ?

Comme face à la loi, nous ne sommes pas tous égaux. Quand le fils du bourgeois, ou la fille coquette parfumée par la chaleur de l'été, fume un join, nous y voyons un signe de jeunesse. Quand les enfants (et parents...) désérités des quartiers "chauds" entrent dans un cycle d'accoutumance, nous devons y voir un danger. Penser qu'il faut dépénaliser parce "notre santé" n'est pas mise en péril s'avère réducteur. Nous devons admettre que le premier principe de la citoyennenté, est de se tourner vers les plus faibles, ceux qui justement ne peuvent pas se défendre contre un fléau qui peut nous apparaître anodin.

Pour nous en convaincre, considérons une autre question : peut-on abaisser l'âge de la majorité, et par là, accepter que les gosses en difficulté dans l'enseignement quittent le système éducatif à seize ou quatorze ans ? A première vue, ceux qui ne connaissent pas un parcours tortueux, y verraient plutôt un avantage. Un permis de conduire à seize ans, un appartement avec une copine, ou que sais-je comme fioriture... ou simplement signer soi-même ses mauvaises notes sans enfreindre la loi... Mais pour les enfants en difficulté scolaire, il s'agit d'un drame dont ils ne se doutent même pas. Notre devoir, c'est de ne pas laisser faire les politiciens, dont le but unique, est de chercher à se tailler une face "sympa" au devant d'une scène dont ils ont le monopole.

Pour revenir à cette bête émission de Paul Germain, j'ai vu des (jolies) jeunes filles confesser avoir fumé et continuer de temps en temps, en parfaite connaissance de cause, un join. Ensuite, s'est levé un membre des jeunesses socialistes, qui comme son parti, ne manque pas d'air. Il prétend avoir sondé des étudiants de l'ULg, et en a conclu que comme 75% des interrogés fument ou ont fumé un join, il faut dépénaliser, que c'est commun, "que tout le monde le fait".
Ce genre de raisonnement fait rire, puisqu'il vaut mieux en rire. Faites un sondage chez les petits commerçants : qui a déjà fraudé le fisc. Ceux qui subsistent ont tous fraudé le fisc, et continuent de le faire. Ce sera assurément 95% de oui. Faut-il pour autant dépénaliser la fraude fiscale ??

Autre bel exemple : dans les usines de production, le "management team", i.e. l'encadrement, jouit d'une prime substantielle de production en fin d'année, qui s'élève souvent à quelques milliers d'euros (ou plusieurs dizaines de milliers...). Tout cela se fait sur le dos des ouvriers qui reçoivent des miettes, et à qui on annonce souvent des bénéfices faibles, sans mentionner que les patrons et chefs d'équipe se sont taillés des couilles en or. Cette pratique est universelle. Devons-nous pour autant légaliser ce détournement du surtravail accompli par les travailleurs au bénéfice unique du patronat ? Enfin, devant tous les déboires du système, devons-nous cesser de rouspéter devant le capitalisme ?

Non, pareil raisonnement ne mène nul part. Mais alors, faut-il légiférer ?
A notre époque, la "dépénalisation" vient à un très mauvais moment car elle exprime avant tout l'impasse que nous faisons sur les véritables difficultés de notre temps (sur l'éducation mise à mal par ces mêmes ministres qui voudraient dépénaliser et par là, rejetter la faute aux "jeunes" irresponsables). Elle s'avère simplement être un nouvel expédient électoraliste. Si les capitalistes (notamment les corrompus du PS) avaient réellement eu un jour l'intention de dépénaliser, ils l'auraient fait depuis longtemps. Aujourd'hui, on dépénalise uniquement les crimes commis au sommet...

Il serait bien plus judicieux de parler et d'agir sur la pauvreté, l'exclusion, la guerre, en un mot comme en cent, sur la nécessité de battre le système à notre mesure (et de battre le capitalisme, merci), celle des petites gens, par exemple pour une véritable éducation qui ne soit pas celle des contremaîtres et des racistes. A ce moment-là, nous aurons déjà supprimé la problématique du canabis, car si tous ont accès à l'éducation, ils sauront PRENDRE LEUR DESTIN EN LEURS MAINS PROPRES !

PhD. Laurent Duprès
Harvard Medical School
Boston, MA 02114
U.S.A.

Mauvais problème, bonne solution.
by Christian Buffin Saturday, May. 22, 2004 at 11:17 AM
jesus_mjjg[__]hotmail.com

J'aime beaucoup le raisonnement que tu tiens (le raisonnement par l'absurde, avec les commerçants). Pour ma part, je pense qu'il faudrait dépénaliser, mais ça c'est parce que je n'ai pas (trop) de problème avec le produit.

Même si on ne dépénalise pas les drogues, je pense qu'il faudrait encourager les tests gratuits des drogues en soirée (comme celà a déja été fait).

Je pense qu'il faut responsabiliser le consommateur, en ce qui concerne toutes les drogues, du cannabis à l'héroïne, en passant par l'alcool et le tabac: expliquer pourquoi ce sont des drogues, comment et pourquoi elles agissent sur nous, parce que la compréhension est une étape très importante dans la gestion.

Le fait d'avoir des drogues légales et d'autres illégales est complètement stupide, puisque cette classification est plus culturelle que scientifique. A propos de scientifique, je me souviens avoir lu dans un Science et Vie spécial drogue que toutes les civilisations consomment des drogues ... à méditer par nos branleurs de représentants.

C'est vrai qu'il y a beaucoup d'hypocrisie de la part de nos représentants, parce que effectivement, (au moins) depuis les années 1970, la drogue (cannabis, XTC, ...) touche notre belle jeunesse, qui pourrait se contenter de picoler: nous avons plus de 1000 bières différentes dans notre beau pays.

legaliser l'illegal
by freddy visconti Monday, May. 24, 2004 at 12:01 AM

J'aime aussi cette prise de position sur le canabis. A ceci près que j'estime cette mesure de légalisation comme une arme anti-populaire, anti-jeunes. Le but sous-jacent est de briser tout élan de révolte de la jeunesse car ils savent dans quel merdier ils sont en train de nous mettre. La jeunesse à une capacité de révolte que les "vieux" n'ont plus. Cette fougue, il faut la canaliser. Avec les Staracs et autre débilités cela ne suffit pas, alors il faut autre chose. A mon avis ils ont repris l'idée de la CIA-FBI qui a introduit le CRACK dans les ghettos noirs pour briser le black power. En attendant, je vois les jeunes dans mon entreprise, ceux qui fument, comme des zombis. Ils sont dangereux pour eux-même comme pour les autres. Il y a la tolérance zéro pour l'alcool dans l'entreprise et curieusement RIEN pour la drogue. Est-ce voulu ou c'est par ignorance du problème? En tout cas, pratiquement, je ne voit rien de bon dans cette légalisation.
Et en plus ces politicards rigolent en avouant qu'ils étaient dans l'illégalité. Le M-R a fait des petits...