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BRussels tribunal: audiences du matin-jour2
by mélodie Friday, Apr. 16, 2004 at 8:34 PM
sweet_melodie@hotmail.com

compte rendu des audiences du 16/04 au matin du BRussels tribunal.

Voici le rapport de la matinée du deuxième jour d'audiences du BRussels tribunal.
Le premier témoin de cette journée est Immanuel Wallerstein.
Il nous rappelle ici que dès les années 70, les USA ont dû se rendre compte qu'ils commençaient à perdre leur domination économique. Une façon de ralentir ce dérapage était de maintenir leur hégémonie, notamment au niveau de la production nucléaire. Un des enjeux les plus importants étant de ne pas les laisser entre les mains des pays du sud. En cela, la chute de l'URSS a affaibli les USA plus que ce que l'on pensait, parce que ces derniers devaient alors chercher une nouvelle justification idéologique à l' enjeu nucléaire.
Les Etats-Unis, en collaboration avec l'Europe et le Japon, voulaient faire accepter le côté " inévitable" de la mondialisation. La politique américaine est basé sur la peur de perte de crédibilité du leadership américain. Pour eux, une victoire incomplète, comme celle des Balkans, les rend incrédibles, c'est pourquoi ils se déclarent prêts à aller jusqu'au bout en Irak et en Corée.
Il conclut en avançant que l'administration Bush a envahi l'Irak non pas parce qu'il y avait des armes de destruction massive, mais parce qu'il n'y en avait pas! C'était un exemple facilement fait pour les pays du sud qui envisageraient une production nucléaire.

Intervention ensuite de Michael Parenti.
Les Etats-Unis ont une politique d'intervention répressive, dit-il. Il sous-entend aussi son côté aberrant. Il se base là-dessus sur de très nombreux exemples, dont en voici quelques uns.
Lorsque les USA sont en conflit avec la Somalie et que des milliers de somaliens meurent de cette guerre, les Américains font un film sur les soldats US tués. Aux familles des personnes assassinées au Guatemala, Clinton s'excuse. Mais est-ce suffisant?Les populations du Moyen-Orient ont vu leur futur réduit à néant,...
A travers la banque mondiale, les Etats-Unis ont miné toute l'économie africaine, notamment avec la dette du tiers-monde. Ils donnent des armes et des entraînements militaires aux Africains alors que ceux-ci meurent de faim et de pauvreté. Est-ce cela dont l'Afrique a besoin, plus d'armes et de meurtriers,interroge M.Parenti.
Les armes nucléaires comme l'agent orange ont causé la mort de milliers de personnes. Au Vietnam, où notre intervenant s'est rendu il y a environ deux ans, on constate que la troisième génération souffre encore de malformations dues aux bombes lâchées.
Il n'y a pas d'Etat voyou, pas de nation communiste qui ait agressé autant de personnes, affirme-t-il. Toutes ces horreurs mentionnées ici sont considérées comme des victoires américaines par les analystes libéraux US. Tout mouvement qui essaie de se départir du mouvement mondial est une cible privilégiée. Tout pays qui veut utiliser son marché pour survivre représente une menace pour les USA et l'occident. Il faut donc l'éradiquer.
Les pays soutenus financièrement par les USA n'ont jamais aidé les mouvements révolutionnaires, comme par exemple la Chine ou la Libye avant qu'elles ne s'ouvrent à leurs capitaux étrangers. Comment peut-on croire que les USA cherchent la démocratie lorsqu'ils soutiennent des régimes dictatoriaux?
Pendant des années, le militarisme US a eu besoin d'accumuler des bases militaires à travers le monde pour se "protéger" contre l'URSS. Mais aujourd'hui que l'URSS est tombée et que ce type de politique n'a plus lieu d'exister, on la continue pourtant...
Lorsque les Etats -Unis se disent motivés par des intérêts stratégiques, M.Parenti se demande ce qu'il y a de mal à avouer que ce sont les intérêts économiques qui dirigent. Même l'avenir entier de l'environnement est chamboulé à cause des intérêts économiques!
Il y a, selon lui, trois raisons qui motivent l'invasion et l'occupation de l'Irak:
La première est le monopole systématique de l'économie. L'Irak est considérée par Rumsveld comme un pays stalinisé, parce que c'est une économie auto-gérée.
La deuxième est que Saddam Hussein est coupable de mener une politique nationale, et est dès lors un mauvais exemple pour les pays voisins.
La dernière raison est que les USA veulent avoir une main mise sur les ressources nationales de l'Irak. Elles équivalent à peu près à 3 milliards de dollars, ce qui n'est pas des petits intérêts économiques!

