"Mixer les genres pour atteindre le plus grand nombre''
(Interview par Sam Van Driessche, traduit en français par mr jo).
Comment est né le collectif ?
Protesta: Il y a quatre ans, j'ai rencontré des gens intéressants tels que Mr Jo et Bun-Zer0. Nous nous sommes liés d'amitié et nous avons presqu'aussi-tôt commencé à collaborer. Nous avons formé un collectif autour du site internet (www.futureworldfunk.be) et des soirées que nous y annoncions. La première grosse soirée que nous avons organisée ensemble s'est déroulée au Studio Athanor, club de jazz bruxellois. En général, nous organisons nous-même nos soirées, en collaboration avec "Recyclart" (salle bruxelloise à vocation sociale, qui organise des activités culturelles et socio-économiques telles que, par exemple, la formation de sans-emploi de longue durée, ndlr).
Bun-Zer0 : Je tiens quand même à préciser que nous sommes huit dans le collectif. Actuellement il y a 4 dj's (Bun-Zer0, Red-Ant, Protesta et Mellow), Mr. Jo à l'harmonica, Raggamuffin Whiteman est notre MC. Mezu s'occupe plus particulièrement de l'organisation et Jacklamotta, un Italien que nous n'avons nous-même encore jamais vu s'occupe du graphisme du site web, des flyers et des affiches. Voilà la base de Future World Funk.
Protesta: Notre but était tout d'abord de rassembler toutes sortes de gens par la diversité des styles. D'où aussi le nom Future World Funk. Future pour la musique électronique, World pour les musiques du monde comme le reggae ou le latino, et pas uniquement la musique occidentale et Funk pour le groove. On peut aussi le voir comme le Funk d'un monde futur. Il y a donc un engagement social et politique. Notre vision du monde va ainsi plus loin qu'une vision uniquement musicale.
L'idée est donc qu'à vos soirées le public s'amuse, mais soit aussi touché par le message de la musique ?
Bun-Zer0: L'intro de Prose Combat décrit parfaitement notre positionnement. Franchement, je ne pense pas que ce soit lors des soirées que notre message passe le mieux, mais que c'est via la promo sur les forums internet et sur notre site que les gens connaissent nos engagements. Les francophones de Belgique ne sont en général pas très forts en langues et c'est pourquoi les textes en anglais ne sont pas toujours bien compris.
Est-ce finalement la musique ou le message qui compte le plus pour vous?
Protesta: La musique est tout d'abord une excellente manière de faire passer un message. Ensuite, il y a l'ambiance collective et positive que nous pouvons créer lors des soirées, car par le mélange de genres dans notre musique nous atteignons une foule de gens très différents. En termes d'âge, ça va de seize à quarante ans, surtout des femmes (rires). Tant les amateurs de hip-hop que de drum'n'bass viennent pour notre musique et comparé à d'autres concerts "électroniques", il y a aussi plus de personnes d'origine étrangère.
Bun-Zer0: Le lien entre la musique et une certaine idée n'est pas toujours évident, mais à nos soirées nous amenons en tout cas une alternative musicale. Les Bruxellois sont trop souvent concentrés sur un seul style. Ceux qui aiment la drum'n'bass ne vont qu'à des soirées drum'n'bass. Proposer une alternative telle que nous le faisons avec Future World Funk a en soi déjà une valeur sociale.
Protesta: Pour nous c'est aussi un plaisir de voir ces différents publics fêter ensemble.
Bun-Zer0: Il ne faut pas non plus croire que nous exigeons que tout le monde écoute notre message ou le suive. Somme toute, nous restons des dj's et en soirée, le principal est que les gens s'amusent. Nous ne sommes pas des dictateurs.
Protesta: Le message est un but sous-jacent sans être secondaire. C'est une nuance importante. Comme je l'ai déjà dit, nos fêtes ont un aspect social. Nous rassemblons les gens et c'est déjà beaucoup. Nous ne nous considérons pas non plus comme spéciaux ou meilleurs que les autres. Nous ne sommes pas les détenteurs uniques de la vérité et nous le savons. Nous ne faisons que proposer autre chose.
Bun-Zer0: Une soirée, ce n'est pas non plus un rassemblement politique. Ce n'est et ne peut-être le but. Sinon, nous serions politiciens.
DJ Protesta, tu écris aussi des articles pour Indymedia. Est-ce que Future World Funk est pour toi un moyen d'amener ce que tu fais à Indymedia auprès d'un plus large public ?
Protesta: Indymedia est un projet de média alternatif, lié exclusivement au journalisme et c'est leur seul but. Nous sommes avant tout des musiciens qui organisent des soirées à Bruxelles, et nous essayons d'y apporter de l'information. J'ai du mal à imaginer qu'Indymedia organise un jour des soirées telles que nous le faisons.
Bun-Zer0: Nous soutenons tout à fait Indymedia et avec notre premier mix-cd Prose Combat, Future World Funk peut, je l'espère, devenir le pendant culturel et musical d'Indymedia. Tout sur Prose Combat est politiquement engagé, bien que nous ne voulons pas être exclusivement liés à Indymedia. Le gros de nos thèmes, par exemple notre avis sur Clear Channel, se rallie parfaitement à celui d'Indymedia.
