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La Résistantce à la mondialisation viendra par l'organisation
by Laurent Duprès Saturday, May. 15, 2004 at 2:12 AM
laurent_duprès@hotmail.com

Suite au texte de François Houtart, une opinion divergente sur la question de l'origine des résistances, notamment face à la mondialisation.

Qu'est-ce que la résistance ? Une résistance sans effet, mérite-t-elle la dénomination de "résistance" ? Certes non ! Sans polémiquer sur la sémantique, nous avons coutume d'appeler une "résistance" un mouvement organisé qui se donne les moyens d'une politique diamétralement opposée à une autre : résistance face à l'occupation, résistance face au système, résistance face à un fléau.

Dans ce cadre, il nous est important de comprendre que la mondialisation n'est ni un phénomène nouveau, ni un phénomène limité. Elle est en cours depuis l'affirmation de la civilisation humaine comme prédominante sur terre : c'est donc un fait objectif. Ce qui caractérise la "mondialisation" aujourd'hui, se trouve dans son caractère idéologique et politique. Il s'agit d'une tentative par une oligarchie supranationale d'imposer au globe un système que l'immense majorité des hommes et des femmes rejettent comme un seul homme. Face à cette attaque globale, la réponse - et donc la résistance - ne peut revêtir qu'un caractère global. En ce sens, affirmer que la culture pourrait incarner seule la "résistance" s'avère non seulement réducteur mais faux. Faux car la "culture" au sens général existe et demeure inhérente à la vie des populations.

Par exemple, nous lisons souvent dans les gazettes, que nous refusons "l'américanisation". Que le mode de vie outre-atlantique soit une plaie et une expression de mal-vivre et de mal-bouffe se comprend mais elle possède aussi sa propre "culture". Ainsi, si l'affirmation identitaire de la "culture" comprend une forme de résistance, il nous faut croire que la culture du base-ball et du catch télévisé, des burger-kings et du coca-cola, sont eux aussi à part entière, une "résistance" à la mondialisation !

Ce que je veux souligner par là, c'est que la culture possède aussi un caractère idéologique. Depuis la nuit des temps, les hommes et les femmes ont adopté en fonction de leur environnement, un style de vie approprié, faute de quoi leur civilisation était destiné à la disparition. La survivance culturelle existe tant qu'existe le groupe humain correspondant. Avec le progrès de la science, des idées et du mode de vie humain, les peuples ont su imprimer dans leur culture une partie du rêve qui les hante au fil du temps. C'est ainsi que sont nées les croyances, les religions, c'est ainsi que la culture est devenue inséparable de l'idéologie.

A présent, examinons un peu les cas de résistances par l'identité culturelle pour mieux illustrer le caractère idéologique et politique de la culture en résistance. Evoquer la résistance au Chiapas mexicain apparaît mal placé. Le Mexique fourmille de mouvements de résistance face au système en place et le Zapatisme, s'il existe bel et bien, a sans doute eu plus d'écho en dehors du pays que dans le pays lui-même; cela pas uniquement à cause de la censure mais avant tout parce que la ligne politique de l'EZLN incarne une idée commune avec celle de la social-démocratie européenne. Le coup de force des Indiens du Chiapas a duré en tout et pour tout quatorze jours, et il coûte encore aujourd'hui la vie aux paysans pauvres qui se révoltent. C'est dire que près de dix ans après le déclenchement, rien n'a vraiment changé au Chiapas, sinon que la répression est devenue plus violente et plus surnoise.

Evoquer les troubles au Vietnam s'avère "sans objet", puisque si nous en croyons les journaux occidentaux eux-mêmes, ce qui a provoqué des heurts sur les haut plateaux des peuplades Hmong, tant au Vientam qu'au Laos, c'est avant tout le larguage d'armements, d'argent et de promesses d'aide militaire et économique de la part de pays occidentaux - y compris de faux missionaires belges, surpris sur des points de largage de matériel et en possession de radios trop sophistiquées pour usage civil unique. Ainsi, si nous suivons le schéma de François Houtart, nous devrions croire que les Hmong (en réalité des factions locales établies en seigneurs de guerre) se révoltent contre la mondialisation en espérant l'aide des Américains. Ce n'est pas très convaincant !

