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L'Europe des régions
by Cécily Thursday, Mar. 18, 2004 at 4:31 PM

Le Knack roule-t-il pour le Blok? Le texte qui suit n'est pas des plus politiquement corrects, mais ce n'est pas de la faute à sa traductrice, qui ne fait qu'éclairer a néon les suggestions infraliminaires dont il regorge.


Le Vif et le Knack

Le Knack est le bon petit hebdomadaire d’actualité du Flamand cultivé. On dirait volontiers que c’est l’hebdo des mille collines flamandes, si seulement en Flandre il y avait des collines ; comme il n’y en a pas des masses, disons plutôt que c’est l’hebdo qui pénètre la Flandre profonde par tous les canaux, et qu’on trouve échoué dans la plupart des salles d’attente du doux pays. Le Knack est le frère jumeau du Vif: même mise en page, mêmes actionnaires, même prédilection pour les salles d’attente. Au fait, je ne sais plus qui sont ces actionnaires exactement, mais une chose est sûre: on n’a pas affaire à une entreprise d’apprentissage social.

Leur gémellité n’implique pas que le Knack et le Vif racontent la même chose, car ils s’adressent à deux régions différentes de l’Europe des régions.

Voici que l’éditorialiste du Knack du 10 mars 2004, Rik Van Cauwelaert, écrit aux Flamands en prévision des élections de juin prochain:


Différence culturelle entre le nord et le sud

« Il y a quelques semaines, Luc Coene évoquait dans Trends (revue économico-libérale, ndC) la différence culturelle entre le nord et le sud. Coene était jusqu’il y a peu le chef de cabinet du premier ministre Guy Verhofstad. Il est maintenant vice-gouverneur de la Banque Nationale de Belgique. Sa formulation est donc prudente, sinon euphémique. »

« Sa formulation ne peut pourtant pas être mieux illustrée que par la démission de Mia De Vits de la présidence du syndicat socialiste ABVV-FGTB. De Vits n’a pas été acceptée par l’aile francophone du syndicat. La FGTB lui a reproché d’avoir essayé de mettre de l’ordre dans les finances de la section bruxelloise du syndicat. Certains secteurs, encore tenus par des vieux trotskystes et des anciens communistes, ont dénié à la présidente tout droit de regard sur leur gestion financière, laquelle manquait généralement de la plus élémentaire transparence. »

Bref, les nids d’extrême-gauche qui subsistent dans un syndicat socialiste correspondent avec ses trous noirs financiers, et se trouvent tous en Wallonie.

« Mais la plus grande différence entre De Vits et la FGTB wallonne, est une différence de sensibilité. C’est la fameuse différence culturelle entre les deux côtés de la frontière linguistique. Cette différence pèse d’un poids de plus en plus lourd sur les relations entre le Nord et le Sud. »

On sait maintenant ce qu’il faut entendre par « différence culturelle entre le nord et le sud » de la Belgique : d’un côté les modernes honnêtes et raisonnables, avides de s’élancer vers l’avenir , de l’autre les passéistes pourris et utopiques, lourds à traîner. Pauvres Flamands, noyés par la pierre qu’ils ont attachée autour du cou et qui s’appelle la Wallonie, comme ils sont mal barrés pour entrer dans l’Europe des régions !


La Wallonie dominée par les socialistes

« Alors que les médias spéculent et dissertent du devenir du parti libéral flamand en juin face aux partis de l’opposition chrétienne et socialiste, et noircissent beaucoup de papier au sujet de la crainte d’un bond en avant du Vlaams Blok, personne ne trouve à redire que la Wallonie reste dominée par un parti socialiste totalisant les voix de 39% des électeurs. La Wallonie est DOMINEE par le PS, dans tous les sens de l’expression. Le parti libéral de Louis Michel suit de loin, avec 25% des voix d’après les sondages. Le résultat en est que, quoi qu’il arrive en juin, Elio Di Rupo, le président du PS, pourra choisir souverainement ses partenaires de la coalition gouvernementale. »

« Or, après les élections, il devra y avoir une réforme du marché du travail, car le taux d’emploi (cad le rapport entre les travailleurs et les assistés par la sécu, ndC) doit absolument augmenter. De même, la sécurité sociale doit aussi être réformée, parce qu’il faut d’urgence mettre un frein aux dépenses de santé. Voilà des tâches délicates, car ce qu’on appelle le problème wallon, existe toujours. »

D’après ce que nous chuchotons entre Wallons (et Indyflamands), le Knack est encore en deçà de la réalité pour ce qui est de la différence culturelle entre le nord et le sud. Nos mentalités wallonnes nous font espérer que l’éditorialiste flamand a raison, et que Di Rupo pourra vraiment représenter un frein à ces réformes; mais comme nous sommes encore plus wallons que notre chef de parti, nous redoutons qu’il ne soit blairisé, ou mitterrandisé, et ne s’entende trop bien avec les élus flamands.

