arch/ive/ief (2000 - 2005)

Reporters sans scrupules
by Jean-Guy Allard Tuesday, Feb. 24, 2004 at 9:39 PM
jeanga@enet.cu

Des cas comme celui du cameraman José Couso ont mis en relief le véritable sens des efforts constants de Robert Ménard pour orienter son organisation, Reporters Sans Frontière, financée par les États-Unis et des multinationales des communications, selon les orientations des services de renseignements nord-américains.

LA paix est ennuyeuse était le titre d'un article de la revue allemande Der Spiegel publié en mai 2003 lorsque les troupes nord-américaines ont cru avoir pris Bagdad. Et le 'héros' du texte apologétique de cette conquête, publié sous la signature du reporter Klaus Brinkbäumer, est le lieutenant colonel Philip de Camp de l’US Army. Un mois auparavant, de Camp avait ordonné le bombardement criminel de l'hôtel Palestina, dans la capitale irakienne, et il sera le témoin central du rapport truqué de Reporters sans frontières sur la mort du cameraman espagnol José Couso.

«Si tu es à pied, la guerre n'est pas si amusante. Elle est beaucoup plus amusante dans un tank», commentait de Camp qui, selon Brinkbäumer, a passé l'invasion dans un M1A1 Abrams de 4,3 millions de dollars.

Combien d'Irakiens avez-vous atteint, sir?, a demandé le reporter, utilisant le 'sir' réglementaire de l'armée nord-américaine quand un subalterne se dirige à un supérieur.

Je m'en fiche!, lui a répondu l'officier.

De Camp est né à Fort Benning, en Georgie (USA), d'un père général, dans une famille où l'on est militaire par tradition. Il a nommé son fils Alexander-Philip, "pour Alexandre-le-Grand et Philip de Camp».

De Camp a vécu à West Point, la Nouvelle-Orléans, Washington et Vilseck en Allemagne. Il a participé à la Guerre du Golfe déclenchée par George Bush père.

L'entrevue a eu lieu dans une résidence prise à un fils du chef d'État irakien renversé. De Camp, en buvant un Coca-Cola, raconte entre autres anecdotes qu'il avait trouvé dans un cabinet quelques bouteilles de champagne Dom Pérignon 1985 et qu'il les emporterait à Fort Stewart, sa base d'attache aux États-Unis.

Peu auparavant, le médiatique lieutenant-colonel concédait une autre entrevue, cette fois à David Zucchino du Los Angeles Times, toujours avec cette même arrogance impériale. Il parcourrait dans ce cas la résidence présidentielle.

«De Camp a recommandé que ce palais soit utilisé comme siège du nouveau gouvernement de transition», signalait le reporter. Et il en fut ainsi.

À QUI PROFITE LA TROMPERIE?

Ces anecdotes n'auraient pas grande importance si ce n'était que ce même de Camp est celui qui a ordonné le bombardement de l'hôtel Palestina de Bagdad survenu le 8 avril 2003, où se trouvaient des centaines de journalistes étrangers et qui a provoqué la mort du cameraman espagnol José Couso et de son collègue ukrainien Taras Protsyuk.

Et si Jean-Paul Mauri, journaliste de l'hebdomadaire français Le Nouvel Observateur, auteur du rapport condescendant de Reporters sans frontières sur cet acte criminel, n'était pas un ami personnel de cet officier de l’US Army.

«Les conclusions de ce rapport disculpent les auteurs matériels et reconnus du tir contre l'hôtel Palestina en se basant sur l'impartialité douteuse des (journalistes) intégrés à l'armée (empotrados), et le témoignage même des auteurs et des responsables du tir, renvoyant cette responsabilité à des personnes non-identifiées», ont signalé les proches de José Couso dans le document où ils rejettent catégoriquement les conclusions de RSF.

La famille a indiqué comment le document est basé sur les témoignages de journalistes intégrés aux forces militaires nord-américaines tels que Chris Tomlinson qui a appartenu durant sept ans aux services de renseignement de l'armée des États-Unis.