Karen Parker demande à Michael Parenti s'il peut donner des commentaires sur la multiplication de bases américaines à l'étranger.
Il répond qu'il y a 600 bases majeures, et 2000 petites bases satellites, qui vont servir à des forces de frappe très mobiles.Elles offrent un remplacement rapide des forces sur le terrain. Grâce à ces forces, les USA avaient eu un "ticket gratuit" pour envahir l'Afghanistan, mais avec l'Irak, cela ne s'est pas passé de la même façon. Les foules se sont mobilisées contre cette attaque. Pour les USA, c'était une sorte d'excursion, où ils déclaraient apporter de l'électricité, des hôpitaux et de la démocratie!(rires du public) Pour la première fois, on leur disait qu'on voulait avoir un contrôle sur sa propre souveraineté nationale. L'agenda du PNAC a même dû être interrompu. En effet, s'ils avaient eu une victoire sur l'Irak, ils auraient essayé d'envahir l'Iran. Seulement, ce pays est deux fois plus grand, et pose donc deux fois plus de difficultés!

Denis Halliday demande ce qu'il pense du fait d'ouvrir le dialogue avec quelqu'un comme Ben Laden.


M.Parenti répond que lui, ça ne lui pose pas de problème. Les terroristes emprisonnés disent que les occidentaux essaient de saper leur culture. Les Américains pensent qu'on les haït parce qu'ils sont libres et démocrates, mais Ben Laden n'a jamais dit qu'il les détestait parce qu'ils étaient libres beaux et intelligents! Il est absurde de considérer tout cela en terme d'envie et de jalousie. Ces terroristes essaient juste de déplacer la guerre qu'il y a chez eux aux Etats-Unis, qui en sont une grande cause.


Troisième témoin de la matinée, Michel Colon, journaliste.

Selon lui, deux problèmes se posent:
- Peut-on dire que les personnes du PNAC ont des stratégies irrationnelles? Car ce sont des stratégies selon leur intérêt.
- Le PNAC est-il si important, ou est-il une prolongation des politiques américaines habituelles?

