Haïti et République Dominicaine dans l'oeil du cyclone. by FTSI Sunday, Feb. 29, 2004 at 11:34 AM |
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Haïti et République Dominicaine dans l'oeil du cyclone. La situation dans l'île. Article de Gustavo Dunga, publié dans La Verdad Obrera (PTS) d'Argentine.
Ouragan sur la Caraïbe.
Haïti et République Dominicaine dans l’œil du cyclone .
Par Gustavo Dunga.
« Nègre colporteur de révolte
tu connais les chemins du monde
depuis que tu fus vendu en Guinée
une lumière chavirée t’appelle
une pirogue livide
échouée dans la suie d’un ciel de faubourg ».
Jacques Roumain, poète haïtien, 1907-1944 .
L’ancienne île de St Domingue se retrouve dans l’œil du cyclone depuis le début de l’année. En Haïti, un vaste mouvement populaire réclame la démission du président Jean-Bertrand Aristide. En République Dominicaine, une grève générale à la tête de laquelle se sont portés les syndicats a poussé à bout le président Mejía, le De la Rúa des Antilles , ouvrant ainsi une profonde crise politique. Comme dans d’autres pays d’Amérique latine et de la Caraïbe, se sont les plans du FMI et les saignées provoquées par les traités de libre-échange bilatéraux qui sont à l’origine de la furieuse intervention du mouvement de masse.
Haïti : “Nous n’existons pas, nous survivons”.
C’est par ces paroles, recueillies par une agence de presse internationale, qu’un jeune opposant au gouvernement vivant dans les faubourgs de Port-au-Prince résume le malheur et la pénurie qui frappe la plus grande partie de la population haïtienne. Les médias répètent inlassablement les statistiques qui dressent un triste tableau de la partie occidentale de l’île qui fut au XVIII° le principal producteur de sucre et de café mondial.
Haïti est passé dans le groupe des 50 pays en déclin économique rapide d’après le PNUD . 52% de la population se trouvent sous le seuil de pauvreté, 50% souffrent de sous-emploi et l’espérance de vie s’élève à peine à 53 ans. Le PNUD révèle également que 3,8 millions de Haïtiens vivent dans une situation d’insécurité alimentaire chronique. Mais, ce dont la presse ne parle pas, c’est que la responsable de cette arriération matérielle et de la décomposition d’Haïti, c’est l’oppression de l’impérialisme et des gouvernements locaux à sa solde. L’histoire de l’île, pour ne parler que des vingt dernières années, c’est une histoire de débarquements de Marines américains et d’humiliations, une histoire d’embargo et de blocus économique auxquels elle a été soumise, l’histoire des compagnies sucrières états-uniennes qui exploitent les paysans et enfin celle des Haïtiens qui ont subi pendant des décennies une des dictatures les plus sanguinaires de l’histoire, celle de la dynastie Duvalier. Haïti paye cher aujourd’hui au capital impérialiste l’audace de s’être libéré, il y a deux siècles, du joug colonial français et d’en avoir fini avec l’esclavage en établissant la première république Noire du monde !
Mobilisations populaires et affrontements entre bandes armées.
Aristide et son parti, la Famille Lavalas, sont accusés par les militants de l’opposition d’avoir frauduleusement gagné les élections au cours de l’année 2000 et d’avoir établi un régime autoritaire avec les forces de répression pour principal soutien. Aristide, ancien curé catholique sympathisant de Théologie et Libération avait été déposé par un putsch en 1991. En 1994, il est revenu au pays porté par une nouvelle invasion impérialiste menée par les Marines américains et l’ONU. Cette intervention a jeté les bases de l’application des programmes néo-libéraux dans le pays. Bien qu’Aristide use d’une rhétorique anti-américaine lorsqu’il se dirige à sa base, il a cependant appliqué au pied de la lettre les plans du FMI, a payé la dette extérieure rubis sur ongle et a essayé de favoriser l’installation de maquiladoras dans la zone frontalière avec la République dominicaine.
Haïti souffre d’une inflation galopante, d’une crise alimentaire sur le point d’éclater qui poussent des milliers d’exilés vers des tentatives désespérées de rejoindre les côtes états-uniennes sur des radeaux de fortune. Depuis la fin de l’année dernière, les manifestations réclamant la démission d’Aristide n’ont fait que croître. Il s’agit d’un vaste mouvement populaire au sein duquel les étudiants, les lycéens et certains syndicats jouent un rôle d’avant-garde. Les mobilisations exigent la fin de la répression gouvernementale, le respect des droits de l’homme, des élections libres et s’élèvent également contre la cherté de la vie. Cependant, la Plate-forme Démocratique tente dangereusement de canaliser la légitime aspiration des masses aux libertés politiques, leur soulèvement contre la faim et la répression. On y trouve des représentants de la droite traditionnelle et même certains partis de centre gauche. Cette Plate-forme représente, en réalité, la continuité des politiques néo-libérales.