«La biographie si 'humaine' que l'on fait des assassins de José Couso Permuy et Tras Protsyuk nous semble, de plus, un manque de délicatesse, l'offense culminant avec les remerciements à ces militaires nord-américains pour leur collaboration dans le rapport», ajoute le texte émis le 16 janvier dernier.

Ces remerciements confirment cependant la relation compromettante de l'homme de gauche' Ménard avec les États-Unis qui lui garantissent la subvention que des institutions comme la USAID, la USIA et la NED lui offrent pour leur travail contre Cuba et d'autres pays qui ne sont pas de la convenance des États-Unis tels que le Venezuela et la Chine.

On ne paie pas Ménard pour défendre des causes justes mais bien pour déployer des campagnes contre Cuba et le Venezuela dans tous les pays où RSF dispose de représentations, cacher des vérités comme celle de Couso lorsqu'elles mettent en danger les intérêts nord-américains, financer des pseudo 'journalistes indépendants' cubains dans leur travail d'informateurs des services de renseignement étasunien et d'autres tâches similaires.

Les faits qui entourent le bombardement de l'hôtel Palestina sont bien connus. Et Mauri aurait pu les trouver, exposés de façon transparente, dans la requête même présentée par la famille de Couso devant les tribunaux espagnols.

Il y est démontré que son bon ami de Camo a été celui qui a donné l'ordre criminel aux occupants de l'un des tanks Abrams M1A1 (dont il faisait l'éloge un mois plus tôt dans Der Spiegel) de tirer contre l'hôtel qu'il savait plein de reporters. Voici ce texte.

LES 'KILLERS' DE LA COMPAGNIE 'A'

(...) À 10h46, le 8 avril, les tanks du 64e régiment blindé, 4e bataillon, appartenant à la 3e Division d'infanterie de l'armée des États-Unis, se placent à une extrémité du pont Jumhuriya qui se trouve à un kilomètre et demi de l'hôtel Palestina. Dans l'hôtel Palestina logent près de 300 envoyés spéciaux de la presse internationale, un fait connu tant par la coalition anglo-américaine que par les Irakiens.

Peu après 11h du matin, le char de combat étasunien Abrams M1 appartenant à la compagnie A du 64e régiment, fait pivoter sa tour, vise l'hôtel Palestina et, après quelques minutes, tire un projectile contre celui-ci à la hauteur du 15e étage.

José Couso Permuy, caméraman et reporter de Tele 5, de nationalité espagnole, âgé de 37 ans, marié, avec deux fils de six et trois ans, est atteint par l'impact, tandis qu'il filmait depuis la chambre 1403 de l'hôtel Palestina situé dans Bagdad, puis meurt quelques heures plus tard à l'hôpital Ibn Nafis de Bagdad, à cause des blessures reçues, (...)

Le char de combat Abrams M1 qui a tiré de façon intentionnelle sur l'hôtel Palestina, appartenait à la 3e division d'infanterie blindée des États-Unis 2e brigade du 64e régiment, compagnie A.

La personne qui a tiré depuis le char de combat Abrams M-1 est le sergent Gibson. C'est lui qui avait, comme l'a annoncé Tele 5 le 8 mai aux nouvelles de 20h30 et selon son propre récit, la personne qui a découvert que quelqu'un les observait avec des lunettes d'approche depuis l'hôtel. Le sergent Gibson, dans des images émises par la chaine raconte: 'Je n'ai pas tiré immédiatement sur lui. J'ai appelé mes chefs et je leur ai dit ce que j'avais vu. Dix minutes après, ils m'ont appelé et m'ont dit de tirer et c'est ce que j'ai fait' (Bande B 1h 11'45").