Il est dangereux aussi bien de penser que si le PNAC et Bush n'existaient pas, tout irait bien, que de sous-estimer le PNAC. La politique du PNAC a été soutenue par les multinationales américaines parce que le capital américain se considérait comme étant dans une situation dramatique. 300 multinationales se partagent 1/4 de la production mondiale. Donc, si on veut être compétitif, il faut être plus productif, ce qui implique des restructurations. Mais il y a une contradiction, parce que là, ce sont des consommateurs que l'on prive de revenus. A force d'accroître sa production, on en arrive à une surproduction. Si cela augmente, il y a un besoin absolu d'exporter ses capitaux, et c'est possible dans les pays du tiers-monde où on peut faire des profits. Il cite ici Bertoldt Brecht qui dit que s'il y a des riches, c'est parce qu'il y a des pauvres.
Le monde est un morceau de gâteau, dit-il, et le problème est de savoir qui va le manger. Ce n'est pas ceux qui l'ont fait. Les trois blocs économiques (Europe - USA - Asie) sont en très forte concurrence là-dessus. Il n'y a pas que de l'unité ou de la rivalité entre eux. Leur unité est qu'il veulent manger ce gâteau, et leur rivalité est à propos de celui qui aura la plus grosse part.
Il ajoute que ce type de situation risque d'aboutir sur un conflit mondial, et rappelle que Hitler était arrivé au pouvoir grâce au capital allemand qui l'avait financé. James Woolsey avait même avancé que avec les événements du 11 septembre, on était tombés dans la quatrième guerre mondiale.
Les Etats-Unis sont un pays ruiné. En effet, avec un déficit de 450 milliards de dollars par an, c'est un pays en banqueroute. Ils ne peuvent vendre leurs produits que par hégémonie et pillage. Ils veulent avoir la main mise sur les réserves d'hydro-carbure non parce qu'ils en ont besoin, mais pour pouvoir exercer un moyen de pression. Le gaz devient aussi un enjeu, car il y a de moins en moins de pétrole. On remarque d'ailleurs que partout où passe le tracé de la route du gaz, il y a eu des interventions US (Afghanistan, Kosovo, Turkménistan,...). En fonction de ces routes, on peut prévoir où les USA vont vouloir s'imposer.
Selon M.Colon, voici les objectifs du PNAC:
- Le principal est la Chine. Cette dernière connaît un taux de croissance très élevé: 8%contre 2% à l'est. Si les Chinois ont la main mise sur leur économie, c'est jugé comme incompatible avec les intérêts américains. Deux solutions pour les USA: la corruption pour supprimer le communisme, ou l'encerclement militaire. Par exemple, est-ce bien un hasard que, lors de la guerre de Yougoslavie l'ambassade de Chine ait été bombardée?
- Deuxième cible: l'Europe. Elle est d'accord qu'on pille 1/3 du monde, mais est une rivale car souhaite avoir une armée européenne. Il ne faut pas croire qu'une cible en exclut une autre, il n'y a pas de rapport d'importance. Il faut juste comprendre les liens qui les unissent.Les USA ont peur des unions, et veulent diviser l'Europe notamment grâce au Royaume-Uni et à la Turquie. Le pire crime de Saddam Hussein aurait été de vouloir créer une unité des états arabes du Golfe pour être indépendants des Etats-Unis. Et quand on sait que l'Allemagne et la Russie sont partenaires de l'Irak, on comprend qu'une cible en sous-entend d'autres.
Quand on utilise le terme de guerre mondiale, on sous-entend que tout cela est une seule et même guerre.Les médias veulent faire croire qu'elles sont spécifiques, que ce soit contre Milosevic, Castro, ou Saddam Hussein. Ce sont des guerres pour contrôler la route du pétrole et avoir une main mise sur le monde arabe. Il y a là-dessus une désinformation de la population.
Alors, le PNAC, oui ou non? Selon lui, si il s'agit de revenir à une politique américaine normale, c'est non au PNAC. Et si c'est synonyme de relance économique, oui, il est pour.
Mais le PNAC est une conséquence extrêmement dangereuse de la mise en oeuvre des lois économiques. Il termine en disant qu'il faut dénoncer le PNAC à la lumière de ces événements annonciateurs d'un siècle de guerres, d'embargos et d'horreurs.

Question de Jean Bricqmont, procureur: La guerre du Kosovo était-elle plus motivée par les pipelines que par les gens qui s'y entre-tuaient?
Michel Colon répond qu'il est sûr qu'elle n'était pas motivée que par les pipelines, mais que ce problème pesait quand même beaucoup dans la balance. Le Général Jackson le dit lui-même de son poste en Macédoine. Bien sûr les idéolgies jouent un rôle, mais il faut savoir pourquoi les USA mènent ces guerres et comment ils arrivent à y faire adhérer les gens.

Tom Barry, de la défense, lui pose ensuite deux questions: " Ne faites-vous pas de confusion entre le PNAC et le Comity For Present Danger?" et "pourquoi les USA viseraient-ils la Chine alors qu'ils y ont déjà des capitaux?"
A la première, M.Colon répond qu'il ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres think tank aux Etats-Unis, mais que la question est de savoir si le PNAC présentait la stratégie en cours. Dans les rédactions, il n'y a pas d'implications directes des multinationales, mais ils vont quand même dans leur sens pour les soutenir. Pour ce qui est de la Chine, bien sûr il y a une entrée de capitaux.mais le problème est de savoir qui va emporter le jeu. C'est facile de donner des leçons à la Chine, mais ils l'ont poussée dans une situation désespérée! Les grands absents de ces audiences, c'est le peuple, ceux qui ont vu la souffrance et les conséquences atroces des embargos et politiques américaines.

Jim Lobe, également de la défense, pose de dernières questions. La première est de savoir s'il y a un élan moral derrière la pax americana. La deuxième est de savoir si le monde unipolaire proposé par le PNAC et l'administration Bush est plus sûr qu'un monde multipolaire.
Pour M.Colon, l'establishment US n'est pas crédible dans son rôle humanitaire ou moral. Surtout quand on voit qu'ils financent les principaux terroristes depuis 50 ans! Quant à savoir si un monde multipolaire est plus sûr, ajoute-t-il, on n'a pas le choix: la réalité décidera pour nous.C'est une guerre économique qui est sur le point d'être menée.