Mon opinion consiste à dire simplement, que la culture peut incarner dans certains cas particuliers, un esprit plus général de résistance. Il nous incombe de bien analyser comment et dans quelles circonstances, la "culture identitaire" revêt un caractère de résistance.

1. Dans les pays du tiers monde dont l'état social apparaît clairement de type colonial, l'évocation d'une identité propre peut servir au rassemblement des forces locales comme bouclier face à l'occupation. L'Irak est un bon exemple. L'affirmation identitaire des traditions nationales commence à produire localement certains effet. Mais si la résistance antiaméricaine se borne à une position identitaire, son combat est voué à demeurer une guérilla et non un mouvement global de résistance, et sera aussi éphémère que l'occupation; car son statut actuel ne lui permet en rien d'évoquer un futur quelconque.
Au Congo, l'affirmation identitaire nationale pourrait le cas échéant servir de moteur à la reconstruction de ce pays dévasté par des interventions étrangères quasi ininterrompues.

2. Dans les pays où la révolution industrielle peut être considérée comme terminée, évoquer l'identité nationale s'avère être une question sans intérêt et contreproductive. Par exemple, la nationalisme en Turquie ou en Grèce n'apparaissent vraiment pas être des moteurs de progrès. au contraire, ce type de nationalisme identitaire sert bien plus souvent des intérêts que nous pouvons qualifier de "bourgeois", en contradiction antagonique avec les intérêts d'une majorité de salariés.
La nationalisme russe, véhiculé à tout bout de bras par les partis politiques de droite et de gauche n'apporte rien à la population désoeuvrée des villes et des campagnes. Tout au plus, sert il de prétexte à des interventions militaires en dehors de Russie (et dans la fédération aussi) : Géorgie, Tadjikistan, Azerbaïdjan sont de bons exemples.

3. Enfin, l'identité culturelle dans les pays où le capitalisme est dominant et où il revêt un caractère impérialiste, est une question rétrograde et complètement réactionnaire.
Par exemple, l'identité culturelle en France est avant tout incarnée par les fascistes autour du Front National de Le Pen et de groupuscules d'extrême-droite. Les politiciens de droite comme de gauche qui se revendiquent du souverainisme et de la défense de l'identité culturelle dégagent une aura dont il faudrait que François Houtart nous explique comme ils parviennent à s'opposer à la mondialisation : de Villiers, Pasqua, Boutin et Millon sont par ailleurs de bons alliés de droite extrême.
En Belgique, l'identité culturelle flamande est avant tout le moteur du séparatisme. Et ici, aux Etats-Unis, l'identité du rêve américain (American Dream), l'évocation des héros de la nation se passe de tout commentaires.

Une brêve évocation de piste....

La résistance face à la mondialisation ne peut en définitive être que globale, elle ne peut revêtir que des aspects plus forts que ceux qui caractérisent le système qui nous est imposé. La résistance, pour être victorieuse, doit montrer une organisation audacieuse qui répond au point par point au capitalisme, elle doit montrer une vertu plus forte que celle du paravant télévisé.

Les meilleurs exemples de résistance ont trouvé la victoire dans des formes d'organisation tout à fait lumineuses : Dans le Magreb, les Rifs sont venus à bout des armées coloniales au bout d'une guerre d'usure. Au Vietnam, le front populaire au sud et les communistes au nord se sont alliés pour faire échec à l'armée américaine.
Plus proche de nous, les nations du tiers monde font bloc derrière l'Inde, le Brésil et la Chine à l'OMC pour une redistribution des cartes au sujet du prix des céréales. Le Vénézuéla et d'autres pays pétroliers utilisent l'arme du robinet fermé pour répondre à l'aggression avérée de l'extérieure.

A une échelle plus petite, de nombreuses organisations se battent, la parole ouverte ou les armes à la main. C'est de ces gens dont on ne parle pas dans la presse mondaine et capitaliste qu'il faut parler. Et non des exemples médiocres et de l'identité culturelle au dessus de tout !

Scientifiquement.
PhD Laurent Duprès
Harvard Medical School
Boston MA09114
U.S.A.