Son supérieur immédiat, le capitaine Philip Wolford, est celui qui a autorisé le tir, selon ce qu'il a fait savoir dans une entrevue au Nouvel observateur, en voyant un artilleur de l'un des tanks observer comment quelqu'un les regardait avec des lunettes d'approche depuis l'hôtel.

Philip Wolford est le responsable de l'unité de blindés de la Comganie A (connue sous le surnom de 'The Killers' ('Les Tueurs'), selon ce qu'a publié le Boston Herald) appartenant au 64e Régiment de blindés et il se trouvait juste derrière le tank dans les instants précédant le tir.

La personne qui a ordonné de tirer contre l'hôtel Palestina a été le lieutenant colonel Philip de Camp, supérieur du capitaine Philip Wolford et responsable du 64e régiment de blindés auquel appartenait la compagnie A, selon ce qu'il a reconnu au Los Angeles Times le 11 avril. (...)

AZNAR DANS LA CAMPAGNE DE TROMPERIE AVEC BUSH ET POWELL

Avec son rapport boîteux, RSF n'a pas innové. Il a simplement ajouté à la campagne de tromperie qu'avait déjà menée le gouvernement nord-américain et son allié servile de Miami, José Maria Aznar, semant la confusion à force de désinformation et de mensonges.

«Un mois après, rappelle le chercheur James Hollander (La muerte de José Couso en Bagdad, http://www.rebelion,com) le président José Maria Aznar voyage à Washington pour réaffirmer sa loyauté à Bush. Au cours d'une conférence de presse conjointe, un journaliste espagnol a l'audace d'incommoder George avec le sujet de José Couso, lui demandant si les États-Unis avaient l'intention de présenter des excuses».

«Je crois que la guerre est un endroit dangereux et je crois que personne ne tuerait un journaliste intentionnellement», a alors répondu avec irritation le président nord-américain.

«Alors Aznar ajoute que les États-Unis reconnaissent qu'il y a eu une erreur (ce qui est simplement et platement faux), ce que les États-Unis n'avaient pas fait. Montrant sa disposition à sacrifier autant de citoyens espagnols qu'il soit nécessaire sur l'autel de la loyauté à son chef impérial, Aznar déclare que cela devrait être suffisant».

Il faut se rappeler qu'Aznar a été l'un des vassaux qu'ont utilisés les États-Unis pour conditionner et contrecarrer la position de plusieurs pays ibéro-américains en rapport avec l'immunité des soldats nord-américains devant un Tribunal pénal international. Si la mort de milliers de civils irakiens et le rejet de la guerre impériale par la population espagnole n'a pas touché le "Président de la République d'Espagne» (Jeb Bush l'a nommé ainsi), il serait naïf de penser que la mort d'un journaliste puisse l'émouvoir.

PIROUETTES IMPÉRIALES

Pour RSF, la mort de José Couso est un incident de plus que l'on peut effacer grâce à quelques pirouettes, en absolvant commodément les auteurs identifiés du crime, avec la complicité de cette presse commerciale qui se prétend libre et en rejetant la responsabilité sur un gigantesque appareil d'État qui a déjà écarté le sujet.

Caractéristique de la méthode Ménard: 48 heures après la mort de Couso et de Protsyuk, RSF —l'ONG qui évite de mentionner une seule fois les États-Unis dans son rapport annuel sur la liberté de la presse!— consacrait tout le home page de son site web au «manque de liberté d'expression» à Cuba.

Des cas comme celui de José Couso ont mis en relief le véritable sens des efforts constants de Ménard pour orienter son organisation, financée par les États-Unis et des multinationales des communications, selon les orientations des services de renseignements nord-américains.

Depuis la mort du reporter, la famille de José Couso maintient un site web —http://www.josecouso.info—; où l'on publie des centaines de messages de solidarité et de commentaires, parmi lesquels, celui-ci, paru il y a peu, sous le titre 'Reporters sans scrupules'.

«Protégez-moi des Compagnons sans frontière, écrivait l'auteur anonyme, car je me charge moi-même des ennemis».