Mais intéressons-nous sans plus tarder au fameux « problème wallon ».


Le problème wallon

« D’après les chiffres de l’Institut National de Statisique de la fin du mois de février, la Wallonie reste incapable de suivre le progrès flamand. (…) Du mouvement de rattrapage annoncé à l’envi par les élus wallons, rien n’est vrai. Pas d’investissements en Wallonie. Le taux de chômage est de 18% en Wallonie en février, tandis qu’il est de 8,3% en Flandre. Il manque 150 000 emplois en Wallonie pour que la Wallonie atteigne un taux de chômage comme celui de la Flandre. »

« Les Flamands ont en moyenne un revenu brut de 25% supérieur à celui des Wallons. Décomptés les impôts et les cotisations sociales, les Flamands reçoivent encore 15% de plus que les Wallons en moyenne. »

Et alors, de quoi se plaignent-ils ? Ben, d’être privés des 10% de transferts. Démagogie, quand tu nous tiens…

« Ceci, alors que les coûts du travail en Flandre (c’est-à-dire la part de la valeur ajoutée qui sert à rémunérer les travailleurs, ndC), sont inférieurs de 5% à ce qu’ils sont en Wallonie. »

Autrement dit, les industries qui sont en Flandre ont une bien meilleure productivité que celles qui sont en Wallonie. Moins de coûts du travail, plus de bénéfices. Ce n’est peut-être pas la faute aux travailleurs wallons, puisque cela dépend des secteurs industriels et donc des investisseurs ; mais qui nous parle de faute ? On est ici dans l’économie, pas dans la Bible.

« Pour le moment, la Wallonie reçoit des montagnes d’aide de la part des programmes européens d’aide aux régions attardées. Mais cela va s’arrêter en 2007. (…) Et cette perte devra être compensée. Bonjour les nouveaux transferts de la Flandre à la Wallonie, et les négociations communautaires ! »


Le facteur grave de troubles dans la Belgique fédérale

« La coalition mauve ne peut réussir à contourner un PS qui, selon un ancien président du parti libéral flamand, Karel De Gucht, est un facteur grave de troubles dans la Belgique fédérale. De Gucht sait de quoi il parle. Di Rupo demanda sa démission, et l’obtint. »

Le facteur grave de troubles dans la Belgique fédérale, n’est donc nullement un possible bond du Vlaams Blok, mais la domination de la Wallonie par les socialistes, laquelle contraint les pauvres Flamands à ne gagner que 15% en moyenne de plus que les Wallons alors qu’ils pourraient être plus riches de 25%. Si les Flamands trouvent que les libéraux et les chrétiens flamands sont trop conciliants avec leurs amis les Wallons, ils pourront toujours voter Blok. Au Knack, on les comprendra.

D’ailleurs, les vrais libéraux, c’est comme Siemens, AGFA – vous savez, les multinationales qui s'étaient implantées autour des camps de concentration en 40-45, et qui n’ont pas pour autant changé de nom par après. Le vrai libéral n’est donc pas trop dérangé par une bouffée d’extrême droite.

Nul ne nie que l’extrême droite, c’est un peu brutal. C’est le remède héroïque à n’utiliser strictement que quand tout le reste échoue à diminuer les coûts du travail wallons de 5%. L’extrême droite est à l’économie ce qu’est à l’agriculture la technique du brûlis .

Diminuer les coûts du travail wallons de 5%, incitera peut-être les investisseurs à investir de nouveau en Wallonie. Si cela est, ils partageront souverainement le bénéfice qui en résultera entre, voyons… Les Flamands ? Le moment sera justement venu de leur rappeler qu’ils sont culturellement proches des Allemands, et il se fait que les Allemands sont actuellement accusés de se vautrer sur leurs droits acquis. Les actionnaires alors, parce qu’il faudra bien. Et surtout, soi-même : le trou noir dans la comptabilité, Lord Voldemort invisible depuis le Ministère de la magie.