En même temps, profitant de la faiblesse du gouvernement, d’anciens partisans d’Aristide, avec leurs bandes armées -à l’image du Front de Résistance Révolutionnaire ou l’Armée Cannibale- ont pris d’importantes villes telles que Gonaïves et St Marc et se sont autoproclamées comme seules autorités alors qu’elles sèment la terreur parmi la population pauvre qui fait encore confiance en Aristide. Beaucoup de journalistes voient ces bandes armées comme la tête de la rébellion populaire armée. Rien n’est plus faux. Dans un climat de décomposition généralisée, il s’agit de groupes composés par des déclassés et des criminels qui cherchent à s’emparer de l’Etat, comme d’un butin.
Une rare violence s’étend à l’ensemble du pays alors que les Etats-Unis et la Caricom (Communauté Caraïbe) cherchent une issue négociée, essayant de faire pression pour qu’Aristide recule et tout en discutant une possible intervention militaire.
Mais ni Aristide, ni la Plate-forme Démocratique, ni les bandes armées qui mettent le pays à feu et à sang ne représentent une issue à la crise que traverse le pays. Toutes ces variantes, sans même parler d’une intervention militaire étrangère, ne feront que replonger les travailleurs et le peuple haïtien dans la misère. Pour en finir avec l’oppression impérialiste et prendre le chemin de la libération nationale et sociale, les travailleurs et les paysans d’Haïti doivent se mobiliser et s’organiser de manière indépendante de toutes les variantes bourgeoisies qui sont responsables de l’état de délabrement et de misère dans lequel se trouve le pays.
République Dominicaine. Grève générale contre le gouvernement affameur.
Les 28 et 29 janvier le pays a connu une grève générale qui a été “un franc succès” d’après les organisateurs, le Collectif des Organisations Populaires (Colectivo de Organizaciones Populares). Il s’agit de la seconde grève générale en deux mois menée contre le gouvernement de Hipólito Mejía et le Parti Révolutionnaire Dominicain.
La République Dominicaine traverse une profonde crise économique et politique. La toile de fond de ces journées ouvrières et populaires de lutte ont été les programmes d’ajustement structurel accompagnés de privatisations, de la baisse des budgets de la santé et de l’éducation, des faillites bancaires, de la fuite de devises et dévaluation de la monnaie. A la différence de Haïti, la classe ouvrière et ses organisations se trouvent clairement à la tête de l’opposition politique au gouvernement en République Dominicaine. Dès le début de la grève, aucun commerce ou marché n’a ouvert et toute l’industrie s’est retrouvée paralysée alors que la population gagnait la rue. Les mesures répressives du gouvernement qui a fait appel à l’armée, à la police et à des bandes paramilitaires n’ont pas fait taire le mouvement, et surtout pas la jeunesse des quartiers populaires. Massivement, on a manifesté contre Mejía. Dans la capitale, Santo Domingo, où les affrontements ont été les plus durs, les forces de sécurité qui ont fait plusieurs morts parmi les manifestants, ont dû céder du terrain en plusieurs points de la capitale.
Une des revendications centrales que l’on pouvait voir dans le camp des manifestants était “Renuncia de Mejía!”, “Mejía Démission!”. Par sa massivité, la grande participation ouvrière et populaire, l’action des masses dominicaines a pris la tournure d’une grève générale politique. Elle a remis en cause les détenteurs du pouvoir, séparant d’un côté le gouvernement usé jusqu’à la corde et la classe dominante et de l’autre côté la plus grande partie de la nation ouvrière et paysanne. Quelques jours plus tard, un journaliste mexicain de La Jornada résumait les événements ainsi : “Il s’est agi, en somme, d’un soulèvement national afin d’inverser le cours des politiques néo-libérales. Il s’inscrit dans le cycle des combatives luttes de cet ordre qui parcourt l’Amérique latine”.
Les évènements haïtiens et dominicains sont une constante des pays centre-américains et de la Caraïbe, menacés dans leur intégrité par les traités de libre-échange avec les Etats-Unis et les programmes du FMI. Ils montrent également que la résistance face à l’oppression impérialiste et les gouvernements affameurs met la région au diapason des soulèvements qui parcourent le continent, comme hier encore en Bolivie, montrant ainsi le chemin pour en finir avec cet état des choses et ce système.
Notes:
“Huracán en el Caribe”, de Gustavo Dunga, publié dans La Verdad Obrera n°133, Buenos Aires, 17/02/2004. La Verdad Obrera est l’organe du Parti des Travailleurs pour le Socialisme d’Argentine, (PTS), membre de la Fraction Trotskyste-Stratégie Internationale. Voir http://www.pts.org.ar
ROUMAIN Jacques, “Bois d’Ebène”, in SEDAR SENGHOR Léopold, Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française, PUF, Paris, 1997, p.114.
Pour plus d'informations, http://www.ft.org.ar et le site en français (en const°) http://fteurope.free.fr ou en allemand whttp://www.ft-europa.org