Sur le site, vous vous opposez résolument à Clear Channel. Supposez un instant que votre DJ favori joue à Werchter, produit de Clear Channel. Restez-vous chez vous par principe?
Bun-Zer0: Personnellement, je ne vais plus aux festivals depuis dix ans, je n'irais donc pas. Je dois avouer qu'au départ ce n'était pas encore à cause de Clear Channel, mais pour des raisons similaires. Avant Clear Channel, Schuermans travaillait déjà de la même manière, au niveau national. Clear Channel n'a fait que mondialiser ce phénomène. Par ces monopoles, il nous est devenu impossible de booker un grand nom, car c'est devenu simplement impayable. Clear Channel dans le monde de la musique est comparable à Microsoft dans le secteur informatique. De plus, je dois avouer que le concept même des festivals ne me plaît pas vraiment. Quand il y a un super concert à l'AB, que ce soit via Clear Channel ou pas, je ne dis pas tout de suite non.
Protesta: Le problème, c'est que lors de ce type d'évènements, il ne s'agit pas de culture, mais uniquement d'argent.
Allons encore plus loin. Et si vous avez l'occasion de jouer à Werchter?
Protesta: moi, j'accepterais immédiatement. Les gens qui vont à Werchter sont comme toi et moi, des gens qui aiment la musique, et je ferais une représentation anti-Clear Channel. Sur place, j'éclairerais le public sur ce qu'est réellement Clear Channel. Je suis sûr que 80 pour cent des gens du secteur musical ne savent pas ce que Clear Channel est en train de faire. Ainsi, tu peux continuer à tourner dans le système sans même savoir quel est leur rôle.
Bun-Zer0: Regarde par exemple Massive Attack. Dans le passé, ils se sont plusieurs fois prononcés fanatiquement contre la guerre. En allant à un de leurs concerts aujourd'hui, certains me montreront du doigt, car c'est via Clear Channel qu'ils jouent. Cela veut-il pour autant dire que Massive Attack est soudainement devenu pro-Bush? Pas du tout, tout seul tu ne peux pas te battre contre une multinationale comme Clear Channel.
Mr Jo: Je trouve que c'est une question difficile vu que nous ne sommes pas encore du tout dans cette situation.
Mais alors, si tu es conséquent, c'est quand même l'un ou l'autre?
Bun-Zer0: Je ne trouve pas. C'est comme dire qu'il y a le noir et le blanc, mais que le gris n'existe pas. Actuellement nous n'en sommes d'ailleurs pas encore là. Revenons à l'exemple de Massive Attack. Ca fait dix ans qu'ils sont une valeur sûre et respectée sur la scène et pendant la première guerre en Iraq ils s'étaient déjà opposés. Maintenant ils se retrouvent évidemment dans situation délicate. Ils se montrent comme anti-américains, mais s'ils veulent faire des concerts, ils n'ont tout simplement pas le choix. Je ne saurais pas directement ce que je ferais à leur place.
Mr Jo: Clear Channel fait d'ailleurs bien plus que booker des groupes. La promotion, la vente des tickets, tout ce qui tourne autour du monde musical leur appartient.
Parlons un peu de la musique elle-même. Votre premier mix-cd pour Indymedia Prose Combat. Quel en est le concept?
Protesta: Prose Combat est une soirée que nous avons organisé avec le collectif le 11 avril où nous voulions souligner l'importance du texte parlé. C'est pourquoi nous avions aussi invité le Double Negative Crew, groupe d'MC's hip-hop anglais. Ils étaient aussi contre la guerre en Iraq, contre l'occupation Israélienne en Palestine...
Bun-Zer0: Il ne s'agissait pas uniquement de musique, vu que le Double Negative Crew est entièrement composé d'MC's, donc des gens qui parlent. C'était donc plus que de taper dans les mains en rythme et s'amuser. L'idée de base était et est de revaloriser les textes dans la musique électronique. Le mix-cd est en réalité une suite à cette soirée.
Protesta: Le mix est aussi une très bonne introduction à Future World Funk. La plupart des morceaux sont des disques retravaillés par nos soins, mais deux morceaux sont à nous.
Pour finir, quelles sont vos ambitions pour l'avenir?
Protesta: Surtout de continuer ce que nous faisons. Il y a en Belgique un manque de plate-forme musicale engagée, et c'est ce à quoi nous essayons de remédier. Nous nous produisons principalement à Bruxelles, mais il s'agit quand-même de franchir les frontières bruxelloises.
Bun-Zer0: Nous avons tout de même un site fréquemment visité. Si seulement nous pouvions, en diffusant cette information, provoquer le débat, je serais d‚j… très content. Et si en plus nous arrivions à vendre cinq cents cd's (rires)...
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Nederlandse versie: http://archive.indymedia.be/news/2004/05/84581.php
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