Dernier intervenant de la matinée: Hans Von Sponech.
Il commence en disant qu'on doit réagir à la déclaration terrifiante de Richard Pearl disant que la loi internationale s'est opposée aux intérêts américains. Car cela ne peut pas expliquer l'illégalité des frappes préventives engagées contre l'Irak en mars 2003. Les attaques contre les civils Irakiens avaient même commencé avant la guerre.
Il y a eu des missions d'évaluation lancées par l'ONU afin d'établir un panel humanitaire, mais il n'y avait pas beaucoup d'argent disponible. Pourtant, quand on sait que l'armée US peut dépenser 1 milliard de dollars par jour, comment la communauté internationale ne peut-elle pas en lâcher 2 pour les projets des Nations Unies? En 1996, 28 millions de dollars étaient disponibles pour le programme oil for food. On se dit que c'est une somme astronomique, mais quand on la divise, on se rend compte que pour le secteur de l'éducation par exemple, cela revenait à allouer moins d'un demi cent par personne! De plus, les gouvernements Britanique et Américain ont empêché de faire les rapports au conseil de sécurité de l'ONU. Le travail se faisait avec des demis vérités, dit H.Von Sponech.Ces gouvernements maintenaient un niveau de désinformation qui ne contribuait pas à résoudre la crise irakienne. On n'a jamais pu rapporter les conditions humaines en Irak. On nous a juste permis, dit-il, de montrer l'importance du programme oil for food pour la population irakienne. Les Etats-Unis ont essayé de saper les Nations Unies en gelant des fonds qui auraient pu servir à sauver des vies.
Il ajoute que l'ONU a conservé des règles illégales comme les zones de non-survol sous la pression des gouvernements Britanique et Américain. Les mesures qui étaient utilisées en réponse aux mesures irakiennes étaient illégales, et les frappes préventives étaient une violation flagrante de la souveraineté irakienne.
Il devrait y avoir une meilleure communication entre les différents organismes des différents pays. Il y a partout des tentatives qui naissent. Il y a une cause qui peut être remportée, mais il ne faut pas être naïf au point de croire qu'un jour Saddam Hussein et George Bush se retrouveront autour d'une table et admettront qu'ils ont violé des droits de l'homme.
On a le choix, dit-il, entre user de la force militaire ou d'user du côté humanitaire, qui permettrait d'aider des nations entières à ne plus souffrir.

Jean Bricqmont demande s'il y a eu beaucoup de morts suite à l'embargo contre l'Irak.
A cela, H.Von Sponech répond qu'il y en a eu 5000 plus ou moins, mais que un seul mort est déjà suffisant pour lutter contre cet embargo. L'Irak a connu de graves crises entraînées par des sanctions économiques inappropriées.

Jim Lobe: "Vous dites que l'ONU n'a pas agit que illégalement, mais aussi immoralement sous la pression des USA. Est-il moral d'avoir destitué Saddam Hussein et de l'avoir remplacé par autre chose?"
H.Von Sponech avoue que c'est pour lui difficile à admettre, mais que l'ONU a effectivement agi immoralement et illégalement. La disparition d'une dictature aurait été un bon départ pour le peuple Irakien pour vivre en paix, mais ce qu'on a mis à la place est encore pire. Si une nation intervient dans une autre nation, alors, c'est illégal.

Sabah Al Mukhtar, membre de la commission, pose une dernière question. L'ONU agit au nom de ses membres. Le conseil de sécurité est contraint par ses membres d'agir d'une certaine facon, c'est donc plutôt le faute des membres?
H.Von Sponech nous apprend qu'au point de vue des rapports sur la situation en Irak, des membres ont essayé de décrire la misère du peuple irakien, mais que ça n'avait pas été mandaté par le bureau des Nations Unies. Il recevait toujours les informations trop tard. S'il y avait eu des alternatives, ils auraient eu le temps de sauver le peuple irakien, et il y en aurait eu si l'Angleterre et les USA avaient donné une chance au conseil de sécurité.

Fin des audiences du matin.