L’emploi, un casse-tête pour les immigrés en Belgique by Georges Alves Wednesday, May. 19, 2004 at 3:14 PM |
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Lorsqu’ils ne sont pas clandestins, la majorité d’immigrés d’origine subsahariens ou latinos d’Amérique, vivant en Belgique, dépendent des allocations sociales de chômage ou du minimex. Ce phénomène heurte la cohésion sociale et constitue un obstacle pour l’éducation des enfants dans des familles issues de l’immigration. Les associations «Maison d’Entraide pour le Développement Social », MEDES, [une association à majorité subsaharienne] et « La Maison de l’Amérique Latine » [tenue par un groupe des Latinos] ont conjointement organisé ce mardi, 18 mai, dans les locaux de la communauté française de Belgique, à Bruxelles, une « journée de réflexion et de récolte d’avis sur la cohésion sociale et l’emploi des immigrés hautement qualifiés » pour débattre de cette situation. Plusieurs personnalités du monde politique bruxellois ont pris part à la rencontre qui a connu aussi un nombre considérable d’ hommes de terrain et autres spécialistes venus apporter leur connaissance sur cette problématique.
Lorsqu'ils ne sont pas clandestins, la majorité d'immigrés d'origine subsahariens ou latinos d'Amérique, vivant en Belgique, dépendent des allocations sociales de chômage ou du minimex. Ce phénomène heurte la cohésion sociale et constitue un obstacle pour l'éducation des enfants dans des familles issues de l'immigration. Les associations «Maison d'Entraide pour le Développement Social », MEDES, [une association à majorité subsaharienne] et « La Maison de l'Amérique Latine » [tenue par un groupe des Latinos] ont conjointement organisé ce mardi, 18 mai, dans les locaux de la communauté française de Belgique, à Bruxelles, une « journée de réflexion et de récolte d'avis sur la cohésion sociale et l'emploi des immigrés hautement qualifiés » pour débattre de cette situation. Plusieurs personnalités du monde politique bruxellois ont pris part à la rencontre qui a connu aussi un nombre considérable d' hommes de terrain et autres spécialistes venus apporter leur connaissance sur cette problématique. L'UE, un prestige culturel face à la puissance américaine Christine Daem est secrétaire générale au Centre d'Etude des relations entre l'U.E. et l'Amérique latine [CERCAL]. Elle affirme que contrairement aux idées reçues, l'immigration latino-américaine dont la présence en Belgique remonte aux années nonante n'est pas constituée des gens, à l'origine pauvres, à la cherche d'un confort matériel qu'offrirait l'Europe. Selon Madame Daem, l'immigration latino-américaine actuelle comprend une majorité des personnes ayant eu un niveau de vie moyen dans leur pays d'origine: « La classe moyenne latino-américaine est attirée par la culture bourgeoise ; pour elle, venir de l'Europe est une survalorisation », a souligné la secrétaire générale du CERCAL avant d'ajouter que l'U.E. attire également les latinos sur le plan symbolique dans la mesure où celle-ci constitue un prestige culturel par rapport à la toute puissance des Etats-Unis. Pour Mme Daem, l'immigration latine n'est pas seulement liée aux raisons économiques. Elle s'inspire aussi de l'image culturelle que cette communauté se fait de l'Europe. Le CERCAL estime à plus ou moins 30.000 personnes le nombre d'immigrants latino-américains vivant en Belgique. La Colombie compte tenu du contexte de guerre qu'elle connaît se trouve en tête de liste de ces communauté immigrantes. Elle est suivie par la Bolivie, l'Equateur et la République Dominicaine. La secrétaire générale du CERCAL a également relevé le fait que certains pays encouragerait ces ressortissants à s'exporter. C'est notamment le cas de l'Equateur dont l'argent transféré par la diaspora constitue 60% du P.I.B. Par ailleurs, l'Espagne constitue le pays le plus grand importateur de la main d'?uvre latino-américaine. Viennent ensuite, l'Angleterre et l'Allemagne. M. Carlos Malter, président de la Maison de l'Amérique Latine a souligné quant à lui le fait que 70% d'immigrés latinos vivraient dans la clandestinité. L'immigration subsaharien : la Belgique rejette des liens historiques La question de l'immigration subsaharienne a été principalement traitée par M. Bonaventure Kagne, chercheur au Centre d'Etude et de la Mémoire de migrations subsahariens, CEMIS. « Malgré des liens historiques évidents, la Belgique n'a pas fait appel à la main d'?uvre subsaharienne », a relevé le jeune chercheur d'origine camerounaise soulignant ainsi l'attitude discriminatoire des anciens maîtres du Congo. Les premiers immigrants subsahariens en Belgique seront des étudiants, entre 1960 et 1970. Cette immigration sera diversifiée à partir de 1980 avec l'arrivée de demandeurs d'asile dont l'afflux remonte au début des années nonante qui seront accompagnées des phénomènes de clandestinité. « Nos enfants refusent d'aller à l'école » L'accès au marché d'emploi est déjà un casse-tête pour les Belgo-belge. N'ayant pas peur de mots : il est catastrophique pour les personnes issues de l'immigration en général. Prenons l'exemple de la communauté congolaise. Dans cette communauté se compte un grand nombre de gens hautement qualifiés (diplômés d'universités et instituts supérieurs). Mais la plupart d'entre eux n'ont jamais travaillé et passe une bonne partie de leur vie entre les quatre mûrs. Les répercutions sont graves au niveau de la famille. Elise Mabaya, coordinatrice de l'association MEDES : « Nos enfants refusent d'aller à l'école parce que leurs parents, tout qualifiés qu'ils sont n'arrivent pas à trouver du travail. A quoi bon étudier, disent-ils, puisque mon papa qui a obtenu tant de diplômes ne sait pas travailler. Notre société est confrontée à la délinquance juvénile. Nous assistons impuissant à un phénomène de banditisme, le New jack, [initié par nos enfants ici, en Belgique]. La stratégie d'omission de diplôme Pour contourner le refus d'accéder au marché du travail que leur oppose la plupart d'employeur, les personnes issues de l'immigration utilisent une stratégie : celle-ci consiste à cacher leurs diplômes pour entrer dans des filières de formation et de service. La stratégie d'omission de diplôme est une stratégie qui fonctionne, notamment pour les « blacks ». Selon Suzanne Beer, Fédération bruxelloise des opérations d'Insertion Socio-professionnelle, AFBISP, il existe effectivement des marchés qui embauchent de façon privilégiée des « blacks ». C'est le cas dans le secteur Eurêka, de nettoyage et de home de vieillards. Philippe Moureaux, bourgmestre de Molenbeek, qui est venu témoigner de son expérience dans la commune de Molenbeek avec les immigrés d'origine africaine, avait auparavant salué la relation des personnes d'origine africaine avec des personnes âgées en évoquant l'histoire de sa mère décédée dans les bras d'une africaine. Mme Beer n'a pas occulté le fait que ces métiers soient les moins bien payés et souvent sujets à des horaires fort compliqués. La discrimination n'explique pas tout Les difficultés de se faire embaucher pour des personnes issues de l'immigration ne s'expliquent pas seulement par la discrimination ethnique. D'autres facteurs, plus objectifs empêchent aussi les immigrés de réaliser pleinement leur intégration socio-professionnelle en Belgique. Les diplômes obtenus à l'étranger sont souvent méconnus par l'administration. Mais l'ORBEM relève également que le gros des inscrits parmi les immigrés dans ces services sont des gens qui ont fait des sciences humaines. 11% de ces demandeurs d'emploi sont détenteurs d'un titre supérieur. Et la moitié de ces qualifiés aurait obtenu leurs diplôme après l'âge de 30 ans. Pour l'ORBEM, ce genre de diplômés sans expérience ne sont pas appréciés par les employeurs qui estiment que c'est un personnel qui leurs coûte cher à cause de leur âge. D'autres immigrants également source des problèmes pour l'employeurs, sont des personnes hautement qualifiées qui ont travaillé dans des segments inférieurs : un avocat ayant travaillé, par exemple, chez « Pizza Hut ». Un dernier obstacle à l'emploi des immigrés, c'est la question du bilinguisme. Selon M. Daoust, propriétaire des services Intérim du même nom : à peine 3% des personnes immigrés sont bilingue, à Bruxelles. Ce que préconise l'Etat L'Etat belge n'a sûrement pas grand chose à faire dans un système qui consacre à priori l'exploitation des pauvres par des riches et qui n'arrête de privatiser. La preuve, bon nombre de participants à ce colloque se sont demandé sur la nécessité du temps de parole accordé à des personnalités politiques comme Philippe Moureaux (bourgmestre de Molenbeek), Mme Françoise Dupuis (ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique), le ministre Alain Hutchinson et autres. Cela n'a pas empêché M. Daoust de proposer aux noirs le secteur de la Comptabilité où ils seraient fort appréciés, à l'instar de home de vieillards, Eurêka, et le Nettoyage. Le Fonds de Social européen, FSE, a proposé quant à lui un certain nombre de facilités aux crédit pour des immigrants soucieux de créer leur propre entreprise. Comme quoi, on est encore loin de percevoir le bout du tunnel, côté immigrés. |